Lost Judgment, la vie scolaire

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En marge de la série Yakuza, le studio Ryū ga Gotoku s’attèle à installer une nouvelle licence avec la suite de Judgment, qui se focalise sur des enquêtes criminelles.

Tout commence par la découverte d’un cadavre en décomposition avancée…

Le studio japonais Ryū ga Gotoku s’est rendu célèbre avec la série Yakuza, une saga qui fait la part belle aux sombres histoires tournant autour du grand banditisme japonais, à grands coups de gueules cassées, de dialogues interminables et de coups de tatanes en pleine poire. Puis en 2019, le studio s’est permis une incartade à son univers fétiche avec Judgment, sorti sur PS4 (puis en remaster sur PS5 et Xbox Series cette année). Cette nouvelle licence aux allures de spin off ne s’éloignait toutefois pas trop de la série originelle, puisque l’environnement du district de Kamurocho servait également de cadre au titre et qu’on y croisait de nombreux Yakuza. Seulement ici, on incarnait un ancien avocat, devenu détective privé, du nom de Yagami. En plus des gueules cassées, des dialogues interminables et des coups de tatanes en pleine poire, il convenait alors d’ajouter des enquêtes criminelles à base de filature et d’interrogatoires, malheureusement un peu trop dirigistes.

Exit les karaokés des Yakuza, place aux jeux de danses

Avec Lost Judgment, le studio japonais remet donc le couvert en offrant à son jeu d’enquête une sorte de version + : plus joli, plus affiné dans son gameplay et plus vaste avec son aire de jeu s’étendant au district d’Ichijo, en plus de Kamurocho. Rien de bien nouveau là encore, pour les habitués de Yakuza, et encore plus si vous avez joué à Like a Dragon, mais en articulant l’essentiel de son scénario autour de la vie de lycée et d’une sombre histoire de harcèlement scolaire, le studio s’écarte un peu de l’univers des gangsters pour notre plus grand plaisir ; même si on ne s’en éloigne jamais bien longtemps.

On enfile donc à nouveau ici, le perfecto noir de Takayuki Yagami, suivi comme son ombre par son compère Masaharu Kaito, qui fait un peu office de sidekick comique un peu benêt. Passé les premiers pas tutoriels habituels, on se retrouve engagé par un proviseur de lycée, pour enquêter sur des suspicions de harcèlement scolaire au sein de son établissement. Bien évidemment, les talents de Yagami ne s’arrêteront pas à botter les fesses d’une bande de lycéens un peu trop agités, et cette enquête initiale verra son développement prendre davantage d’ampleur au fil des révélations que le scénario nous réserve, tout au long des 13 chapitres qui le composent.

Les dialogues sont un poil trop dirigistes. On aurait aimé des choix multiples et des dialogues plus dynamiques.

Comme souvent avec ce studio, l’histoire est bien ficelée et plaisante à suivre, portée par une mise en scène très cinématographique et des dialogues aussi nombreux que savoureux, si bien qu’on ne ressent jamais l’ennui parfois inhérent aux jeux trop bavards. Cette mise en scène est portée par des graphismes soignés, avec une modélisation des visages très photoréaliste et des animations qui ne sont pas en reste. Et pour ce qui est des environnements, les deux quartiers de Kamurocho et Ichijo sont également très jolis et offrent une ambiance particulièrement pittoresque pour nous autres occidentaux, même si les textures ne sont pas toujours folles lorsqu’on s’attarde sur les détails. Même constat pour ce qui est de la vie qui anime cette aire de jeu. Car si la population est bien présente en nombre et suffisamment variée pour ne pas être redondante, le comportement des passants est parfois errant et, surtout, ils ne font absolument pas attention à vous et ne s’écartent jamais de votre passage. Ainsi, il arrivera très souvent qu’un PNJ que vous effleurez à peine se mette à paniquer comme si vous cherchiez à le tuer, provoquant alors une réaction en chaine des autres badauds alentours. Bon, ça n’a aucune espèce d’incidence sur le jeu, mais c’est un point de détail énervant à l’heure où la très grande majorité des Open World maitrisent cet exercice depuis longtemps. Tout ça fait un peu vieillot et mériterait un bon coup de polish.

Le gameplay baston est vraiment bien calibré et plus riche qu’il n’y paraît

Mais ce qui m’apparaît comme le plus suranné à mes yeux, c’est la mécanique générale qui anime le jeu puisque le schéma magnifiquement illustré par feu-K.mi (avec tout le talent de graphiste qu’on lui connait) dans sa critique de Yakuza 3 (en 2010 donc), est toujours d’actualité aujourd’hui. A savoir que le jeu va de cinématique en cinématique, en passant par une multiplication des bastons contre des mobs croisés au hasard, avant de nous mettre aux prises avec un boss bien plus retors. Parfois, quelques mini-jeux viennent agrémenter l’histoire, mais toutes les mécaniques liées au travail de détective de Yagami sont curieusement absentes de votre progression dans l’intrigue principale. Pour exemple, si on ne compte pas celle d’introduction au jeu, ma première filature aura eu lieu au bout de 22 heures de jeu, au cours d’une mission annexe. Avouez que pour un jeu de détective, c’est un peu dommage ? Car là où la licence Judgment pouvait se démarquer de la série Yakuza, c’était principalement sur ces particularités, par ailleurs existantes dans le jeu mais bien trop sous-exploitées pour affirmer la singularité de cette série.

A gauche, Yakuza Like a Dragon. A droite, Lost Judgment. Les graphismes sont identiques, jusqu’à la modélisation des vélos et motos… c’est juste plus fin, avec de meilleurs effets de lumières.
L’ambiance Lycée qui règne sur une bonne partie de l’aventure, est rafraîchissante

Malgré tout, Lost Judgment reste un formidable jeu, passionnant à bien des égards. Déjà, si vous n’êtes pas habitué de la licence Yakuza, vous ne ressentirez pas cette redite des mécaniques de jeu, d’épisode en épisode. Ensuite, l’histoire est suffisamment riche et intrigante pour nous tenir en haleine ; d’autant plus que le cadre du lycée qu’elle nous propose n’est pas si commun. Et puis le choix d’un thème aussi fort que l’est le harcèlement scolaire est à saluer. Surtout qu’il est traité avec sérieux et laisse matière à réfléchir, sans vouloir trop spoiler, sur les événements et les conséquences qui en découlent. Et puis, parce que le titre fourmille de quêtes annexes tirant pleinement parti de ses particularités et de très nombreuses activités, entre les bornes d’arcade de vieux jeux SEGA ou les mini-jeux de fléchettes, baseball, etc. Enfin, parce que si les bastons sont légion, le gameplay de celles-ci est remarquablement bien ficelé, avec une variété et un niveau de maîtrise rarement atteint dans un Open World. On sent tout le travail mené d’épisode en épisode, pour parvenir à cela. Le dernier en date à proposer un gameplay action aussi bien calibré, c’était Shenmue, dont l’influence sur les titres de Ryū ga Gotoku est clairement palpable. Bon, par contre ce serait bien que le studio se mette un peu en danger sur leur prochaine production, car à force de plaquer un scénario différent sur une mécanique copiée collée, ils risquent de finir par faire grincer des dents.

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