Il est temps de démonter les clichés que se traîne au pied comme un boulet, un genre aussi populaire qu’il n’est décrié : Le gacha.
Ce n’est un secret pour personne : Je suis particulièrement friand de gacha, à tel point qu’aujourd’hui le genre représente la majorité de mon temps passé à jouer. Mais au sein d’une rédaction un peu réac’ et conservatrice (jeux solo à l’ancienne, format boîte, jeux consoles uniquement…), cette passion est incomprise, voire raillée. Même au-delà de la rédaction vieillissante de Polygamer, beaucoup d’a priori tournent autour des gachas qui ne sont pas considérés comme des vrais jeux par les gamers les plus hardcore (pour ne pas dire ayatollah). Loterie, pompe à fric, jeux qui jouent tout seul, sont les arguments les plus fréquents, et il faut bien reconnaître qu’ils ne sont pas forcément faux. C’est juste que le gacha ne s’arrête pas à ça.
Une chance au tirage ? Tu peux te gratter !
Alors oui, le gacha est une loterie. C’est même l’origine du nom, puisque le gashapon c’est une lootbox physique où, contre de la monnaie sonnante et trébuchante, on obtient une capsule dans laquelle figure un lot aléatoire. En matière de jeux vidéo, et plus particulièrement de jeux mobiles puisque c’est de là qu’il vient, le gacha vous propose d’échanger de la monnaie virtuelle contre des lots aléatoires (des personnages ou des armes, la plupart du temps), avec un principe de bannière qui accroit vos chances d’obtenir un personnage mis en avant durant un certain laps de temps (15 jours/ 3 semaines en général). C’est clairement une loterie, avec souvent une garantie d’obtention après un certain nombre de tirages ; ce qu’on appelle dans le jargon « une pity ».
Ce principe de pity pousse les joueurs à jouer tous les jours. A moins que le jeu soit un pay 2 win (la plupart du temps il se casse la gueule en quelques mois), les nouveaux personnages sont relativement accessibles aux joueurs qui s’investissent dans le jeu quotidiennement. Le gacha a donc tendance à créer une dépendance chez le joueur. Et ce n’est pas moi qui trouve toujours le temps de faire mes quêtes, y compris quand je suis en vacances, qui dira le contraire. Là où ça devient compliqué, même pour les joueurs réguliers, c’est que bien souvent les gacha proposent des mécaniques qui exhortent les joueurs à tenter d’obtenir des doublons de leurs personnages préférés ; doublons qui les rendent plus forts, en leur octroyant des améliorations de stats ou de compétences. Pire, le studio MiHoYo (et d’autres après eux) ont dissociés les bannières de personnages et celles des armes. Dès lors, obtenir tous les nouveaux perso + toutes les nouvelles armes devient quasi impossible sans mettre la main au portefeuille (à moins d’avoir une chance insolente).
Le ruissellement
Alors oui, le gacha est une pompe à fric où le pognon coule à flot… mais vers le haut. Le tiercé gagnant de MiHoYo (Genshin Impact, Honkai StarRail, Zenless Zone Zero), le leader incontesté du gacha, c’est un revenu net entre 20 à 50 millions de dollars par mois, pour chacun des trois jeux (soit 100 à 150M$ in ze pocket mensuellement). C’est collossal. Pour les acteurs moins imposants du marché, les revenus d’un gacha qui se porte pas trop mal, fluctuent entre 5 et 20 millions/mois. Un Epic Seven par exemple, du haut de ses 6 ans, tourne encore en mode croisière à 4-5 M$ sans être très proactif. Difficile dès lors de nier que ces jeux sont de gigantesque machines à cash. D’autant plus que s’il existe un nombre considérable de joueurs Free 2 Play qui mettent un point d’honneur à ne pas dépenser le moindre centime, il y a des joueurs comme moi qui peuvent lâcher un 5-10 balles de temps en temps et d’autres encore, qu’on surnomme whales, qui vont claquer des fortunes (sans parler des streamers qui dépensent un max pour avoir tous les perso et pouvoir être compétitifs dans le Youtube game).
