Wild Hearts, nouveau prédateur ou simple proie ?

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Monster Hunter s’endormant un peu trop sur ses lauriers, Wild Hearts compte bien en profiter pour s’installer sur le terrain de chasse de la licence de Capcom.

Chasse gardée

Toukiden permettait déjà aux joueurs d’affronter des grosses bestioles

Sur le secteur du jeu de chasse, il n’y a guère de concurrence : Hunt (pas Showdown, l’autre) côté réalisme avec tir sur randonneur et bouteilles de jaja à la fraîche, et Monster Hunter pour la fantasy à base de monstres gigantesques et d’ambiance féodale. Mais voilà, lorsqu’on est en situation de monopole, on a la fâcheuse tendance à se laisser aller à la fainéantise et à ne jamais se remettre en question (coucou FIFA), si bien que la série de Capcom commence franchement à sentir la naphtaline. L’arrivée de Wild Hearts sur ce créneau est donc une excellente nouvelle, d’autant plus qu’il affiche clairement ses ambitions avec son lot d’idées novatrices et ses nombreuses qualités. Il faut dire que les développeurs n’en sont pas à leur coup d’essai, puisque outre la série fleuve des Dynasty Warriors, ils étaient déjà à l’origine d’un jeu de chasse : Toukiden (et sa suite).

La petite pose de vainqueur devant la carcasse encore fumante du kemono vaincu s’impose

Porté par la force de frappe d’Electronic Arts via leur label EA Originals, Wild Hearts s’est offert une belle campagne marketing, ratissant large auprès des streamers et youtubeurs qui n’avaient jusqu’alors qu’un ersatz d’Harry Potter et un jeu de rythme shadow droppé à se mettre sous la dent en 2023. Pour ma part, si l’annonce du jeu ne m’avait pas piqué outre mesure, tout juste étais-je curieux de voir les développeurs de Dynasty Warriors sur une nouvelle licence, les bandes annonces répétées ont finit par me convaincre. La déception que m’a procuré Rise, avec ses forts relents de régression après l’excellent Monster Hunter World, n’y était sans doute pas étrangère d’ailleurs. Les premiers avis des quelques streamers que j’apprécie étant globalement positifs, voire très positifs, c’est avec un enthousiasme certain que je me suis lancé dans cette chasse aux kemono (littéralement « bête » en japonais).

Qui va à la chasse

L’histoire est plutôt sympa à suivre, avec pas mal de PNJ hauts en couleur avec qui discuter… enfin c’est eux qui discutent, nous on ne parle pas.

Dans Wild Hearts, on incarne donc un chasseur ou une chasseuse, créé(e) de toutes pièces via un processus de création d’avatar relativement complet. C’est toujours plaisant de pouvoir créer son personnage, mais c’est souvent au détriment de son implication dans le scénario. Et ça se confirme encore une fois ici, avec un personnage plutôt distant, muet comme une carpe, qui participe activement au déroulement de l’histoire mais qui, paradoxalement, ne nous paraît jamais réellement impliqué. Plus qu’un protagoniste influent du scénario, notre héros/héroïne fait plutôt office d’outil ; un outil efficace, mais un simple outil tout de même. C’est plutôt dommage, car l’histoire se laisse suivre sans déplaisir, même si elle ne s’avère pas follement originale : une sorte de fable écologique sur la disparition du ki de la Terre, qui force les bêtes à changer d’habitat, mettant en péril les populations locales dans leur migration. A noter également quelques problèmes de synchro labiales, voire de lèvres qui ne bougent pas. Rien de bien grave, qui sera peut-être même corrigé via un patch, mais ça démontre tout de même un manque de finition (j’ai également eu des problèmes de son, bien plus problématiques et handicapants, pendant les chasses). D’ailleurs, puisque je parle de synchro labiale, sachez que la VF est plutôt réussie même si, personnellement, je préfère jouer en japonais sous-titré. Voir des personnages à l’apparence japonaise, dans un univers très largement inspiré du japon féodal, parler dans la langue de Molière, a le don de me hérisser le poil. Mais au moins, vous avez le choix.

Pour farmer efficacement, il est primordial d’étudier les kémono et de savoir sur quelle partie de son corps il faut s’acharner…

Une fois notre chasseur créé et le rapide tuto passé, on a accès à cinq types d’armes pour occire du kemono : Le katana, l’arc, le nodachi (sorte de couteau gigantesque), le marteau et le wagasa à lames, une ombrelle japonaise mais avec des lames à la place des baleines. Par la suite, après une dizaine d’heures de jeu environ, on débloque trois armes supplémentaires : les griffes, qui permettent de s’accrocher à une cible et virevolter autour d’elle, un canon et un bâton qui se mue en cinq armes distinctes au fur et à mesure des combos. Outre leur maniement qui diffère, chaque arme est classée selon trois caractéristiques physiques : taillade, martèlement et fente. Et si au début on a plutôt tendance à jouer avec l’arme qui nous sied le plus, par la suite on commence à étudier les kémono, leurs forces et leurs faiblesses, et on s’équipe en conséquence avec les bonnes armes, afin de mettre toutes les chances de notre côté.

