Baldur’s Gate 3, le Retour du Roi

0

Comme d’habitude, on arrive un peu après la bataille. Mais après son plébiscite aux Game Awards, il était temps que nous testions le dernier né de Larian Studios.

Désormais, on peut personnaliser son expérience et la difficulté de l’aventure, avec toute une floppée d’options

Annoncé en juin 2019, à l’époque où l’E3 existait encore, Baldur’s Gate 3 est très vite entré en early access en 2020, où il n’a cessé de s’enrichir jusqu’à sa sortie en août dernier (le 3). Une sortie en décalé, puisqu’après la version PC, ce fut au tour de la Playstation de l’accueillir à bras ouvert le 6 septembre (soit le même jour que la sortie de Starfield chez sa concurrente) avant d’enfin sortir sur Xbox, le 7 décembre. Ce retard est dû aux problèmes d’optimisation sur Series S (notamment le coop en split screen), qui aura fait couler beaucoup d’encre et aura montré les limites de la stratégie de Microsoft avec cette génération à deux vitesses. En même temps, tout le travail effectué par Larian pour sortir leur jeu sur la petite Series aura fini par payer et profiter aux autres versions (PC, PS5, Series X), puisque Larian a annoncé une économie de 34% dans l’utilisation de la VRAM. Bref, j’ai beau être joueur Xbox à l’origine, c’est sur PC que je me suis laissé tenter (sur une nouvelle machine flambant neuve, tout juste étrennée sur Alan Wake 2), après m’être fait une raison sur l’absence à court terme d’une éventuelle promotion ; et la seule chose que je regrette, c’est de ne pas avoir craqué plus tôt.

La première étape qui prend déjà beaucoup de temps, c’est la création de personnage

En bon amateur des deux Divinity Original Sins que je suis, j’avoue que j’avais un peu de mal à comprendre un tel engouement pour Baldur’s Gate. Non pas que les précédents titres de Larian soient mauvais, bien au contraire, mais je les considérais plutôt comme des jeux niches, ou du moins loin des standards d’un AAA grand public. Clairement, Baldur’s Gate 3 ce n’est pas Spiderman 2 ou Star Wars Jedi Survivor, en terme d’accessibilité (je ne parle pas de leurs qualités intrinsèques). Et on ne me fera pas croire que c’est dû au prestige d’une licence que finalement peu de gens connaissent réellement, le jeu vidéo n’étant pas aussi populaire en 98 et 2000 qu’il ne l’est aujourd’hui. D’ailleurs le scénario en lui-même, pourrait coller avec n’importe quel univers Heroic Fantasy. Il y ait fait mention des Royaumes Oubliés, de la Porte de Baldur, de la Côte des Épées et d’autres références chères à la licence, comme le retour remarqué de certains personnages, mais rien qui ne soit rédhibitoire pour le joueur profane.

Certains défis proposent des gros challenges et nécessitent pas mal de réflexion, de coordination… et un peu de chance.

L’histoire nous transporte un siècle après les événements de Baldur’s Gate 2, et on y incarne un aventurier créé de toutes pièces (ou l’un des 6 compagnons principaux) capturé par les illithids, sorte de poulpes bipèdes que ne renierait pas Lovecraft, se retrouvant avec une larve fichée dans le crâne. Cette larve est censée éclore rapidement et vous transformer en flagelleur mental, le petit surnom donné à cette race de mollusques belliqueux. Seulement, pour une raison inconnue, la mutation ne se produit pas. Non contente de ne pas vous transformer en illithid, cette larve vous octroie en plus d’étranges pouvoirs, si tant est que vous le souhaitez (le choix vous est laissé en jeu, même si la tentation se fait souvent pressante), faisant de vous une sorte d’élu, ou tout du moins une curiosité assez unique. Enfin unique, pas tant que cela puisque si les PNJ seront très souvent ébahis au point de vous considérer comme tel, c’est très vite oublier que vos coéquipiers et compagnons d’infortune sont dans une situation identique et ne sont pourtant pas aussi en vue que vous ne pouvez l’être. C’est d’ailleurs l’une des rares petites incohérences scénaristiques que j’ai pu relever ; un véritable exploit quand on sait le nombre hallucinant de choix qui nous sont laissés et les conséquences qui en découlent.

Avec la touche O, on peut passer en vue de dessus pour mieux estimer les distances et les zones d’effets.

