XCom, le dernier bastion

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Alors que la licence a originellement été ressuscitée pour et par un énième FPS, c’est bel et bien un jeu de stratégie, hommage à ses illustres ancêtres, qui lui vole finalement la vedette.

Nous ne sommes pas seuls

On a vu design plus inspiré, mais on ne va pas faire la fine bouche.

Pour les joueurs qui ne sont pas trentenaires, voire presque quarantenaires comme moi, le nom XCom ne doit pas vouloir dire grand-chose ; tout juste leur évoque-t-il ce FPS à moitié annulé de 2K, aux allures de Rencontre du troisième type avec son ambiance 60’s. Pour les autres, il charrie de vieux souvenirs de nuits entières passées sur UFO : Enemy Unknown et XCom : Terror from the Deep. D’ailleurs, d’un point de vue strictement personnel c’est bien simple : Outre Colonial Conquest et Full Metal Planet sur Atari ST (Gloire à lui !), je ne pense pas avoir passé plus de temps sur un jeu de stratégie que sur cette doublette de Microprose. A l’époque déjà, le principe consistait à repousser une invasion extra-terrestre, sur Terre dans UFO et sous la mer dans XCom, en gérant tout aussi bien les combats au tour par tour, que la logistique. Entre deux missions, il fallait donc entrainer ses soldats et faire des recherches sur la technologie alien, afin de créer de nouvelles armes plus puissantes. Ce sont les mêmes mécaniques, modernisées pour convenir au plus grand nombre, qui animent ce XCom de Firaxis ; les développeurs de la saga Civilization dois-je le rappeler.

L’interception des ovnis, c’est une plaie, tant visuelle que niveau gameplay.

Tout commence alors que de mystérieux événements ont eu lieu en Allemagne (pour une fois que ça ne se passe pas à New York, ça change). On soupçonne alors déjà une activité extra-terrestre, et cela va très vite se confirmer une fois vos hommes dépêchés sur place. A la suite de cette mission tutorielle, où un seul de vos soldats reviendra en vie, les principaux gouvernements du monde entier vont donner leur aval pour lancer et soutenir le projet XCom. Ce projet consiste en une force militaire indépendante, chargée de protéger la planète de l’invasion alien ; et c’est bien évidemment vous qui êtes propulsé à sa tête. Pas de quoi prendre le melon non plus, car si vous êtes bien le seul maitre à bord, vous êtes tout de même soumis au bon vouloir du « conseil », qui supervise les opérations et, surtout, finance le projet. Car l’argent, c’est plus que jamais le nerf de la guerre. Sans lui, fini les couteuses installations militaires, exit l’armement ultra sophistiqué et les recherches dans des laboratoires à la pointe de la technologie, bref sans argent c’est la mort du projet XCom. Et même si l’humanité vit ses heures les plus sombres, les grandes nations de ce monde n’en restent pas moins exigeantes et capricieuses.

Sommet du G16

Dès le deuxième mois, ma campagne partait déjà en sucette…

Et pour obtenir le soutien des 16 pays les plus riches de la planète, il n’y a qu’une solution : Les protéger. Car plus les extra-terrestres sévissent dans telle ou telle région du globe, plus la panique va s’y installer. Et si elle atteint un seuil critique, le pays concerné n’aura nul autre choix que de quitter le conseil, vous couper les vivres et tenter tant bien que mal de s’en sortir par lui-même. Pour vous, ça résulte tout simplement à perdre des ressources. De l’argent pour commencer, mais aussi des hommes, ingénieurs et/ou scientifiques qu’il vous fournissait jusque-là (et accessoirement, la perte de soutien de 8 membres du conseil entraine le Game Over). Le problème, c’est que les aliens ne sont pas du genre à se tourner les pouces, et quand ils attaquent, ils le font généralement à plusieurs endroits à la fois. Vous l’aurez compris, vous ne pourrez pas sauver tout le monde : Il va falloir faire des choix. Ainsi, à la suite d’enlèvements extra-terrestres, on vous demandera régulièrement d’intervenir dans deux ou trois pays en simultané. Malheureusement, vous ne pourrez envoyer vos hommes que dans l’un d’entre eux, abandonnant alors les deux autres pays à leur sort. A vous de voir si vous préférez intervenir dans les pays où la jauge de panique est au plus haut, histoire de ne pas perdre leur soutien, ou si vous préférez « sacrifier » l’un de vos alliés pour ne pas avoir à vous éparpiller.

