Les Grands Débats du Jeu Vidéo : Hardcore vs Casual

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S’il y a bien une chose que cette génération aura particulièrement réussi (merci la Wii), c’est bien à attiser la haine des joueurs purs et durs envers les joueurs occasionnels. Mais est-ce bien justifié tout ça ?

Gamers War

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Ne venez pas me dire que les Need For Speed Bling Bling c’est du jeu pour hardcore gamer !
Le Casual Gaming ! Rarement une expression nouvelle aura pris autant d’ampleur dans le vocabulaire du joueur. D’ailleurs cette expression n’est connue que d’eux, finalement. Un peu comme pour se démarquer à tout prix d’une certaine caste de pestiférés. Vous avez déjà entendu un p’tit vieux senior (j’ai décidé de faire dans le politiquement correct aujourd’hui) s’autoproclamer : « Moi j’suis un cashoual gamer crévindiou ! » ? Non… pas plus que Nicole Kidman lorsqu’elle joue à Mario sur sa DS en buvant du Schweppes… Et d’ailleurs, c’est quoi finalement un casual gamer ? Littéralement ça se traduit par joueur occasionnel. Est-ce si terrible ? J’ai beau avoir joué toute ma vie, depuis mon plus jeune âge, aujourd’hui j’ai 34 ans, une nana, des amis, un boulot, une vie sociale… je ne joue finalement qu’occasionnellement. Bon, bien sûr mon statut de rédacteur, que ça soit en amateur pour Polygamer ou en pro pour la presse papier, et la multiplication des jeux auxquels je peux jouer sans débourser un centime, atténuent quelque peu ces propos.

Surtout que ma nana ne sera sans doute pas d’accord avec le terme « occasionnellement » et qu’avec mes amis, ça se finit souvent au Fifa, mais bref… Et puis, vous me direz que le casual ce n’est pas une définition tirée de la traduction littérale, mais d’avantage un état d’esprit. Ça regroupe le manque, voire l’absence totale de challenge, la durée de vie minimaliste, les gameplays simplistes et tous ces petits trucs qui énervent le joueur hardcore. Encore, si le casual gamer restait bien sagement dans son coin, comme ce fut le cas durant toutes ces années, à jouer au démineur sur son Windows 95/98, il n’y aurait pas de clivage. Hors, le problème c’est qu’aujourd’hui c’est lui qui dicte les règles ! C’est lui qui va faire qu’un jeu se vende ou non, car les gamers pur souche sont en minorité ! Pourtant, là encore je m’interroge. Car la Wii n’est finalement que très récente. Pourtant ça n’a pas empêché les premières et secondes Playstation de se vendre par millions. Tous ces gens n’étaient que des hardcore gamers ? Alors pourquoi des jeux comme Beyong Good & Evil, Psychonauts, Oddworld ou dans une moindre mesure, Ico ont fait un bide ? Pourquoi les Need for Speed se sont tant vendus ? Non, si le casual gaming est un terme relativement nouveau, il existe pourtant bel et bien depuis toujours. Ce qui a changé, c’est l’industrie du jeu et l’envolée spectaculaire des coûts de production qui ont amené les éditeurs à s’intéresser d’avantage à la masse de consommateurs plutôt qu’aux marchés de niche peu rentables. Mais là encore, cela vaut-il toute cette haine déversée régulièrement sur les forums ?

Nostalgie

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Au lieu d’aller au lycée, je perfectionnais mon anglais… mes premiers mots furent ‘Sub Zero Wins’
Je me souviens quand j’étais môme, je séchais le lycée pour aller jouer à Street Fighter II et Mortal Kombat dans les rades (moi qui me demandait comment j’avais fini chômeur et alcoolique…). A l’époque je te sortais un Ha-do-Ken avec le gros orteil, dos à la borne d’arcade, une clope au bec (ouais, on pouvait fumer dans les bars à l’époque) tout en sirotant un demi de Carlsberg devenu tiède. Mais aujourd’hui, je n’ai plus l’envie, ni la patience d’en faire de même… je ne trouve même que rarement le temps et l’envie de finir mes jeux. En gros, je me casualise et je l’assume totalement. La casualisation du jeu vidéo, permet aux adolescents d’hier de continuer à vivre leur passion aujourd’hui, sans pour autant y passer leur vie et leurs nuits. Alors je peux comprendre que les jeunes d’aujourd’hui, les no life ou tout simplement ceux qui ont le temps de vivre pleinement leur passion sans contrainte de temps, puissent voir d’un mauvais œil leurs jeux favoris faire fi des codes d’antan pour plaire à un public toujours plus large et, il faut bien le reconnaitre, toujours plus assisté.

