The Path est un jeu d’horreur abstrait basé non pas sur la chanson « Le chemin » de Kyo, mais sur le conte du Petit Chaperon Rouge.
Un joueur averti en vaut deux
Attention, The Path est un jeu-concept assez singulier; je veux dire par là qu’il s’agit même plus d’un concept que d’un jeu qui risque de ne pas plaire à tout le monde, voire même de ne pas plaire à grand monde. Le titre de Tale of Tales s’éloigne volontairement du canevas traditionnel d’un jeu d’horreur (pas de monstres, pas d’armes, pas d’énigmes) et même du jeu vidéo tout court (pas d’action, pas de niveaux, pas de véritable histoire) pour faire vivre une expérience interactive et narrative dont le but est d’inciter à l’expérimentation et l’interprétation. La façon la plus totale d’embrasser le concept étant d’ailleurs peut être d’arrêter de lire ce test et de vivre cette expérience par soi même au risque de ne pas comprendre grand chose au début et de se trouver un peu perdu.
Le jeu commence sur un écran de sélection sur lequel il va falloir sélectionner son chaperon rouge parmi 6 filles aux ages et personnalités différentes. On se retrouve ensuite sur une route forestière alors que l’on imagine la ville au loin, de plus en plus loin jusqu’à ce que la route ne devienne plus qu’un chemin de terre. Le but du jeu nous est donné : rejoindre la maison de sa grand mère en restant sur le chemin. Il suffit alors d’appuyer de façon répétée sur avant pour la rejoindre et échouer. Et oui, il va en fait ne pas falloir respecter la consigne et s’aventurer dans la forêt.
En quittant le droit chemin et en s’enfonçant dans la forêt le joueur va rapidement s’y perdre puisque le chemin du départ va disparaître pour laisser place à une aire de jeu dans laquelle on ne peut que tourner en rond. En errant dans cette forêt infinie le personnage va pouvoir interagir avec des fleurs brillantes assez moches que l’on peut ramasser (même si je pense que cela ne sert à rien en fait), avec des objets incongrus (une télé, une voiture, une baignoire…) éparpillés dans le bois, et avec des endroits spéciaux qui semblent apparaître au milieu des arbres de façon mystique. Le véritable but du jeu va donc être de parcourir cette forêt avec tous les personnages qui vont interagir à leur façon selon leur personnalité avec leurs objets ou endroits jusqu’à rencontrer leur loup.
Le chemin de l’aiguille ou celui de l’épingle ?
Un loup qui n’est d’ailleurs pas forcément un véritable loup puisque The Path est en fait une variation allégorique et symbolique sur le thème du Petit chaperon rouge. Le jeu délaisse les détails du conte pour se concentrer sur ses thématiques de sexualité, de violence, de la fin de l’innocence de l’enfant et du passage à l’age adulte. Pour ce faire, The Path se détourne des éléments de gameplay traditionnels puisque le joueur ne contrôle pas totalement son personnage qui tout en suivant la direction qu’il lui donne marche (très lentement) ou court à sa façon en évitant les arbres avec une animation différente pour chaque fille, ce qui donne un coté très vivant au truc façon Ico. Le comble c’est que pour interagir avec les objets il faut carrément lâcher les contrôles et laisser le personnage agir tout seul (ce qui bug un peu par moment d’ailleurs).
The Path délaisse également les formes de narration habituelles en éliminant les dialogues ou les cut-scenes. Le jeu choisit une approche plus abstraite et plus poétique en distillant ses éléments narratifs par le biais des interactions, de petites phrases écrites à l’écran et de son ambiance. A défaut d’action et de frissons, The Path mise avant tout sur l’atmosphère unique qui se dégage de cette forêt fantasmagorique et de la musique hypnotique pour créer une sensation à la fois envoutante et dérangeante. Il n’y a d’ailleurs pas de véritable histoire en fait, l’expérience de chaque fille restant libre d’interprétation par le joueur puisque même les phases de fin une fois le « loup » rencontré et que l’on regagne la maison de mère-grand restent très abstraites, cette phase finale façon rail shooter étant d’ailleurs plus ou moins longue selon les objets et endroits trouvés.
