Plongée au cœur d’un monde libre et ouvert

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La série des GTA a su faire de l’« open world » l’un des standards du jeu d’action moderne. Faut-il pour autant succomber systématiquement à ses appels ?

L’exception Rockstar

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Baldur’s Gate et les RPG offrent depuis longtemps déjà des mondes ouverts.
Si le principe du jeu en open world remonte au temps des bons vieux gros RPG type Baldur’s Gate, la série des Grand Theft Auto a su lui apporter la reconnaissance ; cela grâce notamment aux libertés de plus en plus grandes laissées aux joueurs. Bien sûr, il ne viendra à l’esprit de personne (ou presque) de critiquer ce choix de Rockstar pour sa série phare tant ils ont su dominer leur sujet. Toutefois, cette mécanique de jeu se voit aujourd’hui adapté à toutes les sauces. Est-ce vraiment la solution idéale pour donner aux joueurs ce sentiment d’avoir toutes les clés de leurs aventures ? Chacun se fera son idée bien entendu, mais pour ma part j’ai tendance à croire que non. Car ma vision du jeu vidéo, n’est pas de vivre une vie parallèle où je serais amené à prendre mon destin en mains, mais à vivre une histoire qui saura me transporter comme un bon bouquin ou un bon film savent le faire. Pour moi, hormis les jeux de sports ou de baston, l’histoire est au cœur de mes envies, voire des mes besoins de joueur… peut-être d’avantage encore qu’en tant que spectateur. Seulement, il faut reconnaitre qu’outre quelques développeurs de talents (dont fait partie Rockstar), peu semblent savoir raconter une histoire dans ce type d’univers.

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L’histoire de Crackdown est inexistante, mais ici au moins c’est assumé comme tel.
Et les exemples ne manquent pas : Saints Row, Crackdown, True Crime, Driver, Prototype, Just Cause, Infamous ; tous ces jeux ont en commun leur monde ouvert et leur scénario simpliste, voire pour certains, inexistant. Très souvent on se retrouve dans la peau d’un héros cliché, qui enchaine des missions clichées dans un univers cliché. Pas ou peu de travail de mise en scène, encore moins sur les dialogues et des personnages sans charisme sont l’apanage de ce type de jeux. Et même si on trouve parfois de quoi réellement s’amuser dans ces villes bacs à sable, on n’y retrouve jamais la force narrative d’un GTA. Du coup le joueur s’amuse, mais reste forcément en retrait de son aventure. Ils en détient les clés, mais il s’ennuie car n’est jamais soucieux d’en découvrir la suite, qu’il connait par cœur à l’avance. Seulement, si Rockstar y arrive, c’est que les échecs récurrents des autres studios témoignent simplement d’un manque d’expérience ou de savoir-faire, ou tout simplement d’une volonté de faire un jeu différent et assumé, comme dans le cas de Crackdown par exemple. Mais voilà, l’open world n’est plus la chasse gardée du jeu d’action et son exportation vers d’autres genres semble prouver ses limites.

Burnout Out

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Burnout froisse toujours la tôle, mais ne fait plus vibrer grand monde.
Si, parmi ces genres, on arrive à trouver quelques exceptions comme Test Drive Unlimited (Je ne parle pas des RPG qui sont coutumiers du fait depuis bien longtemps), force est de constater que les autres se sont souvent ramassés en beauté. Pour moi, il y a deux exemples flagrants qui symbolisent cette incompatibilité : C’est Burnout Paradise et Shaun White. En nous propulsant dans une ville entièrement ouverte, Criterion a tué une licence pourtant diaboliquement efficace sur la génération précédente. Tout d’un coup, en élargissant ses possibilités, Burnout perdait l’intensité et le rythme frénétique qu’on lui connaissait. A mon sens, la raison tient dans le level design qui, sur circuits fermés, atteint son paroxysme car construit de manière à offrir une expérience unique, presque millimétrée. Quand je pense à Burnout, je me souviens d’une conduite plus instinctive que réfléchie. Je me souviens de ces moments où, lâché à une vitesse ahurissante, emporté par le tempo épileptique des plus grands hits des Chemical Brothers (sur Xbox on pouvait mettre sa propre bande son), je m’étonnais que mon cœur n’ait pas lâché après être passé on ne sait comment au milieu de deux bus et trois camions. Puis soudainement, avec Paradise, je me suis retrouvé à réfléchir, à chercher ma route et à faire des cascades absurdes pour gagner des points dont, finalement, je me foutais éperdument. Mon cœur ne s’est plus jamais emballé et le jeu est tombé dans l’oubli.