L’exemple le plus concret, c’est sans doute les modes de difficulté de nos jeux, où le mode easy d’hier est devenu le mode normal d’aujourd’hui. C’est un fait avéré, mais un faux problème tant que d’autres niveaux de difficulté plus élevés restent disponibles. Prenez Bayonetta par exemple. Il peut se jouer avec un seul bouton, ce qui le rend accessible à n’importe qui. Est-ce une si mauvaise chose puisqu’il existe toujours un mode de contrôle standard et des niveaux de difficulté élevés ? A l’heure où les joueurs passent leurs temps à réclamer des suites à tout va, comment peuvent-ils se plaindre qu’un jeu cherche à tout prix à être rentable ? On dirait les joueurs PC qui râlent que le marché des consoles prend le pas sur celui des ordis alors qu’ils n’achètent jamais le moindre jeu et préfèrent les pirater. Pour coller à l’actualité, on pourrait prendre le dernier Splinter Cell pour exemple. Partout sur les forums, on crie à la casualisation de la série. Pourquoi ? Parce que l’infiltration a laissé place à l’action ? Dans ce cas, les scènes d’actions seraient plus ergonomiques pour convenir aux joueurs occasionnels. Or, c’est loin d’être le cas. Par contre, la casualisation de la série a amené les développeurs a d’avantage soigner la présentation (les objectifs en projection, les traveling en lieu et place des temps de chargement, et même le look de Sam Fisher) et l’histoire, qui apparait clairement moins froide que dans les quatre précédents épisodes réunis.

Le temps c’est de l’argent

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Un petit screen de Lob Manager 2010
Non, la casualisation est un faux problème. Et le cas Splinter Cell en est la représentation idéale. Car finalement, le problème de ce Conviction, est d’avantage liés à un problème calendaire selon moi. Son I.A. déplorable par exemple, aurait pu être réglé avec trois, quatre ou six mois de développement supplémentaires. L’ajout d’un vrai mode multi ou la possibilité de porter les cadavres pour les planquer, je suis persuadé que c’était réalisable en un ou deux mois de plus. Et même le dernier chapitre, bien ancré dans l’action pure et dure (mais bancale), laisse cette désagréable impression que les équipes d’Ubi ont rushé comme des malades pour offrir une fin au jeu tant celle-ci se démarque du reste de la campagne solo. Le problème du jeu vidéo actuellement, n’est pas la casualisation, mais bel et bien l’aspect monétaire et ce besoin constant de rassurer les actionnaires en leur assurant des revenus réguliers, notamment aux moments forts de l’année (le Printemps, la rentrée et Noël).

Comme pour toute industrie dans ce monde, l’industrie du jeu vidéo est faite de grosses multinationales contraintes aux résultats : Des entreprises gigantesques où il faut impérativement faire rentrer de l’argent, quitte à produire de la merde. Un autre cas flagrant, c’est celui de Fifa 10. Historiquement parlant, la série est toujours sortie à l’Automne. Ce n’est pas un hasard, c’est fait de sorte à ce que l’ensemble des plus grands championnats aient pu démarrer et les saisons des transferts terminées. Mais voilà, que faire lorsque un jeu, Fifa 10 en l’occurrence, est ultra bancal, buggé de partout ? Alors les développeurs vous répondent qu’ils ne peuvent pas voir tous les bugs durant leurs phases de tests… et c’est vrai. Mais qu’on ne vienne pas me dire qu’ils n’ont pas remarqué qu’ils prenaient 12 buts sur lob par match ou que le mode carrière était systématiquement entaché par des joueurs prêtés disparaissant de l’effectif, des dirigeants vous licenciant pour mauvais résultats alors que vous êtes deuxième du championnat et vainqueur d’une coupe nationale, etc. Non, le vrai problème c’est que Fifa, et d’autant plus à cause de la concurrence historique de Pro Evolution Soccer, ne pouvait pas se permettre de sortir avec un ou deux mois de retard.

