Construire des monuments, c’est bien. Mais faire en sorte qu’ils restent dans la mémoire collective au fil du temps, c’est encore mieux. C’est le défi que propose Ancient Knowledge, de Rémi Mathieu.
Ancient Knowledge fait partie de ces jeux que j’avais dans mon viseur depuis quelques temps, à tel point qu’il était dans notre top priorité des jeux à tester au dernier PEL ; et si vous n’avez pas encore lu l’article, je vous spoile : On a tourné autour vainement, sans jamais trouver le moment de s’attabler. Par la suite, j’ai entendu beaucoup de choses sur lui, en positif mais aussi pas mal en négatif ; notamment sur la durée interminable des parties à 3 ou 4, ou l’absence d’interactivité entre les joueurs. Du coup, il est tombé un peu dans l’oubli jusqu’à ce que je reçoive ce fameux bon de réduction de non-anniversaire, que tout joueur de jds connaît forcément. L’occasion faisant le larron, je me suis donc risqué à l’acheter. Et sitôt reçu, ma première surprise fut de trouver une règle relativement simple, bien écrite, bien illustrée. Je ne sais pas pourquoi, mais je m’attendais un peu à une usine à gaz et force est de constater que c’est loin d’être le cas.
Ici, les joueurs (jusqu’à 4) incarnent donc des peuples bâtisseurs qui vont s’atteler à construire des monuments et à les faire perdurer dans le temps et la conscience collective. Car les bâtiments que vous allez construire vont péricliter avec le temps et si ce déclin inéluctable n’est pas géré convenablement, ils risquent d’emporter avec eux un savoir séculaire à jamais perdu. Ainsi, lorsqu’un bâtiment est construit, celui-ci est placé sur la frise du temps, dans l’un des emplacements numéroté de 1 à 6, en fonction de la valeur indiquée en haut à gauche de la carte. Et à partir de là, il va décliner à chaque tour (aka reculer sur la frise du temps) avant de sombrer définitivement dans le passé. Or, chaque bâtiment arrive en jeu avec un certain nombre de savoir qu’il va falloir transmettre à votre peuple (comprenez, retirer les jetons savoir de la carte) avant que le monument ne tombe dans le passé et transforme ce savoir en savoir perdu (aka des points négatifs en fin de partie).
Ces bâtiments existent en trois catégories distinctes – Les Cités (cartes oranges), les Pyramides (cartes vertes) et les Mégalithes (cartes bleues) – et sont généralement surmontés d’une capacité spéciale se déclenchant lors de leur création, lors de leur déclin, lors de la phase dite « de chronique » (entre la phase d’action et la phase de déclin) ou même en fin de partie, lors du comptage final. Le but est donc de trouver une bonne synergie entre les cartes, afin de marquer un maximum de points de victoire tout en limitant au mieux la perte de savoir. En sus des cartes bâtiments, il existe également des artefacts (cartes violettes) qui ne sont pas concernés par l’érosion du temps. Une fois placé sur le plateau de jeu d’un joueur, il y reste jusqu’à la fin de la partie et un maximum de 5 artefacts peuvent être disposés ainsi sur ce plateau.
A son tour de jeu, chaque joueur va effectuer deux actions au choix, comme Construire un bâtiment, Apprendre une nouvelle connaissance (carte avec des prérequis ou non, qui offrent des points ou des capacités bonus), Archiver des cartes (défausser des cartes pour retirer autant de jetons savoir de ses bâtiments), Piocher une carte ou Excaver ses monuments, c’est à dire tourner une ou plusieurs de ses cartes tombées dans le passé, pour piocher le double de cartes. Une fois ces deux actions faites, le joueur passe à la phase de chroniques où se déclenche certains pouvoirs (notamment ceux des artefacts) et enfin la phase de déclin, où il décale tous ses bâtiments vers la gauche et récupère les éventuels jetons savoir oubliés de ses monuments qui tombent dans le passé. Et ce n’est qu’une fois son tour intégralement terminé qu’on passe au joueur suivant. Et comme il n’y a pas, ou presque pas (il y a quelques cartes « offensives »), d’interactions avec les autres joueurs, il peut s’installer une certaine lassitude lorsqu’on joue à trois ou quatre et qu’on attend son tour ; surtout lorsque vous avez dans votre groupe, ce profil de joueur qui ne réfléchit jamais avant son tour et étudie toutes les possibilités avant de faire une action (on en a tous un comme ça… hein Tsokoa ?).
Du coup, je déconseille clairement de jouer à quatre à Ancient Knowledge, mais il fonctionne très bien à deux par contre, ou le temps entre deux tours de jeu reste acceptable. Et une fois cette tare gommée, ne reste qu’un excellent jeu de construction, qui me rappelle parfois Terraforming Mars (sans la map) ou Wonderful World (sans les ressources). Les cartes sont suffisamment nombreuses (144 cartes distinctes) pour que les parties puissent se renouveler sans avoir trop l’impression de déjà-vu et les tactiques de jeu restent relativement variées et vont souvent dépendre de votre main de départ ou des premiers artefacts que vous piocherez. Bref, il s’agit là d’un très bon jeu qui mérite qu’on s’y attarde, si on aime ce type de mécaniques à base de cartes qui combottent entre elles.