Le nouveau Yakuza qui, pour la première fois sort Day One sur Xbox, rend un bel hommage aux J-RPG d’antan, sans en oublier ses racines.
La série Yakuza est une saga sur laquelle je lorgnais avec une certaine envie depuis des années, alors qu’elle était encore une exclusivité Playstation. C’est avec son arrivée récente sur Xbox et le Game Pass que j’ai enfin pu mettre les doigts dessus, au travers de l’épisode Yakuza Zero. Seulement voilà, après des années à fantasmer la licence, la déception de découvrir un jeu aux mécaniques datées, terriblement bavard et entièrement en anglais (doublé en japonais) fut si grande que j’ai vite déchanté et abandonné. Alors ce nouvel épisode, plus moderne et sous-titré en français, sera-t-il celui de la reconquête ?
Presque un Dragon
Le plus gros changement de ce nouveau Yakuza est directement annoncé dans son titre. Car si le dragon est bien évidemment lié aux mafieux japonais et au tatouage dorsal du héros (qui est « presque un dragon »), le sous-titre Like a Dragon est aussi et surtout une référence au célèbre jeu de Square Enix : Dragon Quest. Ce dernier est d’ailleurs régulièrement cité par les protagonistes de l’histoire, et notamment par Ichiban qui rêve de devenir un héros. Ce clin d’oeil aux RPG se retrouve ici au travers du système de combats, complètement repensé par rapport aux précédents opus de la saga, introduisant un gameplay en tour par tour.
Cette nouvelle mécanique propose alors toute la panoplie des J-RPG d’antan, avec l’utilisation de capacités spéciales usant de « mana », la possibilité d’utiliser des objets, de se défendre, les principes de bonus-malus et d’altération d’états (paralysie, sommeil, peur, etc.) mais aussi la gestion des jobs des protagonistes, afin de les spécialiser dans un rôle bien précis. Et si les combats fonctionnent plutôt bien avec cette mécanique nouvelle, on regrettera toutefois que les jobs ne soient pas plus spécialisés ; car outre le healer, les jobs de soutien paraissent sous-exploités. Dommage également que l’équipement (arme, veste, casque, chaussures) ne serve qu’à modifier les statistiques des personnages sans influer sur leur apparence ou qu’il n’y ait pas plus de profondeur tactique, avec des combos de personnages et de pouvoirs complémentaires. Bref, l’inspiration est là, mais le gameplay se contente finalement d’un simple hommage certes moderne, mais qui échoue à se réinventer.
Trop de blabla
L’autre grosse différence avec les précédents épisodes de la saga, c’est le ton de son histoire. Celle-ci nous conte les aventures d’Ichiban Kasuga, jeune orphelin bagarreur recueilli par un patriarche mafieux pour lequel il va accepter d’écoper d’une peine de prison, pour un crime qu’il n’a pas commis. 20 ans plus tard, le monde qu’il a connu a changé et ceux qu’il considérait comme sa famille lui ont tourné le dos. Bref, sans trop rentrer dans les détails pour vous laisser la surprise, sachez que si Like a Dragon fait honneur aux films de gangsters avec son lot de bravoure et d’action, il surfe aussi allégrement sur le ton de l’humour, plus léger, voire parfois absurde. Pourtant, cela ne vient jamais ternir le propos principal, bien au contraire, il l’enrichit et rend son héros plus humain que jamais.
Par contre, Yakuza Like a Dragon reste tout aussi bavard que les autres épisodes de la série ; et de beaucoup de jeux japonais à histoire, si je peux me permettre cette généralité (Spéciale dédicace à Kojima). De récurrents moments d’interminables dialogues viennent plomber le rythme du jeu. Et même s’ils ne sont pas inintéressants, ils finissent souvent par nous perdre. Le début, dans la peau d’Ichiban jeune, qui ne sert finalement que d’introduction et de tuto, dure facilement deux ou trois heures, le temps d’asseoir le scénario et de distiller les différents éléments de gameplay aux joueurs. Alors si je comprends la démarche de ne pas assommer les joueurs avec une montagne d’information à assimiler, les brider à ce point pendant aussi longtemps risque aussi de perdre les moins motivés.
Mais pour ceux qui passeront sans encombre ces premières heures, la richesse du titre de Ryu Ga Gotoku ne devrait pas décevoir leurs attentes, entre les missions scénarisées, les quêtes annexes souvent pleines d’humour, le mini-jeu de gestion d’entreprise, les oldies emblématiques de Sega jouables sur bornes d’arcade virtuelles ou encore l’excellent Mario Kart-like en pleines rues de Yokohama, dans le quartier fictif d’Isesaki Ijincho. Ce quartier, véritable théâtre de votre aventure, est d’ailleurs particulièrement réussi, très vivant avec sa population déambulant dans ses rues et ses commerces pittoresques. Il nous invite, nous autres occidentaux, à un voyage en terres nippones particulièrement bienvenu en cette période de confinement. D’autant plus que, techniquement, c’est plutôt joli sur la génération PS4/Xbox One et un poil plus fin (ou plus fluide, au choix), sur PS5/Series X|S. On voit tout de même qu’il s’agit d’un jeu de l’ancienne génération adapté sur la nouvelle. Enfin, l’interface en combat très typé Persona 5 fait mouche, mais les menus restent un peu oldschool et pas forcément très intuitif.
Vous l’aurez compris, Yakuza: Like a Dragon n’est pas parfait et se traîne de nombreux petits défauts, heureusement jamais rédhibitoires. Bien au contraire, malgré son côté parfois vieillot, dans ses mécaniques ou sa redondance (le donjon sous-terrain est une plaie aussi incroyable qu’étonnante pour un jeu de cet acabit), ce Yakuza souffle un agréable vent de légèreté sans pour autant rogner sur un scénario plus rude, haletant et inspiré. Indéniablement, l’une des sorties majeures de cette fin d’année.