J’avoue qu’on ne comprend pas grand chose à l’histoire de prime abord, si ce n’est qu’on a une larve dans la tête (en même temps c’est la séquence d’introduction, Einstein !) et qu’elle doit nous transformer dans un avenir plus ou moins proche, en plateau de fruits de mer sur pattes. Notre but premier est donc de retirer cette saloperie avant que la transformation en flagelleur mental n’opère. Toutefois, tout ce qui tourne autour du culte de l’Absolue et de ces « éveillés » dont nous faisons semble-t-il parti, ou encore de ce « protecteur » qui nous apparaît en rêve, reste assez flou et énigmatique. Car oui, si l’histoire est peu ou proue celle d’un gars ou d’une fille (ou d’un non genré) qui cherche à retirer un asticot niché derrière son œil avant que ça devienne trop merdique, celle-ci part vite dans tous les sens, entre une invasion des Royaumes Oubliés par les illithids, la prise de la Porte de Baldur par le culte de l’Absolue, les pactes entre démons tout droits sortis des Enfers et les curieuses intentions des disciples de Shar ; sans parler des multiples quêtes annexes qui ne manqueront pas de jalonner notre parcours et nous détourner de notre mission première.

Souvent, le combat est déséquilibré en nombre. Parfois, ce déséquilibre est juste A-BU-SÉ
Beaucoup d’éléments peuvent être pris en compte dans la résolution d’un jet de dé

Ce principe de quêtes annexes foisonnantes n’est pas vraiment une innovation majeure dans le monde du RPG, et bien d’autres avant lui en a usé et abusé pour nous plonger dans leurs univers ou rallonger leurs durées de vie. Toutefois, rarement des quêtes secondaires se sont à ce point retrouvées organisées en tiroirs comme c’est le cas dans Baldur’s Gate 3, au point de s’étaler parfois sur plusieurs actes et nous perdre complètement dans la trame du récit. Le simple fait de devoir retrouver les parents d’un jeune orphelin peut prendre des proportions dantesques là où dans n’importe quel autre RPG, on se serait rendu au point A pour constater qu’ils sont morts, avant de revenir au point B pour valider la quête. De plus, nombre de ces quêtes seront influencées par vos choix et échoueront lamentablement si vous tardez trop ou si vous changez d’acte dans la trame scénaristique. Le plus fou dans tout ça, c’est que très souvent ces échecs n’en seront pas vraiment ; car échouer dans ce jeu, c’est aussi un choix comme un autre, avec des conséquences parfois inattendues. Dans le même ordre d’idée, votre aventure peut très bien s’arrêter brusquement, de longues heures avant le dénouement final, à cause d’un choix peu judicieux.

Avec la touche T, on peut figer une infobulle et ainsi dévoiler en cascade une sorte de Wikipédia des effets et compétences…

L’histoire, ou plutôt les histoires de Baldur’s Gate 3, c’est clairement sa grande force. On vit véritablement une aventure, qui se dessine au fur et à mesure de nos directions, de nos décisions, de nos jets de dés aussi, sans jamais savoir si on est sur la bonne voie. Plus que dans n’importe quel autre jeu, c’est nous qui influençons le scénario et le devenir de cet univers, en y avançant à tâtons, portés par des dialogues aussi nombreux que fantastiques, doublés de façon non moins grandiose par des acteurs parfaitement impliqués dans leurs rôles. À ce petit jeu des choix & conséquences bien trop souvent galvaudé dans les jeux vidéo, le titre de Larian impressionne par sa flexibilité et sa virtuosité, au point qu’à ce jour, seul Cyberpunk 2077 (notamment son DLC Phantom Liberty) est capable de rivaliser selon moi. Et c’est sans doute cela qui a permis à Baldur’s Gate 3 de toucher un public peu habitué au CRPG ou aux règles complexes et hasardeuses de Donjons & Dragons autour desquelles le jeu s’articule.

Avec les bonnes potions, items et/ou compétences, il est possible de parler aux animaux… et même aux morts.

