Hunters, la chasse aux nazis est ouverte !

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Décidément, entre The Man in the High Castle et Hunters, Amazon Prime semble faire une petite fixette sur les social-nationalistes moustachus ! 30 ans après WWII, les rôles sont désormais inversés et les anciens traqueurs détraqués deviennent à leur tour la proie d’un nouveau type de chasseur…

L’histoire

Etats-Unis, été 1977. Plus de trente ans se sont écoulés depuis la fin de Seconde Guerre Mondiale, et si près de 6 millions de Juifs ont péri dans les camps, il reste beaucoup d’anciens nazis en vie. Pire, l’Amérique leur a tendu les bras et certains se sont si profondément enracinés dans le pays de la liberté qu’ils occupent des postes clés en politique, en science… C’est pourquoi un ado sensible, un vétéran du Vietnam, un vieux couple de survivants des camps de la mort, un acteur de série B, une bonne sœur, une activiste Black Panther et un mystérieux millionnaire juif forment un commando d’élite pour nettoyer ces anciens tortionnaires qui souillent le sol américain. Quand la proie devient chasseur, gare aux teutons en bottes de cuir !

Some bad ass mothafuckas

Un casting hétéroclite

Avec Al Pacino en tête d’affiche, la production a mis le paquet pour réussir le lancement de cette première saison. A mon sens surcoté, l’acteur immortalisé par Scarface est convaincant dans son rôle de vieux juif vengeur. Le seul autre acteur connu est Josh Radnor de How I Met Your Mother, méconnaissable dans le rôle de l’acteur raté.

Si le héros de la série reste un adolescent, je salue la diversité d’âges représentés. Beaucoup de personnages sont sexagénaires (30 ans plus tard oblige), et ça fait plaisir de voir des « gueules » à l’écran dans une série grand public.

En termes de diversité ethnique, là aussi la série fait plus que respecter les quotas et distribue plusieurs rôles clés à des acteurs afro-américains. Selon moi, la production pousse un peu trop ce désir de représentation des minorités en faisant de l’agente du FBI une femme noire lesbienne. Le développement autour de sa sexualité (et son acceptation par la société) est beaucoup moins réussi et subtil que celui de la psychologue qui travaille aussi pour le Bureau dans la génialissime série Mindhunter.

Une série sous Shoa-nabolisants (pardon)

Pour un public averti

Créée par David Weil et produite par Jordan Peele (à qui on doit Get Out et Us mais aussi les excellents sketchs Key&Peele), la série change radicalement le ton sur le traitement généralement fait de l’Holocauste et de ses survivants. Ici, les victimes deviennent les bourreaux de leurs bourreaux et certaines scènes de violence ne sont pas sans rappeler des passages de Inglorious Basterds de Tarantino.

« Alors Jésus lui dit : rentre ton épée car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée. » (Matthieu 26:52). Dans Hunters c’est plutôt « qui tue au Zyklon B mourra gazé », telle est la loi du talion, religieusement respectée par la série. Et c’est jouissif. La série opère un tour de force pour déculpabiliser le spectateur à exprimer ses pires pulsions de violence à travers la vengeance froide contre des méchants désignés. La série ne s’embarrasse pas trop de scrupules : l’homme blanc nazi n’a aucune excuse et on peut le frapper dans tous les sens comme une piñata qui, au lieu de nous délivrer des bonbons, nous inonde d’endorphines guiltfree. Pour brouiller un peu les pistes, le super vilain est une femme a.k.a. le Colonel, ce qui comme préciser plus haut, confirme la volonté de la série de proposer des personnages féminins puissants. Et pour parfaire cette pièce-montée, les scénaristes l’ont saupoudrée de dialogues corsés aux répliques bien senties.

La série alterne entre scènes touchantes voire d’une tristesse poignante et scènes coup de poing. Cette gymnastique nécessite une assez bonne souplesse d’écriture et de registre qui peut parfois être perturbante pour l’audience au niveau de sa réception émotionnelle.

Fiction vs Histoire

Vivement critiquée par le mémorial d’Auschwitz, la série se défend d’être un documentaire mais une production de fiction inspirée de faits réels. C’est dans cet entre-deux ambigu que la série cherche son ton. Malheureusement, ce n’est pas toujours réussi car au lieu d’embrasser totalement son aspect fictif délirant, elle veut s’enraciner dans des faits avérés, tels que l’opération Paperclip. Cette dernière a consisté à importer sur le sol américain les plus brillants cerveaux d’Allemagne juste après la guerre. Le but était de les faire travailler sur des projets comme la conquête spatiale de la NASA et ainsi damer le pion aux Russes dans la course aux étoiles. Dans une période où la théorie du complot séduit les esprits les plus fragiles, il ne faudrait pas que cette série soit prise au premier degré et augmente la paranoïa ambiante (et si Trump était descendant de nazi…ou pire Obama ?!)

Autre petite glissade : je déplore la facilité scénaristique qui fait l’amalgame entre scientifique allemand et tortionnaire nazi. Tous n’étaient a priori pas des malades sadiques mais pour le confort moral du spectateur, on préfère faire comme si, sans quoi la série n’aurait pas les coudées franches pour servir d’exutoire pulsionnel. Mais qui sait : peut être que la figure d’un ancien nazi repenti pourrait rejoindre la cause et éliminer ses anciens Kameraden…

Conclusion

Je salue l’existence de cette série d’action qui change le ton de la parole autour de ce sujet épineux des survivants de la Shoah. Dans cette époque où les super-héros sont à la mode, elle humanise et virilise la figure du Juif à la sauce 70’s. C’est par ce genre de produit culturel qu’on modifie auprès du grand public les images d’Epinal d’une trinité cliché, entre une Anne Frank impuissante, un Shylock aux poches pleines et un agent du Mossad impitoyable. Alors oui la série est naïve car oppose les gentils juifs aux méchants nazis, oui elle verse beaucoup dans la caricature et le complotisme, mais Hunters reste un divertissement délicieusement épicé où l’on salive en cachette de voir des ordures nazies se faire trucider. Pour boucler la boucle je termine avec une citation de Desproges : « Comme le disait si gentiment Heinrich Himmler en visitant Auschwitz sous la pluie : Ne boudons pas notre plaisir ».

 

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