A force de dire et répéter que l’industrie du jeu vidéo est la seule de l’entertainment à se faire des couilles en or, le secteur a fini par attirer les investisseurs les moins scrupuleux de la planète. Ils ont mis à genoux des régimes et des populations entières, alors faire pleurer des larmes de sang aux gamers, ça les fait doucement rigoler.
Le jeu vidéo n’a jamais été une industrie de philanthropes et son but a toujours été de faire de l’argent. Toutefois, à l’époque où il ne s’agissait encore que d’un marché de niche, les éditeurs consentaient à d’avantage d’efforts pour attirer le chaland. La machine créative était en marche, les idées fusaient, l’évolution était fulgurante, bref c’était l’âge d’or. C’est la grande différence avec aujourd’hui, où le chaland est bien souvent déjà là avant même que le produit ne soit sur le marché, attiré par le seul nom d’une licence, d’un éditeur ou d’une figure de l’industrie. Désormais, le consommateur est prêt à payer pour financer un produit qui n’existe pas encore, qui n’est pas sûr d’exister un jour et encore moins de répondre à ses attentes. On appelle ça le crowdfunding ou l’Alpha payante (le crowdfunding est plus un mécénat de masse, sauf qu’il n’est pas considéré ainsi par ceux qui financent les projets, qui attendent généralement un retour sur investissement pas censé être automatique). Résultat, le risque de se planter pour un éditeur frôle désormais le zéro. Du coup, de nos jours, les seuls à perdre de l’argent (outre les clients bien sûr), ce sont les constructeurs. Car le lancement d’une nouvelle machine coûte cher, en recherche, en production, en communication. C’est sans doute pour cela qu’elles ont encore un cycle de vie relativement long, voire anormalement long si on les compare à d’autres produits de consommation hi-tech. En effet, une console de jeu est censée durer entre cinq et dix ans (souvenez-vous de la PS3). Ce laps de temps – une éternité dans une société de consommation exacerbée – leur permet d’amortir les frais tout en étendant suffisamment leur parc pour remplacer, doucement mais sûrement, le précédent. Et plus leur parc sera étendu, plus ils vendront de jeux, la seule véritable source de revenus. C’est mathématique. Mais pour combien de temps encore ?
Machines de jeux
Déjà sur la génération précédente, les éditeurs poussaient les constructeurs à évoluer. Pourquoi, puisque le gap générationnel semble être le plus ténu jamais vu dans l’histoire de ce média et que les éditeurs, paradoxalement, ont semblé être pris au dépourvu tant ils ont mis du temps à réagir ? Clairement, entre une PS3 et une PS4, ou pire entre une 360 et une Xbox One, il n’y a guère que la résolution des jeux qui change (même les jeux sont les mêmes, puisqu’il existe plus de rééditions que de titres originaux). Il n’y a d’ailleurs désormais plus vraiment de consoles de jeux comme on l’entendait par le passé. Aujourd’hui il ne s’agit que de simples ordinateurs, même pas haut de gamme, qu’on a posé bêtement dans une boite à l’effigie du constructeur pour éviter que le consommateur lambda ne parte vers l’univers PC, beaucoup moins rentable. Ceci étant, quand on voit que certains sont prêts à mettre 600 euros chaque année dans un smartphone, pourtant exacte réplique de son prédécesseur, il ne faut pas s’étonner que les nouvelles consoles, moitié moins chères, ne soient pas beaucoup plus évoluées que leurs grandes soeurs. A termes, et tel que c’est parti, on pourrait bien se retrouver avec une nouvelle console tous les deux ou trois ans. Surtout maintenant qu’il ne s’agit plus que de PC déguisés, nombre vont se lancer dans la bataille (Steam, Ouya, etc.). En sus de cette « simplicité » à fabriquer une console, ou plutôt une machine de jeux, il faut prendre en compte l’évolution et l’implantation des smartphones, des box internet et des télés connectées, qui viennent petit à petit réclamer leur part du gâteau, et deviennent chaque jour plus gourmands. Aujourd’hui, sur les smartphones évolués, certains jeux ont peu de choses à envier à leurs homologues PS360. Mais au rythme où l’écart technologique se réduit, en sera-t-il encore ainsi dans trois ou quatre ans ? Quelles solutions auront alors Sony, Microsoft et Nintendo, pour rester maitres de leur destin ?
