Xbox & Playstation, les vrais réseaux sociaux

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Oubliez les RT, les FAV, les Like et autres interactions moisies que certains sites vous proposent d’avoir avec des péons lambda qu’on ose appeler amis, les vrais réseaux sociaux aujourd’hui, ce sont nos consoles.

Le multi squatte

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A cette époque, le multijoueur s’opérait dans les bars et transformait les gens en alcooliques.
De tous temps, les machines de jeux ont été de forts vecteurs sociaux. Le jeu lui-même, dans sa définition, est un vecteur social d’ailleurs. Il n’y donc aucune raison pour que le jeu vidéo n’en soit pas un. Toutefois, ce qui a changé par rapport au passé, c’est que les joutes sur Mario Kart, Sensible Soccer ou Street Fighter II qui se déroulaient jadis sur un même canapé, se font désormais sur une foultitude de sofas en simultané, grâce à la magie du web. Très largement répandu sur PC, c’est avec la première Xbox et son Xbox Live que le jeu en réseau s’est démocratisé sur consoles. Mais à l’époque, les jeux qui se lançaient dans l’expérience du online étaient encore relativement marginaux ; notamment lorsqu’il s’agissait de jeux multi-supports sortant également sur la très offline Playstation 2. Puis, petit à petit, la feature s’est installée pour rapidement devenir incontournable. Après l’ère de la frilosité chez les éditeurs, s’en est suivi une longue et pénible période de grand n’importe quoi connecté, où n’importe quel jeu de merde se sentait obligé de proposer un mode en ligne pour surfer sur la vague. Bon nombre de titres ont été victimes de la stupidité/cupidité des éditeurs : L’excellent Spec Ops : The Line par exemple, aurait sans doute été mieux fini s’il n’avait pas été obligés de se perdre dans des modes multi en ligne complètement hors de propos (même si les développeurs du multi ne sont pas les mêmes). Même chose pour Dead Space 2, Bioshock 2, BulletStorm et quelques autres que j’avoue ne plus avoir en tête. Cependant, il y a aussi eu de bonnes surprises. Je pense notamment à Lost Planet, Assassin’s Creed (2, je crois… à moins que ça soit Brotherhood. Je m’y perds avec les 67 jeux qui composent cette licence), ou encore Gears of War, dont les multi ont été ajouté à l’arrache pour faire comme tout le monde et se sont pourtant vu squattés en masse par les joueurs. Bon, concernant Gears, il faut dire que lorsque vous avez les mecs derrière les Unreal Tournament qui gèrent le truc, c’est tout de suite plus facile. Mais quand même, ce sont de parfaits contre-exemples.

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Lost Planet, un jeu solo dont le multi restera parmi ceux que j’ai le plus squatté dans ma vie de joueur.

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A part Bad Company (qui n’avait d’ailleurs pas de multi), les solos des Battlefield sont ce qu’il se fait de pire en la matière.
Aujourd’hui, cette période du multi pour du multi est révolue. Non pas que les éditeurs aient tourné le dos au online, bien au contraire, mais disons qu’aujourd’hui, c’est le mode solo qui ne suscite plus leur attention. En effet, il devient de plus en plus compliqué de trouver un bon jeu à se faire en solitaire, notamment du côté des AAA. La plupart du temps, on a le droit à un truc générique, avec un scénario écrit sur un ticket de bus et une I.A. qui ferait passer les candidats de télé-réalité pour des Albert Einstein en puissance. L’exemple parfait, c’est Battlefield, licence multijoueur par excellence, qui s’est doté d’une campagne solo sur le tard, histoire de faire comme tout le monde Call of Duty. Aucune prise de risque, aucune innovation, aucune velléité de faire passer un bon moment au joueur soliste, alors qu’ils avaient pourtant su décrasser le FPS militaire avec Bad Company. C’est là que le mode coop’ entre en jeu. Véritable cache misère des temps modernes, le coop’ permet de faire passer un agréable moment à deux, trois voire quatre potes, avec trois fois rien. Pour prendre mon exemple (car j’aime parler de moi), il faut dire que vous me filez un flingue, un baril explosif et Nachcar à côté (ou sa variante : Un ascenseur, trois mecs dedans et une grenade), ça me suffit pour me marrer. Même un mauvais jeu vous proposera un peu de bon temps, à tout faire péter et à se moquer de ses bugs et défauts, si tant est que vous êtes minimum deux. Parfois même, ce sont les joueurs qui détournent l’utilisation première d’un titre. J’en veux pour preuve les foots de rue organisés à l’arrache avec le globe terrestre d’une statue de Crackdown, ou encore les courses de scooters qui se transforment en Destruction Derby en Ferrari dans GTA IV… Bref, seul on se fait chier. A deux, on rigole. Voilà toute la différence qui, pour le coup, a été parfaitement comprise par les éditeurs. Résultat, 75% des jeux de l’E3 cette année, étaient des jeux jouables en multi coopératifs ou compétitifs (chiffre au pif, y a rien de scientifique là-dedans).