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Bon, maintenant c’est fini les conneries… JE VEUX ET J’EXIGE UN NOUVEL SSX SUR PS360 !!!!
Pour Shaun White, c’est différent. En effet, le titre d’Ubisoft est une toute nouvelle licence. Du coup, ses ratés peuvent être considérés comme des erreurs de jeunesse, de l’approximation due à l’inexpérience des développeurs. Pourtant, en l’absence d’un SSX sur consoles HD (pour moi le plus grand mystère de cette génération), Shaun White avait toutes les clés en main pour s’installer sur le trône du roi de la glisse. Mais voilà, Ubi a voulu trop en faire et nous a ouvert des montagnes entières plutôt que de nous guider sur les pistes. Ce n’est tout de même pas pour rien que les circuits sont balisés aux sports d’hiver ! Ce constat amère est d’autant plus flagrant que la même licence, sur Wii cette fois-ci, s’en sortait avec bien plus d’honneur. Certes, le jeu n’atteignait pas encore le fun d’un SSX, mais le plaisir tout comme les intentions étaient là et bien réels. La raison de cette différence entre les deux supports est simple : L’un était ouvert et pseudo-réaliste quand l’autre jouait la carte du fun et des pistes fermées. Les développeurs nous amenaient alors là où ils le souhaitaient et ça marchait.

Prendre un gamer par la main

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C’est bien beau d’offrir des choix et des fins alternatives si c’est pour arriver à un alien jaune et une scène de cul sans intérêt.
Et si l’Open World n’a rien d’une solution miracle, on pourrait pousser plus avant encore l’analyse et se demander si les libertés de plus en plus données aux joueurs sont bénéfiques pour tous types de jeux. Très souvent, lorsque vous lisez des tests à droite à gauche, vous retrouvez en points négatifs la linéarité d’un soft. Certes, pour certains d’entre eux la critique est toute justifiée. Mais comme dit en préambule, pour moi le jeu vidéo doit avant tout me raconter une histoire ; de préférence intéressante. Or, s’éparpiller reste la meilleure solution à ce jour pour tout foirer ! Je ne dis pas qu’on ne peut pas faire un jeu avec une histoire forte et des embranchements de-ci de-là, je dis juste que lorsqu’on n’en maitrise pas tous les tenants et les aboutissants, mieux vaut se contenter de ce qu’on sait faire, et le faire bien. Qu’est-ce qu’on en a foutre des choix moraux ou des fins alternatives s’ils ne nous mènent à rien de bon ?

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J’ai bientôt plus d’essence… range-toi sur le coté que j’te pique ta caisse !
Alors voilà, je n’ai pas pour vocation de vouloir changer le monde et les mentalités. Mais c’est vrai que j’aimerai que les développeurs, avant de nous pondre des jeux à la pelle, se penchent d’avantage durant leurs brainstormings sur ce qu’ils souhaitent, ce qu’ils savent faire et les moyens qu’ils ont en leur possession pour parvenir à leurs fins. Sauf erreur de ma part, le joueur n’est pas développeur, le joueur n’est pas scénariste. Il n’a pas besoin qu’on lui dise : « Tiens, on te lâche ici et maintenant tu te démerdes ! » Non, il a besoin qu’on le tienne par la main, qu’on lui fasse découvrir des choses, qu’on le tienne en haleine et qu’on lui fasse ressentir des émotions à travers ces jeux qui le passionnent. Vous imaginez vous, un jeu comme Resident Evil où avant d’entrer dans Racoon City on se dit que finalement on va plutôt aller visiter la ville d’à coté, choper un hélico et balancer du napalm sur tous les zombies qui l’occupe ? Ou un Gran Turismo où, sur la grille de départ, au volant de notre modeste Citroën ZX on sortait soudainement de la voiture pour car-jacker l’Aston Martin d’à coté ? Non ?! Donc messieurs les développeurs, à l’avenir tâchez de nous brider d’avantage si vous ne savez pas faire autrement…
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