Une escouade XCom, c’est comme une équipe de foot : Faut gérer les nombreuses blessures !

Heureusement, il existe d’autres moyens pour réduire le niveau de panique des pays membres du conseil. Envoyer un satellite, puis des avions, pour repérer et intercepter les ovnis avant qu’ils ne mettent à exécution leur plan, en est un. Mais c’est terriblement coûteux et donc, cela ralenti votre progression dans la recherche et la production d’armes plus sophistiquées. En contrepartie, en sus de réduire le niveau d’alerte, lancer plusieurs satellites au-dessus d’un même continent vous permet d’accroître votre « rémunération » en dollars et en hommes. Vous pouvez également répondre à certaines demandes spécifiques de vos alliés, en armes mais aussi en matériel et matériaux extra-terrestre. Encore faut-il avoir ce qu’ils demandent sous la main et être enclin à s’en débarrasser, tant les ressources aliens sont une denrée rare, indispensables à votre développement. Bref, même si vous êtes à la tête de la plus puissante force d’intervention de la planète et que l’avenir de la Terre réside au creux de vos mains, vous n’en êtes pas moins réduit à faire des courbettes aux grands de ce monde pour obtenir leurs faveurs.

Sim E.T.

La représentation en coupe de la base, est vraiment une chouette idée.

L’argent collecté, va vous servir principalement à agrandir votre base. Car si vous débutez avec une petite caserne, un laboratoire minuscule et une salle de surveillance satellite, vous allez très vite devoir construire de nouvelles infrastructures : De nouveaux laboratoires, des usines de productions, des cellules d’isolement pour accueillir vos prisonniers, une fonderie pour améliorer votre équipement ou encore des générateurs pour fournir l’énergie nécessaire au bon fonctionnement de votre QG. Et comme il est enfoui sous terre, pour plus de sécurité, vous allez donc devoir creuser toujours plus profondément pour pouvoir l’étendre. Bref, entre le forage, la construction, l’entretien et le personnel, vous allez très vite vous rendre compte que sauver la planète, ça coûte bonbon. Là encore, vous aurez des choix à faire. Allez-vous mettre l’accent sur la recherche, sur la production ou sur la formation et le recrutement de vos troupes ? Regrouperez-vous les laboratoires ensemble pour accroître leur efficacité, au risque de devoir dépenser d’avantage en forage ou préférerez-vous minimiser les frais de fonctionnement ? A vous de voir.

Quand on construit de nouvelles infrastructures, il faut penser au coût de son entretien.

En tout cas, il faut reconnaître que cette partie gestion est plutôt réussie. Riche, complète et complexe, elle est aussi particulièrement soignée esthétiquement. C’est en effet très agréable de voir tout ce petit monde évoluer sous vos yeux. Vos soldats discutent à l’infirmerie ou à la cafétéria, les robots tournent à plein régime dans les usines, bref votre base prend littéralement vie, au fur et à mesure que vous la développez. Certaines étapes importantes, comme la construction d’une nouvelle structure, l’interrogatoire d’un alien capturé ou encore la fabrication de certaines armes, nous donnent même droit à une courte cinématique pour l’illustrer. Bon, celles-ci ne feront pas date pour leur réalisation exemplaire et leur niveau de détail hallucinant, mais elles ont le mérite d’animer un peu la partie, histoire de ne pas laisser la monotonie s’installer. Dommage également que tout ce soin apporté aux détails visuels n’ait finalement que peu d’importance, puisque vos actions se font exclusivement par l’intermédiaire de menus déroulants et non en se baladant entre les différentes infrastructures. Mais qu’importe.