Chaque ramification apporte son lot d’avantage élémentaires et de bonus octroyés par les kemono chassés

En plus de ces caractéristiques propres au type d’arme, chacune d’entre elles peut être améliorée via un système de craft très similaire à ce que propose Monster Hunter : A savoir récupérer des ressources sur les monstres qu’on chasse, pour améliorer son équipement en lui insufflant des bonus élémentaires et/ou des compétences spécifiques (augmenter la puissance des attaques aériennes, augmenter l’esquive, etc.). L’originalité de Wild Hearts, c’est que pour débloquer de nouveaux éléments dans l’arbre de craft, il faudra réaliser des prouesses au cours de nos chasses et récupérer des matériaux rares en frappant des points spécifiques à chaque monstre, comme sa queue par exemple, ou encore ses cornes. Bref, il faut avouer que cette mécanique de farm et de craft est plutôt complète et bien pensée, même si la redondance demandant de chasser encore et toujours les mêmes bêtes, ne conviendra pas à tout le monde.

Un chasseur sachant chasser

En fusionnant des karakuri, on obtient de redoutables armes et pièges pour prendre l’ascendant sur les kémonos

En sus de nos armes, notre chasseur est également équipé de ce que le jeu appelle Karakuri, des objets et mécanismes que l’on fabrique à la volée à partir de fil céleste, qu’on débloque au fur et à mesure de notre progression. Il en existe de deux types (voire trois) :

  • Les karakuri draconiques, qui permettent d’améliorer le camp (tente pour voyage rapide, forge pour fabriquer armes et armures, tour pour repérer les kemono de la région, etc.),
  • les karakuri basiques, qui permettent d’invoquer pièges et mécanismes pour faciliter les combats,
  • les karakuri fusionnés, qui s’apparentent aux karakuri actifs mais qu’on obtient en fusionnant ces derniers. Ils sont ainsi bien plus puissants.

Plus que de simples gadgets, ces karakuri font tout le sel de Wild Hearts, en lui offrant une dimension stratégique particulièrement bienvenue. C’est d’autant plus vrai que, contrairement à MHWorld, ici on ne traque pas vraiment les monstres sur la map en posant des pièges sur leur passage pour les affaiblir. Non, on les repère, on les rush et on leur colle aux basques jusqu’à ce qu’elles mangent des pissenlits par la racine.

Le niveau des monstres augmente en fonction du nombre de joueurs présents.

On peut d’ailleurs le faire seul ou en coopération, jusqu’à trois joueurs, selon différentes méthodes. La première, c’est de créer une session multijoueur et d’y inviter ses amis ou de la laisser ouverte en espérant qu’un chasseur solitaire nous rejoigne. L’environnement est celui du joueur qui créé la session (on y trouve tous les dispositifs qu’il a pu disséminer un peu partout sur la carte), tout comme l’avancée dans le scénario. Toutefois, les chasseurs qui rejoignent viennent avec leur équipement, qu’il s’agisse de leurs armures et armes bien évidemment, mais aussi les karakuri qu’ils ont débloqué. L’autre possibilité, c’est de lancer une chasse depuis la mapmonde et d’héberger ou rejoindre une session multi. Contrairement aux parties lancées depuis le feu de camp, ces cessions s’arrêtent lorsque la bête est morte. Impossible donc d’enchaîner sur un deuxième kemono sans repasser par le camp et y lancer une nouvelle session. Mais c’est le meilleur moyen de farm efficacement en bonne compagnie lorsqu’on ne joue pas avec des amis. Enfin, vous pouvez appeler à l’aide en début de combat, si vous pensez que vous allez être en difficulté ou si la solitude vous pèse un peu trop.

Chasse et pêche

Ne pas négliger la nourriture, crue, séchée ou marinée, pour s’octroyer des bonus au combat particulièrement bienvenus.

En définitive, si Wild Hearts m’apparaissait au départ comme une simple alternative à Monster Hunter, il a fini par m’étonner et me conquérir au fil des heures passées manette en mains, pour se positionner finalement comme un véritable et redoutable concurrent à la licence de Capcom. Certes, je regrette le manque d’implication de notre personnage dans l’histoire (mais c’est la même chose chez Capcom, vous me direz). L’aspect traque que j’ai tant apprécié dans MH World est ici délaissée au profit de simples combats, l’environnement étant juste là pour nous permettre de récolter des ressources et servir d’habitat à deux ou trois bêtes par session. Cet habitat est représenté par de multiples « petites » zones ouvertes. Ce n’est donc encore pas aujourd’hui qu’un jeu de chasse nous proposera une monde entièrement ouvert avec un véritable écosystème. Pourtant, techniquement le jeu ne nous décroche jamais la mâchoire, pour ne pas dire qu’il est à la ramasse avec des graphismes qui ne feront pas date et une fluidité qui n’est pourtant pas exemplaire. Il nous confronte même très souvent à des petits bugs, notamment des errances de caméra qui peuvent se montrer problématiques, lorsque le combat est intensif.

La griffe est l’arme la plus dynamique, qui permet de s’agripper aux kemono pour virevolter autour d’eux.

Tout n’est donc pas parfait, mais pour un premier épisode, c’est déjà une belle réussite. Wild Hearts possède une véritable identité, tournant notamment autour des Karakuri et un gameplay accrocheur qui fait que les mécaniques de farm et de craft font mouche. Il faut espérer maintenant que le studio ne perde pas de vue cette licence, que ce soit pour une suite mais aussi avec du contenu régulièrement renouvelé, afin de ne pas perdre les joueurs en endgame. On attend également que Capcom décoche une nouvelle banderille en réaction, car c’est en se rendant coup pour coup que ces deux licences pourront s’élever l’une et l’autre.

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