The Vanishing of Ethan Carter, La Nalyse

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The Vanishing of Ethan Carter est enfin sorti du bois et il a les qualités pour qu’on aille voir comment il va.

La nalyse n’est pas systématiquement raccord avec l’actu, elle n’est pas objective, ce n’est pas une fiche technique, elle ne fait pas de détails ou en donne tout plein selon l’humeur, elle n’est pas faites pour influencer tes achats de consommateur fou parce qu’elle n’en tirerait aucun intérêt, elle est juste écrite pour te faire partager mes goûts à moi, ton K.mi qui t’aime (un peu comme un gosse qui fait popo et qui est fier et émerveillé de le montrer à tout le monde.)

Je vous l’introduis tout entier

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Visuellement, The Vanishing of Ethan Carter est tout simplement magnifique.
Il était une fois 8 polonais vétérans de l’industrie du jeu vidéo dont les têtes pensantes ont fondé plusieurs studios (dont People Can Fly, aujourd’hui Epic Poland). Ils décidèrent de s’associer pour créer un titre de manière indépendante sous l’égide d’une nouvelle structure créée pour l’occasion : « The Astronauts ». Une histoire comme il en existe tant d’autres à ceci près d’original qu’il y a des polonais dedans. Oui mais, vous pensez bien, si je vous en parle c’est qu’il y a autre chose. Il se trouve qu’Adrian Chmielarz, le game designer que je qualifierai – j’espère que personne ne m’en voudra – de chef créatif de la bande, fait partie des théoriciens du jeu vidéo qui n’hésitent pas à la ramener (sur Gamasutra, son blog, Twitter, chez sa boulangère etc) dans le simple but de partager, avec pertinence, ses réflexions sur le game design, la narration et j’en passe et des meilleures. Alors quand Adrian annonça que le nouveau projet de ses copains et lui n’aura rien d’un – au demeurant très bon – FPS ou d’un TPS bourrin comme il en a fait plein par le passé, mais plutôt le fier ramage d’un jeu d’aventure et d’enquête à la première personne à forte ambiance bizarro-horrifique, qui plus est implicitement susceptible d’appliquer toutes ses réflexions sur le média, moi, je suis (oui, cette phrase est beaucoup trop longue).

Le pitch dans ta potch

Vous êtes Paul Prospero, détective du paranormal, et vous débarquez sur la petite île visiblement abandonnée de Red Creek Valley suite à un courrier envoyé par un certain Ethan Carter. Le petit garçon se plaignant d’être confronté à une situation pour le moins inquiétante où toute sa famille semble dangereusement et étrangement en avoir après lui. Vous êtes sur ses traces. (Il a disparu, les anglophones l’auront tout de suite compris avec le titre du jeu…)

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Je vous préviens de suite les images de cet article vont faire très poster de chez Nature et Découverte.
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Mais c’est tellement beau Red Creek Valley… J’aimerais y aller voir ma mémé en vacances.

Attardons-nous là-dessus (enfin, moi, surtout…)

The Astronauts a ceci de particulier pour un petit studio indépendant qu’ils ont, certes, la liberté et la tension financière propre à chaque entreprise du genre, mais aussi l’expérience et le réseau de contacts d’un studio AAA. Ces derniers aspects profitent forcément à The Vanishing of Ethan Carter. Prenez les graphismes par exemple. Bien loin du minimalisme forcé des « jeux d’auteurs » habituels, The Astronauts nous sort le principe de la « photogrammetry ». Ils vous le détaillent par ici, mais pour résumer : ça donne l’un des plus beaux jeux que le monde n’ai jamais vu. Je n’en fais pas trop, croyez moi. Les décors sont juste sublimes. Je trouve la modélisation des personnages et leur animation un peu en dessous mais globalement, méga claque. J’espère que la future version PS4 annoncée dernièrement sera suffisamment bien optimisée pour que les joueurs uniquement console puissent aussi en profiter à la juste valeur du jeu. De plus, le titre faisant la part belle à l’exploration libre, autant dire que vous allez en passer du temps à vous extasier sur des brindilles, l’écorce des arbres, ou l’herbe se mouvant au gré du vent et compagnie. J’en aurais presque chialé (je suis un peu sensible en ce moment).

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Et puis c’est calme.