Entre « amis »

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Même s’il y a du mieux, Nintendo est quand même bien bien en retard sur le multi online…
Vous vous en étonnerez peut-être, mais je parle exclusivement de Sony et de Microsoft dans cet article, écartant délibérément Nintendo du débat. Non pas que leurs consoles soient uniquement destinées à des joueurs solistes, mais c’est plus du jeu multi de l’ancienne école qu’ils proposent (à deux sur un canapé pour la WiiU ou à deux sur un strapontin de métro, pour la 3DS). Il existe bien évidemment quelques jeux online (et de plus en plus même), mais ça reste cantonné à certains genres ou certaines licences. De plus, ce qui me fait parler de Réseau Social, lorsque j’évoque les PS4 et Xbox One, ce n’est pas seulement pour leur propension à nous faire jouer en ligne, mais aussi et surtout pour toutes les interactions entre joueurs que ces consoles proposent. De ce point de vue-là, la Xbox fait office de précurseur (avec la Xbox, la 360 et maintenant la One), régulièrement copiée par les Playstation mais toujours en avance sur sa génération… Pour le meilleur ou pour le pire (selon ce que vous attendez d’une machine). Microsoft a d’abord installé durablement le jeu en ligne sur consoles, puis les listes d’amis, le gamerscore (sorte d’e-réputation pour gamer) et aujourd’hui, les flux individuels où chacun est libre de diffuser un screenshot, une vidéo, voire de streamer carrément leurs parties aux vues tous. Je ne parle même pas des messages audio et textuels, du chat et de toutes les applications qui s’ajoutent les unes après les autres au fil du temps. On voit à quoi nos amis ont joué/ à quoi ils jouent actuellement, pendant combien de temps ils y ont joué, ou tout simplement s’ils sont en ligne. C’est certes pratique, mais aussi très intrusif et pas forcément très respectueux de la vie privée. Bref, rien qui ne soit bien différent de Facebook, Twitter ou autre réseau social. D’autant plus que si tout le monde a le choix de s’inscrire ou non sur ces sites, si vous voulez acheter une Xbox One pour jouer (ou une PS4, dans une moindre mesure), vous n’aurez pas d’autre possibilité que d’afficher votre vie vidéoludique à la face du monde.

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Suivez l’actualité vidéoludique de vos amis en temps réel.

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The Witcher 3, le dernier gros jeu solo qui a su me captiver.
Vous me direz que c’est le monde d’aujourd’hui qui veut ça. Un monde qui cherche à vous faire croire que votre voisin, votre boulanger ou ce vieux copain de classe perdu de vue depuis des années, sont vos meilleurs amis. Un monde qui cherche à tout prix à donner une conscience collective à une race exclusivement composée d’individus aux idées, besoins et désirs uniques et égoïstes. Et pourtant ça marche ! Vous vous amusez à voir que tel ami a joué 1.500 heures à Destiny. Vous vous invitez dans la conversation d’autrui parce que vous cherchez des personnes familières pour jouer avec vous. Vous comparez vos Gamerscore comme on compare sa bite, sa voiture ou sa femme. Ou vous matez les vidéos que vos cyber potes postent, au cas où l’une d’entre elles soit amusante ou intéressante (ce qui n’est quasiment jamais le cas). Il en va de même pour le jeu. Certes, j’ai beaucoup aimé The Witcher 3. Je me suis pas mal éclaté sur Sunset Overdrive également. Et bien sûr, je continue à saigner le mode Carrière de FIFA, en pestant à qui veut m’entendre que plus jamais ces connards de chez EA ne me reprendront à acheter leur jeu de merde… jusqu’au millésime suivant que je m’empresse de précommander. Mais pour l’essentiel, c’est bel et bien le multi qui s’octroie mes faveurs. Coop’, compétitif, MMO, tout y passe du moment que je puisse passer un peu de temps à jouer entre potes. Je pardonnerai d’ailleurs plus facilement à un jeu multi moyen, ce qui sera rédhibitoire pour un jeu solo. Et puis, ça m’évite de pleurer l’absence de scénaristes dignes de ce nom dans l’industrie du jeu vidéo. Bref, compte tenu de la trajectoire prise par ce média durant ces dix/quinze dernières années, de cette propension qu’à le monde à vouloir à tout prix rapprocher virtuellement ces gens qu’il s’efforce pourtant et paradoxalement d’isoler physiquement , sans parler de la pérennité et de la rentabilité des XboxLive/PS+ ou encore de l’avènement du Free 2 Play et de la microtransaction, il y a de grandes chances que l’omniprésence du multi dure quelques années encore ; tout comme il y a de grandes chances que cette phrase soit beaucoup trop longue… Que voulez-vous : On ne se refait pas !

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