The Last of Us, la nalyse

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Vous étiez enfermé pendant les deux dernières années dans vos toilettes, heureusement quelqu’un s’est décidé à dévisser la serrure. Vous êtes alors pris d’une envie irrésistible de lire tout ce qui concerne The Last of Us. Ce pour quoi je vous ai pondu exprès pour vous cette nalyse, la plus longue du monde.

La nalyse n’est pas systématiquement raccord avec l’actu, elle n’est pas objective, ce n’est pas une fiche technique, elle ne fait pas de détails ou en donne tout plein selon l’humeur, elle n’est pas faites pour influencer tes achats de consommateur fou parce qu’elle n’en tirerait aucun intérêt, elle est juste écrite pour te faire partager mes goûts à moi, ton K.mi qui t’aime (un peu comme un gosse qui fait popo et qui est fier et émerveillé de le montrer à tout le monde.)

Je vous l’introduis tout entier

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Le cordyceps comporte plusieurs espèces, dont celle, inévitable, en forme de bite.
Un jeu parfait, monumental, inoubliable, génial. Et des 10/10 à la pelle. C’est le bilan de The Last of Us dans la presse mondiale qui ne lésine pas sur les envolées lyriques à son sujet. Il serait facile de se ranger derrière tout ça comme il serait facile d’aller à contre courant. Je dois être quelqu’un de très facile vu que je vais faire un peu des deux…

Le pitch dans ta potch

Vous prenez les excellents films Les fils de l’homme (adapté d’un bouquin), La Route (adapté d’un bouquin), 28 Jours plus tard, le jeu The Walking Dead (adapté d’un comics), un soupçon de la saga Uncharted, vous mélangez, ça donne The Last of Us. Un road-trip post-apocalyptique aux abords très classiques, mettant en scène Joel (la cinquantaine approchante) et Ellie (14 ans) dans un survival où le monde est dévasté par le cordyceps – un champignon qui infecte les gens et les rends ultra-violents et contagieux -.

Attardons-nous là-dessus (enfin, moi, surtout…)

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Dès lors que Joel récupère le  »paquet » Ellie à livrer, le scénario ressemble pendant de nombreuses heures à  »Les Fils de l’Homme ».
Si je devais me baser sur les 10 premières heures du jeu (15 au total), mon avis sur The Last of Us serait beaucoup plus mitigé qu’il ne l’est après avoir terminé l’aventure. Ce serait resté un bon jeu, mais sûrement pas aussi grand qu’il ne l’est au final. Tout d’abord parce que – en excluant l’excellent et original prologue qui vient en plus prendre plein de sens niveau psychologie pour la suite du périple de Joel – le fil rouge du scénario est un presque calque de Les Fils de l’homme au point d’y voir un plagiat honteux. Heureusement, le nouveau chef-d’oeuvre de Naughty Dog fini par se démarquer sur les 5 dernières heures et pose sa propre patte de chien polisson.

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La relation, progressivement prenante, entre Ellie et Joel est la clé du scénario.

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L’affiche du film, que l’on croise beaucoup, est une référence à Twilight qui donne un dialogue rigolo avec Ellie (qui n’a jamais connu de cinoche).
C’est aussi durant ces 5 dernières heures que toute l’empathie construite envers Ellie nous saute à la gueule. Je la place à hauteur de celle pour Clementine dans l’immense jeu de Telltale The Walking Dead, alors que pendant 10 heures je la trouvais marrante mais je m’en foutais un peu de cette foutue mioche. C’est aussi durant ces cinq dernières heures que les repompes des récits classiques post-apocalyptiques mais en plus mesurées finissent par enfin prendre une tournure hardcore et digne du genre. Mais sans les 10 heures d’avant, ces 5 dernières seraient inutiles parce qu’elles n’auraient pas le même effet. Donc ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, l’histoire de The Last of Us est un tout, et elle est vraiment vraiment bonne. (Même si certaines choses sont parfois cousues de fil blanc, notamment la mort de Tess, franchement qui ne l’a pas vu arriver à des années lumières avant qu’elle n’arrive ?)

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Les nouvelles rencontres sont souvent mémorables.
On peut se réjouir que le studio californien s’adresse clairement à des adultes et aille là où de très rares studios ayant des moyens aussi énormes se sont aventurés. Et ce n’est sans doute (j’espère) qu’un début. Il y a du travail derrière les personnages principaux comme derrière chacune des rencontres importantes sur leur chemin, au niveau psychologique j’entends, au niveau de leur écriture. Comme tout bon récit post-apo, on se méfie des gens, ils se méfient de nous, ce n’est pas manichéen. Et ce que vivent nos deux personnages va les marquer réellement, à la différence d’un Nathan Drake ou de beaucoup d’autres personnages célèbres du jeu vidéo qui ne sont au final que des machines de guerre qui enchaînent les exploits physiques comme on enfile les slips, comme si tout était normal.