R.I.P.

Pour leurs capacités comme leur arsenal, il faut faire des choix difficiles.

Bref, c’est bien beau d’avoir un chouette QG rutilant où s’affairent laborantins et ingénieurs comme des fourmis dans une fourmilière, mais encore faut-il obtenir des résultats sur le terrain. Et là encore, ce n’est pas une mince affaire. Sachez tout d’abord que XCom est avec Fire Emblem, l’un des seuls jeux où lorsque l’un de vos hommes meurt, il ne respawne pas comme par magie dans votre base pour la mission suivante. Il disparaît réellement du jeu. En effet, même si l’absence de dialogues empêche toutes sortes de sentimentalisme, comme c’est le cas avec Fire Emblem par exemple, la perte d’un soldat est toujours un moment délicat. D’une part, parce que lorsqu’il tombe au combat, non seulement vous devez terminer la mission en nombre réduit, mais sa mort peut également provoquer la panique dans vos rangs et vous faire ainsi perdre le contrôle d’un ou plusieurs de vos hommes durant un ou deux tours (il n’en faut généralement pas plus pour foutre le bronx dans votre belle tactique et transformer la mission en fiasco). Ensuite, parce que vos soldats sont limités en nombre. Si vous en perdez trop, il faudra recruter ; et recruter, ça a un coût. Mais surtout, parce que ces derniers gagnent en expérience au fur et à mesure de leurs missions, et développent de nouvelles capacités via un arbre de compétences spécifique à chacune des classes proposées (commando, grenadier, sapeur, sniper).

Jouer de la pétoire dans une station service… quelle belle idée !

Perdre un soldat expérimenté, c’est donc perdre les possibilités tactiques qu’offraient ses compétences (tir de couverture, triple médikit, points d’action supplémentaires, tir à la tête, etc.). Bref, c’est diminuer considérablement vos chances de victoire. Le problème, c’est que tuer vos hommes semble être le passe-temps favori des aliens, bigrement efficaces dans ce genre d’activités. En effet, s’ils savent généralement plutôt bien viser, ils n’hésitent pas non plus à vous contourner pour vous prendre par les flancs et à balancer des grenades pour vous déloger, ou lorsque vous êtes assez bête pour regrouper tous vos hommes au même endroit. Sans compter les erreurs tactiques et les sursauts d’héroïsme qui vous font parfois tenter des tirs risqués au lieu d’observer une retraite stratégique. Bref, les occasions de mourir sont légion. Dommage toutefois que Firaxis ait choisi de nous permette de sauvegarder en cours de mission. Cela vient quelque peu entraver cet élan de réalisme tragique. Car il faut vraiment avoir une volonté de fer pour ne pas céder aux sirènes du rechargement de save, lorsque votre colonel ou votre super sniper se fait dessouder bêtement.

Gears of War Tactics

Avoir un sniper sur les toits est toujours une bonne solution tactique.

Si le jeu tourne sous Unreal Engine, ce n’est pas un hasard. Même s’il s’agit d’un jeu de stratégie au tour par tour, on y ressent pleinement l’influence de Gears of War. Dans le look des soldats déjà, qui partagent avec Marcus Fenix cet esprit caricatural de la constitution façon armoire normande. Dans les sprints illustrés à la fameuse « CNN Cam », ensuite. Mais surtout, dans l’esprit du cover, cher aux TPS. Car il faut préciser que dans XCom, un homme à découvert est un homme mort. Pour progresser dans les niveaux, il est essentiel (et même vital) d’avancer de couverture en couverture, qu’il s’agisse d’un muret, d’un arbre, d’une caisse ou d’une voiture. Attention toutefois, car celles-ci sont toutes destructibles, si tant est qu’on dispose d’armes suffisamment puissantes. Pire, se planquer derrière une voiture est un abri des plus appréciables de prime abord, mais peut vite se révéler être un piège mortel, si une balle perdue vient y mettre le feu. A ce moment-là, mieux vaut se carapater en vitesse avant qu’elle ne vous explose au visage, en priant de ne pas se faire aligner par l’ennemi dans notre fuite.