Avec son absence volontaire d’action et d’histoire au sens strict du terme, The Path risque de déconcerter voire même de décevoir de nombreux joueurs dont certains pourraient même aller jusqu’à crier au foutage de gueule. Mais le concept de The Path repose une une adéquation et même une fusion entre sa narration, son gameplay et son ambiance; l’appréciation du jeu va donc reposer sur l’adhésion ou non du joueur à ce concept et sa capacité à accepter, justifier ou embrasser les choix des créateurs. Cependant même en comprenant que l’on puisse ne pas accrocher au style très atmosphérique et abstrait du jeu (qui rappelle les passages de la foret ou du lac de Silent Hill 2 je trouve) il faut lui reconnaître sa cohérence, son originalité et même son intérêt de par les idées et les questionnements qu’il apporte au média.
The Path est un jeu-concept atmosphérique et abstrait qui ne plaira pas à tout le monde, une œuvre à la fois envoutante et déconcertante pour les joueurs avides d’expériences originales.
3 Commentaires
The Path, promenous-nous dans les bois…
J’ai pas encore assez bu pour commencer à y jouer.
The Path, promenous-nous dans les bois…
J’ai été un peu déconcerté au début (d’autant que j’avais un sale bug) mais l’ambiance est vraiment prenante (entre la zik et les images de cauchemar y’a des moments presque hallucinatoires) et quand t’y réfléchis y’a plein d’idées intéressantes en plus malgré la simplicité apparente du gameplay qui résulte d’une vraie reflexion sur le média jeu vidéo.
The Path, promenons-nous dans les bois…
Personnellement, j’y ai peu joué par manque de temps et de moyens, mais j’ai regardé différents playtrough pour me donner une idée plus nette du jeu.
Je pense déjà que pour juger « l’histoire » dans toute son ampleur il faut avant tout avoir rencontré les six « loups » et joué avec les six soeurs.
Beaucoup ont polémiqué sur le fait que « Le but du jeu est ignoble, il fut conduire son personnage au viol et a la mort ». Je ne suis pas tout a fait d’accord avec cet avis. Oui, notre personnage meurs, c’est quasiment évident et pour deux ou trois des soeurs, le viol est insinué de manière plus ou moins subtile. (Plutot moins a vrai dire)
Après le « loup » est une représentation d’un trait de caractère, pas toujours un pédophile ou un meurtrier.
(Spoiler)
Par exemple, pour l’une des six soeurs, le loup est une jeune fille, cette même jeune fille qu’il est si difficile de suivre mais cette fois sa robe est rouge, non plus blanche. On peux facilement interpreter cela comme les menstruations, donc l’age adulte et la féminité. Compte tenu que la soeur en question est une sorte de garçon manqué qui refuse de grandir et nie en bloc la maturité, c’est plus une représentation de sa peur.
(Fin du spoiler)
Personnellement, j’aime l’ambiance et les graphisme, même si ces deux points ne plaisent pas a tout le monde. Le gameplay n’est pas bon a s’en arracher les cheveux ou a s’en couper les deux mains mais il est correct, malgré les interactions difficiles a mener et les actions des « loups » qui mettent un temps fou a se déclencher.
En somme j’ai bien aimé ce jeu, de plus, si on le finis avec toutes les jeunes filles, un autre chapitre est disponible, mais je n’en dirais pas plus.
Somme toute, ce jeu m’a beaucoup fait penser a une histoire, non pas que l’on écrit en jouant, mais a une histoire qui se serait déjà produite, a une reconstitution.
Comme si l’on avait retrouvé le cadavre de la jeune fille dans les bois et que l’on s’imagine ce qui lui est arrivé, qui elle a rencontré et pourquoi elle est morte.
(Quand aux insinuations de viol, ce n’est pas très étonnant au vue du conte original du Petit Chaperon Rouge)