En effet, ici et à l’instar d’un jdr papier, toutes vos actions se résolvent par un jet de dé ; un dé à 20 faces. Vous voulez duper ou intimider un pnj au cours d’un dialogue ? Jetez un dé. Vous voulez crocheter une serrure ? Jetez un dé. Vous voulez dévoiler un piège ou un point d’intérêt au cours de vos pérégrinations ? Jetez un dé. Et bien évidemment, vous voulez occire un adversaire ? Jetez un dé ! Alors dis comme ça, c’est sûr que ça ne fait pas spécialement envie. Fort heureusement, tout l’intérêt du gameplay ne réside pas dans de simples jets de dé hasardeux, mais dans votre propension à faire les choix qui vous permettront de maximiser votre chance. Avez les bonnes compétences, vous baisserez le résultat nécessaire à obtenir pour réussir une action. Avec le soutien de vos compagnons, vous obtiendrez un bonus pour atteindre ce résultat. En vous mettant en situation d’avantage face à votre adversaire, vous jetterez deux dés et choisirez le meilleur résultat. Avec toutes sortes de compétences et de sorts, vous pourrez influencer ces jets de dé en incluant des bonus, et des malus. Car si vous devez résoudre toutes vos actions à coups de dés, vos adversaires seront soumis aux mêmes règles. Un sort de glace, et ils devront jeter un dé pour s’assurer de ne pas glisser et se retrouver les quatre fers en l’air. Un charme, et ils devront jeter un dé pour ne pas subir votre contrôle mental. Un grand coup de hache dans la face et ils devront jeter un dé pour esquiver. Bref, vous avez compris le principe…

Le camp permet de se reposer, gérer son inventaire et discuter avec ses compagnons. Il est personnalisé en fonction du lieu où on se trouve.

Enfin, que serait un RPG sans une bonne fiche de personnage ? Rien. Et ici encore, Larian montre toute la maîtrise acquise au cours de leur histoire, et notamment avec les deux épisodes de Divinity Original Sins. Tout commence par la création de votre avatar. Comme expliqué plus haut, vous pouvez partir en incarnant l’un des six héros/compagnons préconçus, ou créer votre héros de toute pièce : Sexe, race, classe, sous-classe, attributs et compétences… et bien entendu, son apparence. Le choix est large et constitue un véritable premier choix cornélien. Puis, à chaque montée de niveau, vous allez pouvoir apprendre de nouveaux sorts et compétences, pour affiner votre build. Enfin, vous trouverez et achèterez toutes sortes d’items, parchemins de sorts, potions, armes et armures pour équiper votre personnage (ainsi que ses compagnons). Rien de très original jusque là, si ce n’est que le petit plus appréciable avec Baldur’s Gate 3, c’est qu’il n’existe pas vraiment d’item complètement pété qui vous permettra de rouler sur le jeu. Certes, il existe une classification (normal, rare, légendaire…), mais ici, même un équipement basique peut s’avérer diablement efficace, si tant est que ses compétences associées se marient bien avec le build de votre héros. Il n’y a donc pas de course à l’item mais, encore une fois, d’importants choix à faire quant à la façon dont vous vous équiperez.

Vous pourrez influer sur certains dialogues, via la persuasion, l’intimidation, la tromperie, etc.

Toute cette maîtrise et cette passion du studio Larian pour le CRPG, font que Baldur’s Gate 3 est sans doute l’un des meilleurs jeux de cette génération et que son titre de GOTY est largement mérité. Toutefois, il n’est pas exempt de tout reproche, à commencer par le fait que c’est un jeu qui n’est pas calibré pour tout le monde. Au sein de la rédaction de Polygamer par exemple, je suis intimement persuadé être le seul à pouvoir y jouer (d’ailleurs je suis le seul à y jouer). Toma et Smy, ce n’est vraiment pas leur style de jeu. Quant à Nachcar et Tsokoa qui seraient sans doute plus compatibles avec le genre, ils abandonneraient au bout de deux heures. Le titre se traîne aussi quelques défauts mineurs, comme des problèmes de sous-titres qu’on n’a pas le temps de lire, quelques rares incohérences dans les dialogues, les éclaboussures de sang aux visages qui ont tendance à tourner les situations dramatiques en ridicule, ou une caméra capricieuse dans les lieux exigus ou dans la gestion de la verticalité. Le level cap fixé à 12 est assez frustrant également, car en aillant raté pas mal de quêtes annexes et un peu trop rushé les deux premiers actes, je me suis retrouvé au niveau max bien avant la fin de l’acte 3. Dans l’absolu (sans mauvais jeu de mot), j’imagine qu’on peut très bien arrêter de gagner de l’XP dès le début de l’acte 3. Alors certes, ça permet de ne pas trop farmer en début de jeu pour rouler sur la fin en mode bulldozer, mais ça reste frustrant. Enfin, et c’est ce qui pour moi fait la différence entre le titre de Larian et Starfield, et ce pourquoi ma préférence va plutôt au jeu de Bethesda, c’est que Baldur’s Gate 3 est bien davantage un Divinity 3 qu’un Baldur’s Gate. Là où Starfield m’a fait découvrir quelque chose de totalement nouveau, Baldur’s Gate 3 me laisse un amère sentiment de déjà-vu. M’enfin, des déjà-vus comme celui-là, j’en veux bien tous les jours…

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *