Un verre de scotch qui me décolle les synapses, il me faut toujours ça avant d’entamer un rapport. Ca, une bonne pipe et le calme apaisant de la nuit. De quoi rondement mener une enquête et éplucher sous tous les angles l’affaire L.A. Noire…
Acteur, un métier porteur
Drôle d’époque. Ca nous pendait au nez depuis quelques temps mais on n’aurait peut-être pas imaginé si tôt avoir à juger dans un jeu vidéo un casting d’acteurs plutôt qu’un design de personnages et un jeu de comédien plus qu’une qualité d’animations et de doublages… L.A. Noire marquera l’histoire du jeu vidéo au moins pour ça. C’est le premier à retranscrire une motion capture faciale totale, appelée pour l’occaz’ le Motion Scan, avec autant de réalisme (malgré une tentative, bien moins convaincante, de Quantic Dream avec Heavy Rain par exemple) au point que nous sommes pour ainsi dire face à des visages humains virtualisés et plus face à des tentatives de copies d’humains en virtuel. Ainsi si le héros du jeu, Cole Phelps, parait si insipide, si sobre et sans charisme, avec sa tête à claque de con de pignouf, ce n’est pas du à une faute de design, c’est du à l’erreur de casting de Team Bondi. Celle d’avoir choisi Aaron Staton (vu notamment dans la série TV Mad Men) pour le rôle principal. Il joue très bien, avec énormément de justesse, mais il ne colle pas à l’ambiance et aux antis héros que l’on est en droit d’attendre dans ce type d’histoire pulp. Ou même plus généralement dans un jeu sur lequel a bossé Rockstar…
Bellic, Klebitz, Lopez, ou encore Marston n’étaient peut-être que de simples pantins virtuels mais ils ont de vraies gueules et un charisme inoubliable. C’est d’autant plus surprenant que les seconds rôles de L.A. Noire (l’impressionnant casting par ici) sont souvent bourrés de classe, avec des gueules patibulaires et une prestance parfaite. Mais cet humanisme grandiose des visages relègue parfois les animations corporelles au rang de presque robotiques… David Cage ira même jusqu’à taxer la technologie du jeu de Team Bondi comme obsolète par rapport à sa prochaine production qui capturera les visages avec autant de précision mais aussi les corps (on l’attend au tournant). Brendan McNamara (boss de Team Bondi) quant à lui va presque dans ce sens puisqu’il affirme vouloir également capturer les corps avec le même savoir faire pour son prochain jeu. Ca risque d’être intéressant…
Elémentaire…
L.A. Noire est un jeu d’enquête. Avec tout ce que ça implique dans la lenteur de la mécanique de jeu, la patience, l’observation, la recherche, la déduction, encore et encore. Ce n’est pas un jeu d’action, ni un GTA-Like au sens bac à sable du terme malgré la liberté de mouvements sur l’immense étendue que propose la plus ou moins fidèle reproduction du Los Angeles de la fin des années 40. La map sert « simplement » à l’immersion, voir à se rendre sur des lieux où sont commis de petits délits (quêtes annexes) qui finiront en meurtres en série de délinquants presque tout le temps (majoritairement répétitifs, de rares délits offrent quand même des scènes digne de l’humour irrévérencieux des GTA).
Certes il y a des fusillades, des courses poursuites à pieds et en voitures et même des combats à main nues, mais les développeurs de Team Bondi et de Rockstar permettent carrément de zapper n’importe quelle scène d’action au bout de trois tentatives infructueuses (le jeu a été conjointement développé contrairement à ce que je lis partout, même si R* ne sont pas intervenus à des postes créatifs clé mais juste dans un rôle de grosse, d’énorme même, main d’œuvre en impliquant cinq de leurs studios…). Ca en dit long sur leurs intentions, Jeronimo Barrera (vice président du développement chez R*) ira même jusqu’à dire que le titre est aussi important pour eux en terme d’innovation et d’intentions que l’était GTA III, et marque une réelle avancée dans leur souhait de pouvoir un jour faire des jeux à histoire sans aucune fusillade…
Pour autant, pour un jeu qui affiche l’ambition de taxer l’action de secondaire, elle est très présente et tourne même en rond, en restant tout à fait correcte niveau sensations bien que pâtissant de dégâts non localisés (si on sort le flingue c’est pour tuer ou pour un tir de sommation, on ne peut pas juste blesser et arrêter un type). Chose agréable, les déplacements gagnent en souplesse par rapport à Red Dead Redemption (ou GTA IV), le perso va automatiquement tourner de lui-même lors d’un virage serré à pleine vitesse en course poursuite à pieds, sauter et s’accrocher naturellement ou même appuyer sur un bouton d’ascenseur et frapper à une porte tout seul.
La révolution des poils pubiens
Les enquêtes constituent donc le réel intérêt et ne sont pas mal foutues, surtout dans le réalisme de la représentation des scènes de crime, très détaillées. Chair creusée, étranglée, plaies ouvertes, os apparent, et même toison féminine au grand jour. De mémoire, c’est la toute première fois dans un jeu vidéo que je vois des poils pubiens… P’tain… Mes premiers poils de chatte dans un jeu il a fallut que ça soit ceux d’un cadavre… Merci Team Bondi, merci Rockstar… Mais la vraie révolution, bien que celle des oilp est à marquer d’une pierre blanche, est au cœur du gameplay enquête. En plus de la recherche et analyse visuelle d’indices qui rappellent Shenmue pour l’interaction avec les objets, il y a de passionnants interrogatoires qui jouissent pleinement du Motion Scan, loin d’être un gadget. Grâce aux indices trouvés, aux éléments en notre connaissance et aux réactions bluffantes de précision (parfois grossièrement exagérées selon les talents de l’acteur) des témoins/suspects, on doit orienter nos questions de manière à obtenir des réponses amenant idéalement à la vérité. Malheureusement le choix entre « Vérité », « Doute » et « Mensonge » pour réagir aux propos des interlocuteurs est, littéralement parlant, mal défini, trop simpliste, et peut induire en erreur. Il s’agit plutôt d’être conciliant, insistant ou de confronter un mensonge à une preuve.
Ca peut paraître anodin comme ça mais ça change tout dans l’approche à aborder, dans la réflexion, car il arrive un moment où les regards fuyant et les tics nerveux ne sont plus systématiquement et stupidement synonymes de quelque chose à cacher mais bel et bien le reflet d’un état psychologique. Une gamine de 15 ans violée la veille qui exprime une difficulté à se rappeler l’ignoble scène en esquivant notre regard ne signifie pas qu’elle ment ni qu’elle dit la vérité, simplement qu’elle est réellement mal à l’aise et fragilisée… Même si ce n’est pas assez utilisé à mon goût et qu’on reste le plus souvent dans la facilité, on doit parfois faire preuve de subtilité et ça : c’est bien.
Anti chauffard
Chaque affaire a d’ailleurs un degré de tolérance énorme envers les choix du joueur puisqu’on peut même bâcler son enquête et inculper un innocent. Le Capitaine fera simplement une grosse remontrance si l’échec est réellement flagrant et hop, affaire suivante. Mais ça n’influe cependant pas du tout sur le fil rouge de l’histoire principale, il n’y a qu’une seule fin, contrairement à Heavy Rain les différents embranchements sont donc délimités. La résultante c’est que chaque enquête est notée de 1 à 5 étoiles selon le nombre d’indices trouvés, de vérités dévoilées grâce aux interrogatoires et selon la pertinence des inculpations. Un genre de scoring assez arcade pour donner une replay value supplémentaire.
Et heureusement pour le perfectionniste que je suis (parfois), ils ont eu l’intelligence de permettre de rejouer chaque affaire indépendamment l’une de l’autre en passant par le menu (chouettement stylisé). C’est d’ailleurs en les rejouant qu’on discerne bien toutes les subtilités et embranchements, mais aussi qu’on subit plus fortement les maladresses redondantes et l’assistance des enquêtes. Par exemple on ne choisi jamais quand appeler le central pour obtenir renseignements, on nous prend par la main. On trouve un nombre incalculable de fois un paquet d’allumettes pour obtenir le nom d’un bar dans presque toutes les affaires de la Criminelle. Etc… Un plus grand nombre de choix dans la marche à suivre aurait été grisant, et des idées plus variées et malignes pour certains indices auraient été bienvenues. L’immersion se brise par contre complètement à mes yeux lorsqu’une cinématique ne reprend pas les mêmes éléments de la scène qui la déclenche (chapeau qui réapparait, armes qui changent, voiture qui n’est plus dans la même position), 90’s style. Puis elle regrimpe dans mon estime lorsque les piétons esquivent tels des toreros ma bagnole lancée à pleine vitesse, ou que mes talents de pilotes sont sanctionnés dans le résultat de mon enquête si j’écrase involontairement des passants (bon ok, j’ai fait exprès). On est un gentil, c’est donc incohérent de (se) conduire comme un psychopathe et il est normal d’en subir les conséquences. N’est-ce pas The Saboteur ?
Tu me fais narrer
Chez Rockstar les deux fondateurs que sont les frères Houser ont toujours eu un rôle bien défini qu’ils appliquent sur chacune de leurs œuvres ou presque : Sam est à la production, Dan est à l’écriture. Ce dernier est tous médias confondus un de mes auteurs préférés, qu’on se le dise. Il n’a pas écrit L.A. Noire, c’est Brendan McNamara qui l’a fait, et même sans le savoir je l’aurais deviné… Non pas que c’est mal écrit, le titre dispose d’un très bon scénario qui aborde pas mal de mœurs de l’époque (pédophilie déguisée, puritanisme exacerbé qui place le divorce comme un déshonneur impardonnable, anti-communisme etc) ou même une réflexion adulte sur la Guerre, et s’inspire de faits réels. Par exemple la célèbre affaire irrésolue du Dahlia Noir est reprise en toile de fond lors de notre passage à la criminelle (c’est d’autant plus judicieux que l’affaire et le jeu se déroulent exactement à la même époque en 1947). De plus les affaires en elles mêmes sont variées (présentées individuellement comme des récits pulp, noirs, à l’ancienne, bien ambiancés) de brigade en brigade, passionnantes, et finissent par modifier (passivement pour le joueur) la vie de Phelps et constituer une sorte d’histoire principale.
Mais si L.A. Noire est bien scénarisé, il est assez mal raconté. La narration est maladroite et influe beaucoup sur le manque affligeant de charisme et de profondeur de Phelps. Le peu de caractère qu’on lui a donné est celui d’un type chiant (intello, donneur de leçon, coincé) et le peu de failles qu’on lui devine sont très mal exploitées car complètement abrégées et non jouées par le joueur (difficile d’en dire plus sans spoiler). Aucun aspect n’est travaillé pour donner de l’empathie envers cette tête de gland de héros principal. C’est à mon sens un vrai défaut, un petit gâchis. Mais le titre n’en est pas moins agréable à suivre et se paye même quelques situations et dialogues bien drôles dans l’esprit Rockstar, ça reste ceci dit trop rare. C’est un peu la synthétisation de tout le jeu : un truc cool, intéressant, innovant, mais qui est plein de petites maladresses qui ne gâchent fondamentalement rien (oubliez The Getaway tout de suite) mais qui font dire qu’il aurait pu être encore beaucoup mieux. Et puis comme je ne savais pas où le caser je vous le colle à la fin : Il y a de petites erreurs de traductions (qui ne gênent pas les enquêtes heureusement) dans notre VOST à nous, chose assez surprenante de la part d’un jeu Rockstar…
L.A. Noire s’il n’est pas sans maladresses est un titre passionnant et qui fera date dans l’histoire du jeu vidéo. (A contrario de son héros qui est peut-être le plus chiant qu’on ait connu dans un jeu d’action-aventure…)
6 Commentaires
L.A. Noire, le rapport
Un bon jeu, pas mauvais mais pas non plus excellent car gâché par beaucoup trop de défauts. En fait, le titre se repose quasi exclusivement sur son motion scan et ses séquences d’interrogatoire… tout le reste est plutôt raté et redondant. Aucun glamour (pour un jeu qui se passe à L.A., c’est un comble)… d’ailleurs il n’y a quasiment aucun passage impliquant des studios de cinéma et des acteurs/producteurs/réalisateurs, le passage à la criminelle chiant au possible avec une trame scénaristique cousue de fil blanc qui nous force à inculper des innocents (c’est vraiment LA plus grosse tare du jeu selon moi), des scènes d’action qui se répètent tout le temps dans des situations quasi identiques à chaque fois (sauf vers la fin), des quêtes annexes complètement nases et la collection de bagnoles inutile puisqu’elles disparaissent dès qu’on se tape une scène cinématique (on peut même être bloqué dans l’histoire si on a une autre bagnole, parce qu’on ne peut pas recevoir d’appel du central :D). Bref, c’est désolant de voir à quel point un potentiel énorme comme celui qu’avait L.A. Noire puisse être gâché comme ça, pour des broutilles. Ah, et si la modélisation des mecs est plutôt convaincante, c’est loin d’être le cas pour les femmes. Sans parler du décalage assez hideux entre les visages et le corps.
L.A. Noire, le rapport
Hum…du coup j’hésite à me l’acheter ou pas…
Bon, à quand le DLC? 🙂
L.A. Noire, le rapport
Pour moi tu peux l’acheter hein, il est indispensable. Sinon y a déjà des DLC sortis, tout pourris.
L.A. Noire, le rapport
Pour moi il n’est pas indispensable pour ses qualités ludiques, mais il l’est pour ta culture, parce qu’il va marquer un avant et un après L.A. Noire dans le monde du jeu vidéo je pense.
L.A. Noire, le rapport
Le passage à la criminel j’ai bien aimé (bon si,quand tu sait que tu arrête des innocents,mais que le jeu t’oblige,c’est carrément mal fait) avec l’histoire du serial killer.Le passage qui m’a gonflé (jusque la,j ‘ai pas encore fini le jeu)c’est au mœurs.Entre ton co-équipier et l’histoire mal géré,et en plus je m’en fout un peu des mecs qui se tuent en se dopant,j’ai eu du mal à m’y intéresser plus que ça.Peut-être pour ça que quand mon co-équipier donnais 10 noms à la suite,je voyait jamais de qui il parlais…
L.A. Noire, le rapport
Moi j’ai trouvé que le passage à la criminelle, c’était un peu toujours la même chose. Un cadavre de femme à poil, un innocent qu’on accuse, une victime qui trainait dans un bar qu’on retrouve grâce à une boite d’allumettes, une arme du crime ensanglantée retrouvée par terre chez le coupable… c’était chiant. Et surtout c’était mal amené. J’aurai préféré qu’on nous convainc que le mec est coupable et qu’après on se rende compte qu’on s’est fait berner. Alors que là on sait déjà ce qui va se passer ensuite. Au final, la meilleure des brigades, je pense que c’est les incendies criminels. Surtout parce qu’on arrive au bout du jeu et qu’il commence à se diversifier.