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Lors des combats, Ellie se tourne rarement les pouces, en témoigne cette brique dans la gueule que va se prendre ce type.
Uncharted d’ailleurs, parlons-en, si la saga est une invitation au voyage, The Last of Us et son road trip US dévasté touche particulièrement. Et le fait qu’Ellie découvre pour la première fois de sa vie le monde en dehors d’un camp y est pour quelque chose. La toisant du regard avec Joel, on s’émerveille avec elle de ses premiers pas dans une forêt, de la découverte d’un magasin de disques, de sa curiosité naïve vis-à-vis d’un camion de glaces « c’est vrai ça ? Y avait vraiment un camion qui vendait des glaces ? » ou d’un bateau « Tout le monde avait un bateau avant ? ». Pas débile pour autant, elle est endurcie par un vécu violent, jamais la dernière pour s’énerver ou balancer des répliques bien couillues. Le travail sur les animations est énorme comme Naughty Dog nous y a habitué. Lorsqu’on explore le décor à la recherche d’ustensiles pour crafter, Ellie ne va pas rester figer, elle va prendre appuie quelque part, s’asseoir en tailleur parterre, observer quelconque bidule qui traine, fredonner. Lors des combats elle y met du sien, frappe, poignarde, s’accroche dans le dos d’un ennemi, nous indique celui qui approche, nous offre un kit de soin. Ce sont les petits détails qui rendent crédible un personnage et un univers, ça les développeurs l’ont bien compris et restent parmi les meilleurs dans le domaine.

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Certains passages sont oniriques et touchent particulièrement Ellie.

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Et alors même qu’on voyage dans un immense couloir du début à la fin, le level design est réalisé de telle manière qu’on ne s’en aperçoit pas vraiment, on a l’impression d’être dans un monde qui existe. Le choix des villes traversées (à commencer par Boston) est d’ailleurs dépaysant même si le côté post-apo ajoute un air de déjà vu par-ci par-là. J’ai même réussi à me paumer sans savoir où aller. Même s’il y a toujours une indication visuelle discrète (un élément du décor de couleur jaune par exemple, bien mieux intégré que les briques en surbrillance qui ressortent d’Uncharted). Les interactions possibles avec un gros objet à pousser contre un mur pour grimper sont elles aussi très discrètes, ça oblige parfois à chercher et ce n’est pas un mal, c’est bien mieux qu’un gros triangle qui clignote qu’on voit à des kilomètres. Je note tout de même quelques réutilisations dans le game design, notamment les portes métalliques à ouvrir avec une chaîne ou les palettes de bois qui flottent à dégager pour Ellie qui ne sait pas nager (déguisés habilement en un running-gag de notre duo). Ce n’est pas forcément très inventif et plutôt rébarbatif à jouer.

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Crafter est essentiel, ainsi qu’un aspect du gameplay très bien pensé et immersif.
Les autres points positifs et chronophages viennent du gameplay. L’aspect survie est globalement bien retranscrit avec des munitions – presque – rares, des armes de fortunes qui se brisent, un système de craft permettant de se bricoler des choses utile et surtout un aspect infiltration, un aspect « vous êtes plutôt faibles, cachez-vous ou fuyez » omniprésent. Le feeling des armes et des dégâts encaissés est pesant, Joel vacille à chaque tir qu’il se prend, et il est capable d’en recevoir beaucoup moins qu’un Nathan Drake (au hasard) avant de clamser. Il faut dire qu’il aurait été dommage de créer une nouvelle licence pour refaire un jeu d’action, on est vraiment face à un survival. Où la violence est extrême, où le stress est ambiant, où l’incertitude de ce qui nous attend est palpable. Et cerise sur le gâteau, le titre n’est pas facile en mode normal. Les infectés ont différents type d’évolution qui demandent chacune un gameplay différent de notre part, au point que si vous souhaitez faire une partie propre où vous ne voulez ni perdre des munitions inutilement, ni perdre de la vie n’importe comment, vous allez en chier et devoir établir de brèves stratégies d’approches. Au passage, il n’y a pas de reprise de vie pour gland et vous soigner demande un temps réel de « bandage » (même si parfois la vie remonte inexplicablement après une cinématique). Le pied !

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Les phases d’action sont brutales. J’aime.
The Last of Us cherche vraiment à amener le blockbuster dans un autre monde, avec un gameplay bien plus gamer que les blockbusters (décérébrés) de ces dernières années. Et même si nous ne sommes pas face à un DayZ, ça fait du bien ! Petit bémol tout de même à l’aspect survie sur la fin, entachée par une bonne dizaine d’armes en notre possession…

Mais les deux vrais points noirs sont autres. L’I.A. des PNJ humains (alliés comme ennemis) est extrêmement médiocre. Et je pèse mes mots pour un jeu d’une telle envergure. On joue souvent la discrétion, la diversion, on se faufile sans se faire repérer (avec pour aide une touche « écoute » qui permet de localiser les ennemis faisant du bruit). C’est très bien mais quand les personnages qui nous accompagnent sont encore plus balourds qu’un homme orchestre avec 3 tambours, 2 cymbales et 6 contrebasses, ça fait tâche. Et si encore ils n’avaient pas tendance à se caler devant nous pour nous empêcher de passer ou de viser correctement une fois sur trois ce serait encore mieux. Et ça c’est quand ils ne disparaissent pas pour réapparaître lors de la cinématique.