Evolution

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Comment il est trop cher mon Mako… mais bon, il est trop indispensable aussi !
Mais là encore, je ne veux pas faire de procès d’intention. Certes, j’ai toujours eu ce petit coté anar’ contestataire qui pisse à la raie du système. Mais est-ce que je peux objectivement montrer ce même système du doigt quand j’achète des jeux et même du contenu téléchargeable ? Quand j’en fais l’apologie en co-fondant un site web consacré à cette industrie ? Le jeu vidéo aujourd’hui n’est plus ces petits bouts de sprites dessinés à l’arrache dans la cave de sa grand-mère et codés avec deux potes en s’empiffrant de pizzas et de bières. Le jeu vidéo est une industrie gigantesque où, pour un seul jeu AAA (ceux que, avouons-le, nous préférons tous), il est nécessaire de payer des centaines d’employés, du matos de malade, des droits à tout va et une campagne marketing de folie. Les budgets atteignent des sommes vertigineuses et nous autres, petits joueurs, nous faisons la gueule quand les éditeurs tentent de gagner de l’argent. Bien sûr qu’il y a des abus, mais peut-on réellement blâmer Microsoft de vendre des t-shirts pour son avatar ? Ou blâmer Namco Bandai pour oser vendre des skins au prix fort pour les avions d’Ace Combat ?

Personne ne vous met le couteau sous la gorge que je sache… A un moment il faut aussi que le joueur se responsabilise et choisisse d’être une vache à lait sans broncher ou de ne pas céder à la tentation, voire de boycotter. On ne peut pas réclamer qu’on nous prenne pour des adultes responsables et se comporter comme des idiots immatures. Et puis finalement, l’industrie a-t-elle réellement succombé dans le Casual à outrance ? Jamais dans l’histoire du jeu vidéo, nous n’avions eu accès à autant de productions… et de bonnes productions. Outre les gros blockbusters, on trouve toujours quelques perles typiquement hardcore gamer (Borderlands par exemple, Bioshock, Dead Rising ou No More Heroes pour ne citer qu’eux), mais surtout aujourd’hui on voit surgir tout un tas de petits studios indépendants, proposant nombre de jeux de qualité grâce aux services Xbox Live Arcade, Playstation Network et WiiWare. Des jeux comme Braid, Lost Winds, World of Goo ou Flower sont quand même bien loin de l’idée qu’on se fait du casual gaming et ils sont tous sortis l’année passée. C’est bien que la production hardcore est florissante.

Rentabilité

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Nintendo c’est des vendus ! Au moins avec le gamecube, ils ne touchaient pas les casuals gamers… ils ne touchaient personne en fait.
Pourtant aujourd’hui, pour être rentable, ces petits studios doivent se réunir en corporation, ou s’associer à de grands éditeurs, comme Electronic Arts et son EA Partners. Parce que dès qu’un jeu est vendu plus de quinze euros, les gens gueulent. Quand 2D Boys organise une opération autour de World of Goo où chacun est libre de payer ce qu’il souhaite, les joueurs choisissent en majorité de débourser tout juste la moitié d’un dollar, pour un jeu pourtant de grande qualité. Dans un ordre d’idée similaire, le marché de l’occasion n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui. Mis à part pour les trois ou quatre blockbusters comme God of War, Halo, Gears of War ou Fifa, la majorité des ventes se font sur le marché de l’occasion. Comment dans pareil cas, peut-on avoir le culot de gueuler contre la politique des éditeurs, visant à toucher un public plus occasionnel, mais bien plus enclin à consommer ? Bien sûr que 60 ou 70 euros c’est cher pour un jeu, surtout quand sa durée de vie tend à se réduire, mais quand on voit le nombre de studios qui ont du mettre la clé sous la porte à cause de ventes déplorables (et pas souvent pour les pires jeux), on peut comprendre que les éditeurs cherchent à tout prix à faire du profit ; d’autant plus dans la société d’aujourd’hui obnubilée par la croissance.

Et si je parle de tout cela, c’est pour glisser lentement vers le cas de la Wii qui, aujourd’hui dans l’esprit du joueur, est plus préjudiciable pour le jeu vidéo qu’un prêtre pédophile pour le christianisme. De partout, on voit des joueurs s’insurger du succès presque indécent de la Wii et de la profusion de mauvais jeux, développés à la va-vite. Aujourd’hui, on va reprocher à Nintendo de gagner de l’argent en touchant une cible qui était jusque là inexistante, en prétextant qu’ils ont vendu leur âme au diable ou que sais-je encore. Pourtant, si j’ai bonne mémoire, le GameCube a fait un bide retentissant, non ? Alors pourquoi tout à coup, des joueurs qui selon toute vraisemblance n’en avaient absolument rien à faire de Nintendo, s’insurgent subitement de ce changement radical de politique ? Pour moi la réponse est toute faite : Parce que le joueur est un connard égoïste qui pense que le jeu vidéo doit se cantonner à une certaine caste élitiste. Il serait temps de changer…

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