La fin du règne annoncé des consoles de salon aura quel impact sur nous autres joueurs ? Difficile à dire, mais une chose est sûre, la multiplication de la concurrence n’est pas forcément une bonne chose pour le portefeuille. Car dans une industrie basée sur l’avance technologique d’une société par rapport à une autre, les produits se doivent de sortir à un rythme effréné, et les coûts s’envolent (surtout les coûts marketing). Malheureusement, lorsqu’un nouveau produit sort sur le marché, il attire l’attention des développeurs, qui délaissent alors peu à peu les produits plus anciens, qui deviennent vite obsolètes. Le consommateur est donc obligé de suivre la cadence s’il ne veut pas devenir un paria technologique, la risée de ses potes hipsters. Il y est surtout obligé s’il veut continuer à jouer ou doit s’orienter vers l’indé et le rétro-gaming, moins violents avec les comptes en banque. Sur smartphones par exemple, vous devez déjà vous passer de bons nombre de jeux si votre téléphone a plus de trois ans. Même Nintendo envoie les possesseurs de 3DS se faire foutre, malgré la relative jeunesse de sa console, en sortant une New 3DS plus performante et sa batterie de jeux exclusifs. Ainsi, pour les constructeurs qui fabriqueront ces futures machines de jeux qui occuperont votre salon, quelle sera l’alternative pour contrer l’appétit insatiable des concurrents, si ce n’est ajouter trois composants à leur bécane pour la sortir à prix d’or, estampillée « nouveauté » ? C’est ce que fait Apple avec l’iPhone, c’est ce que fait Samsung avec Galaxy, c’est ce que fait Sony avec Xperia, c’est ce que fait Nokia avec Lumia, comment pouvez-vous penser une seule seconde que Microsoft ne fera pas pareil avec Xbox et Sony avec Playstation ? Mais ça, c’est pour le futur.
Frais de fonctionnement
Conjugué au présent, les deux constructeurs principaux se la font belle avec leurs Xbox One et leur Playstation 4. Les machines n’ont rien dans le ventre, mais sont vendues presque plus chères qu’un PC équivalent. A cela, on vous vend un abonnement annuel pour jouer en ligne, puis on vous vend le contenu qui a été retiré de vos jeux, puis on vous vend du contenu supplémentaire, essentiellement esthétique, voire on morcèle votre jeu en plusieurs épisodes pour vous le faire acheter à crédit. Certains éditeurs (Ubisoft pour ne pas le citer), poussent même le bouchon à vous vendre le même jeu en quatre exemplaire, chaque année (Assassin’s Creed Next Gen, Assassin’s Creed Old Gen, Far Cry et Watch_dogs). Bon, j’exagère un peu, en gros hater que je suis, mais finalement pas tant que ça quand on y regarde bien. Les coûts de développement, ainsi amputé de toute la partie créative, peuvent alors être réinvestis en communication, seul véritable vecteur de vente dans un marché peuplé presque exclusivement de fanboys (consoles et licence). Et comme en plus de réduire les coûts de développement, les éditeurs ont également sucré les phases de bêta testing en nous faisant endosser ce rôle ingrat sans pour autant réduire le prix de vente (c’est même plutôt l’inverse), il n’y a jamais eu autant d’argent à reverser aux investisseurs qu’à l’heure actuelle. Seulement voilà, avec ces gens-là, le retour en arrière est impossible. Lorsqu’on les habitue à des dividendes record, ils en veulent des plus élevés encore l’année suivante. Si on ne répond pas à leurs attentes, ils vont voir ailleurs, votre action boursière chute, votre place de CEO est menacée et on vous remplace par un requin qu’on paiera plusieurs millions pour faire ce que vous n’avez pas fait : Réduire les coûts pour récompenser d’avantage les actionnaires ! Après c’est basique, limite enfantin même : Plus d’argent pour l’actionnariat, c’est moins d’argent réinjecté dans votre entreprise, donc moins d’employés pour travailler sur vos produits et moins de nouvelles idées. Vos jeux se banalisent, deviennent insipides, vous comptez alors sur votre communauté de fanboys pour vendre et matraquez les consommateurs moins fanatiques de publicité pour que l’un comme l’autre ne fassent pas ce qu’ils auraient dû faire depuis bien longtemps : Vous pisser à la raie ! D’ailleurs s’il fallait un exemple particulièrement frappant pour illustrer ce phénomène, il s’appellerait Fifa !
