Ce mois-ci nous parlons jeux vidéo avec Stéphane D’Astous, le directeur général de l’ambitieux studio d’Eidos Montréal.
« Parlons jeux vidéo avec… » est un concept d’entretiens un peu particulier puisque si les créateurs de jeux vidéo qui y répondent changent, les questions, elles, ne changent pas. Tournant autour du média jeu vidéo et non pas autour d’un jeu en particulier, le but de ces questions est de cerner la vision des créateurs et de les comparer. C’est en quelque sorte un témoignage de ce que le jeu vidéo était, est, et de ce qu’il peut être amené à devenir selon ceux qui les font.
Un commentaire à faire ou quelque chose à ajouter au sujet du texte de ta biographie polygamerisée ?
J’aime bien souligner que mon premier diplôme universitaire fut en Design Industriel (programme de 4 ans). Pourquoi je tiens à le souligner ? Simplement parce qu’un bon designer industriel doit savoir gérer les deux côtés de la médaille (le côté création/innovation et le côté technique/réalisation). Comme le dit l’expression, nous devons pouvoir nous asseoir sur une clôture virtuelle et garder un bon équilibre entre tous les différents éléments. Note : PMP = Project Management Professional.
Sur Polygamer on se pose plein de questions vis-à-vis du jeu vidéo, par exemple comment tu expliques qu’il arrive à nous angoisser, nous stresser, nous faire réfléchir (à des énigmes surtout), nous injecter de l’adrénaline, mais qu’il nous fait rarement rire et pour ainsi dire jamais pleurer ?
C’est une excellente question! Je crois que la quête principale des joueurs est d’aller chercher des éléments d’action et de suspense en nos produits. Je crois toutefois que les éléments d’humour commencent à occuper une place de plus en plus importante (comme dans Uncharted, Portal, Left 4 Dead, etc.). Nos histoires et nos scripts deviennent de plus en plus complexes et je crois que ce n’est qu’une question de temps avant que nous retrouvions une plus grande variété d’émotions dans l’expérience des jeux vidéo.
Définitivement, je tenterai d’insérer des éléments d’humour dans le scénario. Évidemment, le côté comique « physique » serait aussi intéressant.
Imaginons que je sois bien placé chez Microsoft et Epic, j’te file la tête du développement du prochain Gears of War, t’es libre à 100%. T’en fais quoi et pourquoi ?
Drôle de question, car je connais bien Mark Rein (VP chez Epic… et un autre bon Canadien !). Nous savons tous que Gears of War 3 aura d’importantes composantes de RPG et je crois que c’est une excellente idée, car cette série qui a connu un succès « bœuf » a parfois été critiquée pour être un peu trop simpliste et pas assez profonde. Je crois que les gens chez Epic ont bien écouté le public et je crois que ça n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd…
Imaginons que je sois bien placé chez Nintendo (ouais je sais, je suis apprécié chez beaucoup de monde), j’te file la tête du développement du prochain Zelda, t’es libre à 100%. T’en fais quoi et pourquoi ?
Je dois admettre que je ne suis pas un grand connaisseur de cette grande franchise, mais je me dirais « ne tente pas de réparer quelque chose qui n’est pas brisé »…
Le sexe dans le jeu vidéo, ça sera possible un jour en occident ? (J’entends par là des jeux à caractère sexuel commercialisés strictement pour les adultes évidemment, non pas quelconques rapports bizarres avec ta console…. Ma question au-delà d’être lubrique ou ludique penche surtout à te faire causer censure et histoires uniquement pour adultes dans un jeu vidéo…)
As-tu des frustrations en tant que créateur de jeux vidéo ? Lesquelles ? Pourquoi ?
Mes seules frustrations peuvent venir de la lourdeur des politiques administratives que toutes grosses entreprises possèdent. Gérer un projet « par comité » n’est pas souvent la solution. Une autre frustration que je ressens parfois, c’est lorsqu’il y a un manque d’alignement au sein des différents groupes (ex. Dev, Marketing, Tech, QA, …) pour qu’un projet soit un franc succès.
Oui nous pouvons être nostalgiques des Pac-Man, Donkey Kong, … mais je suis plutôt un type qui regarde vers l’avant. Nous créons présentement des œuvres complètement folles, nous repoussons les limites de la technologie et de l’art interactif. Personnellement, j’aime mieux quand c’est difficile… les récompenses sont tellement plus grandes.
Parles nous d’un ou de plusieurs de tes projets que t’aurais aimé sortir mais que tu n’as pas pu suite aux refus des éditeurs ou autres soucis. Parait que chaque créateur a au moins un projet maudit de ce type dans son baluchon, est-ce le cas aussi pour toi ? Frustre nous de ne jamais pouvoir y jouer je t’en prie… D’ailleurs avec le recul t’en penses quoi de ce(s) projet(s) qui reste(nt) dans les cartons et de ce qui les y fait rester ?
Heureusement, je n’ai pas tant d’exemples à vous citer, car depuis que je travaille dans l’industrie du jeu, je crois que les jeux que nous avons stoppés le méritaient. Par contre, il y a peut-être deux projets qui n’ont pas encore vu le jour. L’un était un intéressant « sandbox » qui se voulait concurrencer GTA, mais le jeu se voulait avec plus de profondeur et de variété. L’autre était un jeu de survie dû à une série importante de catastrophes naturelles. Je ne peux en dire plus… :).
Vis-à-vis de ton expérience, t’aurais quoi à donner comme conseils à un gars qui part de zéro, les poches vides, et qui se lance dans le jeu vidéo avec dans son sac plein d’idées et d’ambition ?
Tiens bon à tes rêves, ne te décourage pas aux premiers obstacles. Suit une formation spécialisée et reconnue. Si les choses trainent en longueur, soit ouvert de commencer dans un département de QA (Assurance Qualité) comme testeur.
Est-ce que les jeux qui t’ont marqués en tant que joueur sont les mêmes qui t’ont impressionnés en tant que créateur ?
Pour te poser au moins une question un peu plus classique : Parle nous de tes projets à venir et/ou des idées que tu aimerais explorer, lâches toi.
Bien, écoutez… Nous bossons sur deux franchises totalement classiques auxquels nous espérons donner une deuxième vie ! Je crois que ces défis vont certainement nous prendre un peu de notre temps dans le futur. Nous avons aussi dans nos plans la création d’une nouvelle franchise. J’aimerais bien réussir là où beaucoup de gens se sont cassés la figure : créer un jeu de renom qui fait appels aux meilleurs éléments de l’Occident (Eidos) et de l’Orient (Square Enix).
Enfin, que penses-tu de Polygamer ? As-tu des idées pour que l’on s’améliore, des suggestions, des trucs ou des machins ?
Je trouve votre approche intéressante et rafraichissante. Peut-être penser à employer l’un de vos membres ici, au Canada, et pourquoi pas dans la merveilleuse ville de Montréal ! Vous seriez plus proche de notre studio…