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Les  »coureurs » ont été infecté il y a peu, ils sont prenable à mains nues mais se ruent en bande.
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Les  »claqueurs » sont dans un état avancé d’infection, aveugles, mais pas sourds. Et impossible à battre à mains nues de front.

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La furtivité est primordiale et intéressante mais l’I.A. lui fait trop souvent défaut.
Pendant ce temps dans le camp d’en face, les humains qui nous ont repéré prennent l’initiative d’essayer de nous encercler tout comme ils sont capables de se bloquer entre eux dans un escalier. Ou encore de courir dans tous les sens de façon incompréhensible comme s’ils étaient en pleine crise d’autisme. L’immersion est régulièrement totalement brisée par ces incohérences aberrantes. Il est aussi particulièrement surprenant d’avoir sacrifié toute la crédibilité de l’aspect survie – construit sur tout le jeu – sur l’autel du spectaculaire pour trois passages précis aux munitions curieusement illimitées. Un rejet d’Uncharted probablement, mais l’attente du public n’est pas la même pour un survival et un jeu d’action, même pour quelques séquencess de quelques minutes… – Au passage j’évite de m’éterniser sur les sempiternels clichés vidéoludique comme les PNJ clones à outrance, les dégâts non localisés etc, propres à tous les jeux vidéo, The Last of Us ne déroge pas à la règle –

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Au loin, un élément visuel jaune passé, c’est donc là où on doit aller. Discret, efficace.
Et pour un jeu Naughty Dog qui peaufine habituellement sa finition à mort, il est à nouveau surprenant d’avoir en prime pas mal de bugs, notamment plein de bugs de son et y compris des bugs qui obligent à recharger sa sauvegarde (ça m’est arrivé 3 fois, et pour des trucs différents à chaque fois). Bon ce n’est pas un jeu Techland ou Volition non plus, restons mesurés, mais c’est déjà dingue d’en être arrivé là pour un studio qui a un tel niveau d’exigence. De plus le jeu, magnifique, qui est un sublime porte étendard de la puissance de la PS3, souffre parfois de clipping. C’est discret mais voyant et surtout vraiment surprenant de la part du studio. Pour d’autres je ne l’aurais même pas mentionné, mais pour eux, mon deuxième studio préféré derrière Rockstar (et celui qui fera Shenmue Trilogie), qui se donne des défis de malades à chaque fois, ça me surprend vraiment.

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Joel peut saigner, c’est plutôt rare pour un héros de jeux vidéo.
Quand bien même, j’ai dévoré les 15 heures de The Last of Us en 3 sessions de jeu seulement, comme on dévorerait un bon livre. Je n’avais pas envie de lâcher la manette, envie d’avancer, de parcourir les USA avec eux, de voir qui on va être amené à rencontrer, d’assister avec plaisir aux caractères de Joel et Ellie qui se révèlent l’un à l’autre, aux nombreux moments d’anthologie, et au scénario qui fini par s’envoler pour se placer au rang de culte. The Last of Us n’est pas parfait du tout mais putain, quel jeu !

Pour conclure je tiens à déclarer tout mon amour à Gustavo Santaolalla pour la composition de la bande originale du jeu (il fut notamment responsable de celle du film Babel). Très minimaliste, intimiste, mais ce thème principal, bordel de merde, qu’est-ce que je le trouve poignant ! Je ne suis pas souvent sensible aux musiques de films ou de jeux vidéo, mais là ça m’a foudroyé. Vraiment. A chaque fois qu’il intervient dans le jeu je suis en état second, marqué. Cette musique est magnifique.

PS : Le multi oppose deux factions du solo, reprenant l’aspect survie du solo (mode écoute, méthode de soin etc) et utilisant la réanimation entre coéquipiers. Le tout pour du simili deathmatch. Largement dispensable en soi mais qui saura trouver à n’en pas douter ses aficionados, vu qu’il apporte de petits trucs au genre.

Les trucs à ressortir en société pour susciter de nombreux fantasmes chez les personnes de ton choix

– Ellie est clairement inspirée du physique d’Ellen Page même si ça n’a jamais été avoué. L’actrice a en tout cas réagit, gênée qu’on l’ai plagié alors qu’elle prête sa voix et ses traits à Beyond : Two Souls, le titre à venir de Quantic Dream.

– C’est la première fois que Gustavo Santaolalla participe au Score d’un jeu vidéo. Il a accepté très simplement et assez vite. Riche idée.

-L’idée d’utiliser le Cordyceps, champignon qui infecte les insectes, vient tout simplement d’un documentaire que Neil Druckman (directeur artistique et auteur du jeu) a vu. Il s’est alors imaginé ce que ça ferait si la maladie touchait les humains. The Last of Us était né.

– Les artistes de Naughty Dog se sont amusés à faire quelques artworks de ce qu’aurait pu être The Last of Us s’il s’était déroulé à Paris, ça donne ça :

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