C’est là qu’entre en jeu la presse, qui se fait l’écho de cette publicité en bombardant ses sites de news à clic, aux titres plus évocateurs les uns que les autres, plus séduisants aussi. Cette non-information maquillée pour faire de la page vue, joue le jeu de l’éditeur plus que ravi de voir qu’on parle à tort et à travers de ses produits. C’est ce qu’on appelle le journalisme au XXIème siècle, un métier qui s’apparente de plus en plus à du community management pour les sociétés commerciales qu’on est censés critiquer (ce n’est d’ailleurs pas l’apanage de l’industrie du jeu vidéo). Peu importe ensuite que vous ne descendiez le jeu finalisé dans votre test, façon joueur aigri à la Gamekult, puisque les consommateurs auront été convaincus par vos quarante-sept news et previews précédentes, du bien-fondé de l’achat Day One de ce produit que vous insultez copieusement désormais. Bien souvent d’ailleurs, les joueurs viennent lire les tests de jeux pour comparer l’avis du testeur au leur, pas pour y trouver des raisons d’acheter ou pas. Je vous rassure, je mets Polygamer dans le même sac. Certes, ici vous ne trouverez pas (plus) de news, et nous parlons assez rarement des jeux pas encore sortis. Mais combien de fois avons-nous vantés les qualités de titres comme Assassin’s Creed, ou pour éviter de tirer sur K.mi qui va se sentir offensé, comme Destiny ? Alors que très honnêtement, ces louanges ils ne les méritent ni l’un ni l’autre. Je ne dis pas que ces jeux ne nous ont pas plu. Nous ne sommes pas (encore ?) corrompus. Je pense même qu’on a plutôt bon goût dans l’ensemble (à part Toma) ; des goûts différents, mais représentant plutôt bien, à l’échelle de notre modeste rédaction, ceux de la communauté des joueurs. Mais voilà, malgré la politique désastreuse de l’éditeur, l’absence d’efforts des développeurs, le cycle ridicule de sérialisation et toutes les errances de gameplay pénibles à souhaits, on arrive tout de même à s’amuser avec ces jeux (la plupart en tout cas) et on s’accroche à des points de détail. C’est une question de philosophie : On vous donne un truc sans goût et un autre nauséabond, plutôt que de dire que les deux sont de la merde, on dira plutôt que le premier est meilleur. Il n’y a pas de mauvaises intentions là-dedans, c’est juste qu’avant d’être des gratte-papiers 2.0, nous sommes également des connards de consommateurs, qui cherchent à se rassurer comme ils peuvent pour les 500 boules investis dans la machine qui fait tourner ces merdes…
11 Commentaires
Comment le libéralisme a eu raison du jeu vidéo
https://www.youtube.com/watch?v=ipe6CMvW0Dg la vie tout simplement
Comment le libéralisme a eu raison du jeu vidéo
Et encore, tu n’as pas abordé cette horreur qu’est le free to play!