Mais bon, vous me connaissez, je ne me suis jamais arrêté à la technique pour apprécier à sa juste valeur un jeu vidéo. Et The Vanishing of Ethan Carter nous confronte vite à son gameplay et sa narration. Confondues de manière admirable de façon à ce qu’on ne soit quasiment jamais passif face à ce qu’on veut bien nous raconter, Adrian ne m’avait pas menti lorsque je l’ai interviewé au mois de mars dernier lorsque le jeu était encore très flou aux yeux du public : c’est le joueur qui fait se raconter l’histoire. Tout d’abord en choisissant librement où aller sur l’île pour mener sa petite enquête, quitte à ce qu’on ait l’impression de faire des sortes de quêtes secondaires qui ne le sont pas du tout (on s’en aperçoit à la fin), mais aussi en faisant de son gameplay principal un puzzle visuel et narratif. Paulo dès sont arrivée sur l’île se retrouve devant des jambes – pas les siennes, lui il n’en a pas, j’y reviendrai – découpées sur une voie ferrée désaffectée. On examine les environs, trouve un corps aux jambes manquantes gisant dans son propre sang par-là, par ici la trace flagrante d’une pierre manquante, un peu avant une petite locomotive à qui il manque la manivelle de démarrage… Une fois la totalité des éléments essentiels retrouvés, Prospero peut activer une sorte de vision parallèle qui enclenche 5 « hologrammes » fantomatiques fixes avec pour personnages principaux les intervenants de la scène de crime juste avant, pendant et juste après son aspect criminel. A nous de les remettre dans le bon ordre chronologique et d’assister une à une aux scènes cette fois animées et de comprendre ce qu’il s’est passé. Simple mais pas simpliste, intelligent et non envahissant, original et bien réalisé.

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Le premier qui me dit que ça n’a pas l’air terrible graphiquement, hé ben… Hé ben j’suis pas d’accord du tout.

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C’est beau comme en vrai.
Et pour couronner le tout, The Vanishing of Ethan Carter transporte complètement le joueur que vous êtes dans son univers grâce à une ambiance incroyable. A l’audio (musique et bruitage géniaux) et, donc, narrativement parlant. Lors de mon interview d’Adrian, il citait volontiers Lovecraft (et beaucoup d’autres auteurs adeptes du bizarre que l’on retrouve en couverture de bouquins dans une maison du jeu d’ailleurs) comme influence, ça se ressent énormément de façon presque inexplicable. Il faut y jouer. Pour les vrais, souvenez-vous des premières heures de Call of Cthulhu : Dark Corner of the Earth et vous imaginerez sans peine les sensations que j’ai parfois senties en me plongeant sur les traces d’Ethan. On dit souvent que retranscrire du Lovecraft à l’image est hyper difficile, je crois que ce petit quelque chose d’indescriptible est pourtant là. Et tout ça en mettant finalement en avant une seule chose : l’histoire. Une histoire plutôt bien écrite, bien racontée, avec une fin intéressante et qui peut sans pourtant être farfelues du tout laisser libre court à sa propre interprétation. Encore des raretés énormes dans le milieu du jeu vidéo. On regrettera peut-être sa durée bien courte (environ 4 heures sans rusher une seule seconde), mal des très bons jeux que l’on fini toujours trop vite c’est sûr, mais objectivement trop courte quand même.

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L’interface, les menus et les sous titres sont en français, pas d’inquiétude.

Adrian Chmielarz est désormais officiellement un homme de goût (il ne pouvait en être autrement avec une femme française), qui sait admirablement bien s’entourer (je parle de son équipe cette fois, pas juste de sa femme), le genre de gars dont on attend avec impatience le prochain titre. Mais Adrian ne dit pas et ne fait pas que des choses sensées. Par exemple, il justifie le fait que le héros, Paul Prospero si vous avez bien suivi, n’a ni jambes ni mains de par le fait que si on les voyait on s’identifierait moins bien et ça briserait l’immersion parce qu’on se rendrait compte que ce ne sont pas nos vrais membres. Adrian, avec tout le respect que j’ai pour toi, tu te plantes dans les grandes largeurs. Prospero a un nom qui n’est pas le mien, il a une voix qui n’est pas la mienne, il a un métier qui n’est pas le mien (d’ailleurs en parlant de ça je suis en recherche d’emploi, à bon entendeur), et pourtant je m’identifie très bien à l’histoire qu’il vit. Pourquoi ? Parce qu’elle est bien racontée et qu’elle reste intéressante jusqu’au bout. Baisser la tête et voir que je n’ai pas de jambe, que je m’appelle Paul Prospero ou Grégory K.Mizol, c’est un détail qui brise l’immersion dans un univers pourtant extrêmement soigné où chaque détail semble avoir été pensé 1000 fois jusque dans la signalisation des éléments interactifs au sein du jeu ou la façon de faire comprendre au joueur ce que le personnage pense. Sans rancune Adrian, mais nos jambes dans un jeu en vue FPS, ça fait tellement longtemps que c’est la première chose que je regarde comme révélateur prioritaire à l’immersion…

A la limite je pourrais comprendre si cette odieuse absence (oui bon j’en fais un peu trop, d’accord) était due au budget. Là d’accord. Au passage signalons que le jeu est intégralement sous titré en français et que la traduction est très bonne. Deux qualités hyper rares lorsqu’on parle de jeux indé étrangers (n’est-ce pas Telltale ?).

Les trucs à ressortir en société pour susciter de nombreux fantasmes chez les personnes de ton choix

– Tout le long du développement, The Astronauts a mis très régulièrement à jour un Tumblr : http://theastrocrew.tumblr.com/. Il fourmille d’anecdotes, de réflexions, et de coulisses de développement très intéressantes.

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Pour le 1er Avril, les développeurs ont publié sur leur site un screen de leur titre en hommage au jeu vidéo moderne. Touché.
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