Mieux vaut éviter de rester trop longtemps près de tout ce qui explose.
Quand ÇA vous fonce dessus, priez qu’il soit à court de PA avant de vous atteindre.

Même si le jeu ne concourra clairement pas pour le titre des meilleurs graphismes de l’année 2012, les niveaux sont suffisamment détaillés et vivants, et confèrent au jeu un look et une ambiance particulièrement plaisante, même si de trop nombreux bugs de collisions viennent ternir le tableau (tirs à travers les toits et murs, ennemi encastré dans une porte fermée, etc.). C’est d’autant plus agréable que les maps générées aléatoirement sont suffisamment variées pour ne pas tomber dans l’ennui et la répétitivité. Sur ce point, le seul bémol vient de l’absence de localisation des missions : Que vous interveniez au fin fond de la Sibérie, au plein cœur de l’Afrique ou dans les rues new-yorkaises, les environnements ne changent guère. En gros, vous aurez principalement droit à de la map urbaine (rues, parking, station-service, bureaux, etc.) et de la map forestière. Pas de village aride d’Afrique ou de plaines enneigées de Russie. Pas (ou vraiment très peu) de dénivelé également. Tout juste quelques butes ou toits d’immeubles pour prendre de la hauteur. Et quitte à s’appeler XCom (et pas UFO), un petit passage en mer en guise de clin d’œil n’aurait pas été de trop. C’est un peu dommage, voire même clairement frustrant après quelques heures de jeu.

Kill’em all

Une grenade, c’est pratique, mais ça détruit ce qui pouvait être récupéré sur les cadavres.

Malheureusement, ce manque de diversité graphique dans les missions, se ressent également dans leurs types. En effet, quelle que soit la mission, votre but sera de toute manière d’éliminer toutes menaces. Certes, il y a bien quelques variantes comme récupérer et évacuer un VIP, sauver un maximum de civils ou enquêter sur le crash d’un OVNI (en évitant de l’endommager d’avantage pour récupérer ses matériaux), mais dans les faits ça change assez peu. De plus, il est malheureux de constater que dès que vous repérez un ennemi, ce dernier réagit immédiatement en se planquant et en vous prenant pour cible. Dès lors, toutes tentatives de discrétion, voire d’infiltration, est purement et simplement proscrite. Si vous voulez prendre l’ennemi en tenaille, il vous faut donc déplacer vos hommes sous le feu nourri de l’ennemi, alors qu’il aurait été plus judicieux de se placer discrètement avant l’assaut.

Un bon jetpack des familles, ça fait toujours son petit effet.

Mis bout à bout, tous ces petits détails empêchent le titre de briller comme il le devrait. Honnêtement, on a parfois l’impression d’être face à un jeu des années 90, remis au goût du jour graphiquement, que face à un vrai jeu moderne et avant-gardiste. Bien sûr, cela ne fait pas de XCom un mauvais jeu. C’est même un excellent titre, qui fait un peu figure d’Ovni dans cet océan de FPS/TPS standardisés à l’extrême. D’ailleurs, rien que le fait d’avoir ressuscité une aussi vieille licence sans trahir ses fondamentaux, c’est une excellente chose. Mais le manque d’ambition pourrait bien lui nuire. Car si on ne doute pas qu’une suite puisse être plus aboutie, encore faut-il avoir les moyens de la faire. Et pour cela généralement, mieux vaut accoucher d’un titre ambitieux, quitte à commettre quelques «erreurs de jeunesse », plutôt que de faire preuve d’une certaine frilosité pour assurer l’essentiel. J’espère me tromper, et qu’il ne se passera pas dix ans de plus avant de pouvoir protéger à nouveau la Terre d’une invasion extra-terrestre.

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