Le jeu vidéo résiste grâce aux petites productions, le reste c’est énormément de caca.
Comment le libéralisme a eu raison du jeu vidéo
Ouai mais non, je ne suis pas d’accord !
Je n’ais pas les moyens de me payé un abonnement … ni même d’acheté trop de jeux alors le free to play est un bon moyen de me divertir sans dépensé un sous.
Comment le libéralisme a eu raison du jeu vidéo
Pour le free to play ça dépend tout simplement des éditeurs. Certains sont des vrais free to play où, la plupart du temps, payer va soit nous aider à nous développer, soit nous faire gagner beaucoup de temps. Mais le jeu reste tout a fait jouable sans payer. Pour moi les meilleurs exemples sont « Boom beach » ou « Trials » sur iOs (et probablement Android). Dans ce cas je compare plus ces nouveaux jeux à une nouvelle façon de consommer le jeux-vidéo. Il faut s’habituer à jouer des sessions plus courtes et attendre (les développement sont souvent en temps réels).
Par contre les free-to-play qui te laissent jouer pendant quelques jours (ou pire semaines) et qui d’un coup deviennent trop durs pour continuer gratuitement, là je trouve ça de l’arnaque. Le message est juste tu aimes notre jeu et bah paie pour continuer or je ne traduis pas « paie pour continuer » par « free to play » dans mon anglais, aussi moyen soit il.
Comment le libéralisme a eu raison du jeu vidéo
Oui, tout dépend du Free 2 Play.
Par exemple Skyforge (PC) ou Neverwinter (PC et XBO), sont des MMO tout à fait jouables sans payer. Idem pour TERA.
Tu peux jouer et t’amuser gratuitement, sans pour autant que le jeu soit au rabais. L’argent qui y est dépensé, c’est essentiellement pour avancer plus vite ou pour l’esthétique de ton personnage (ou pour un compagnon/monture).
Alors certes, concernant l’esthétique, t’as ce côté frustrant des trucs sympas qu’on te montre mais qui coûtent une blinde. C’est frustrant mais ne t’empêche en rien de jouer.
Quant aux packs d’XP qui te font progresser plus vite moyennant un petit billet, c’est pas pire que les DLC payants qui te débloquent tous les persos dans les jeux de combats… pourtant pas Free 2 Play, eux.
Comment le libéralisme a eu raison du jeu vidéo
Moi j’aimerais bien jouer à un MMO avec abo mais je n’ais point l’argent pour :[
Comment le libéralisme a eu raison du jeu vidéo
Bah sinon t’as Guild Wars, qui est un MMO sans abo, que tu payes comme un jeu normal.
Comment le libéralisme a eu raison du jeu vidéo
Il y a une chiée de MMO sans abo depuis quelques temps.
Star Wars The Old Rep., Elder Scroll Online, Guild Wars 2, The Secret World…
Comment le libéralisme a eu raison du jeu vidéo
Le vrai problème des Free 2 Play, c’est que la gratuité ne te pousse pas à la fidélité. Tu passes d’un jeu à l’autre, à la recherche de la perle rare.
Alors que si t’as acheté le jeu, ou que tu payes un abonnement, tu te sens un peu obligé de rentabiliser ton achat.
Comment le libéralisme a eu raison du jeu vidéo
C’est bien vrai mais par exemple moi, je me souviens qu’à une époque je payais 10€ par mois ! Le problème, c’est que tu stresses comme une bête car si dans le mois, tu n’as pas le temps pour une raison où une autre … bah tu rentabilises pas l’abonnement. J’ai déjà payé 1 mois pour rien et ça m’avait fait ragé sévère du coup j’ai arrêté.
J’aimerais bien me mettre en ce moment à FF XIV mais je n’ose plus re-tenté l’expérience de l’abonnement.
Comment le libéralisme a eu raison du jeu vidéo
Fylodindon, quand tu n’as pas une thune il n’y a pas le choix 😀