En terme de whales, il y a deux types de joueurs, voire deux types de jeu : Les gacha avec du PVP vont pousser les « baleines » à claquer un max sur les perso méta pour être parmi les meilleurs. Et cela va plus loin encore, puisque certaines guildes, sur Epic Seven par exemple (pour parler de ce que je connais le mieux), mettent leurs membres sous une pression de dingue pour obtenir des résultats. Le management toxique s’applique aussi bien dans les guildes des gacha que dans les grandes entreprises du CAC 40 et j’ai connu des joueurs que ça a littéralement traumatisé. Moins toxique mais tout aussi dépensier, le waifu collector est capable de claquer des centaines de dollars (ou d’euros) pour obtenir les perso féminins les plus sexy. Les développeurs l’ont bien compris et on trouve de plus en plus de jeux qui forcent le trait sexy, flirtant parfois avec l’érotisme, voire l’eroge, et font même passer les mécaniques de gameplay au second plan. J’avoue que je ne sais pas s’il existe le même phénomène pour ce qui est de la collectionnite des husbandos (les personnages masculins). Mais vu le succès retentissant de Love & Deep Space, j’imagine sans mal que ce soit le cas.
Actif ou passif ?
Reste l’argument le plus susceptible d’être contesté : Le mode auto. Car oui, nombreux sont les gacha qui proposent un mode de jeu automatique, où le joueur n’intervient pas dans le déroulé des combats. Mais est-ce que ça revient à dire que le jeu joue tout seul ? Cet argument a-t-il déjà été entendu dans la bouche d’un core gamer pour parler de Football Manager, par exemple ? Pourtant, les matchs se déroulent sans que le joueur contrôle les footeux sur la pelouse. Dans un gacha, c’est souvent le même principe : Les combats, et notamment le farm pour accumuler les ressources nécessaires au développement des personnages, se fait en automatique. Mais il revient au joueur de monter son équipe, avec des combattants qui ont des synergies entre eux. Il revient au joueur de pratiquer le theorycraft, à la manière d’un TCG (Trading Card Game : Pokemon, YuGiOh, Magic, Hearthstone…), pour build leurs perso avec le meilleur équipement possible. Bref le gacha, et plus particulièrement celui qui articule son gameplay sur le tour par tour, il faut le voir comme une sorte de Fighter Manager plus que comme un jeu qui jouerait tout seul.
De plus, si la plupart des gacha ont recourt à cette technique pour le farm, nombreux sont ceux (pour ne pas dire la plupart) qui proposent en sus des modes endgame plus ou moins retors qui demanderont aux joueurs de s’investir et de contrôler manuellement leurs personnages et leurs actions. Par ailleurs, cet argument tombe aux oubliettes avec la nouvelle génération de gacha, initiée par Genshin Impact notamment, qui propose de contrôler un personnage dans un environnement en 3D, voire un open world. Dès lors, le principe d’automatisation des actions est caduque et les joueurs sont obligés de contrôler leurs personnages, à la manière d’un TPS classique, y compris pour farmer. D’un point de vue personnel, c’est d’ailleurs généralement ce qui me rebute car ça demande énormément d’investissement en temps puisque le farm est manuel, quand pour un jeu avec farm auto, on peut lancer la session et faire autre chose à côté (genre bosser) pendant le temps machine.
Faux jeux
En sus de ces trois critiques quasi systématiques, on entend également souvent les core gamers arguer que les gacha ne sont pas de vrais jeux, car généralement ce sont des jeux mobiles qu’on assimile à du Candy Crush et autres Monopoly Go. Cela relève d’une profonde méconnaissance du genre. Surtout que les « petits » Summoner Wars et autre Puzzle & Dragons de l’époque (qui à mon sens sont déjà de vrais jeux, au même titre que Candy Crush d’ailleurs), sont aujourd’hui remplacés par des Genshin Impact, Wuthering Waves ou surtout me concernant, Honkai Star Rail qui met une pilule à la quasi totalité des J-RPG sortis à ce jour par les éditeurs historiques. Quand on voit les budgets, les revenus et même le contenu ou la qualité graphique de plus en plus poussée de ces jeux, difficile d’arguer que ce ne sont pas de vrais jeux. Qui plus est que pour la plupart d’entre eux, le mobile n’est plus vraiment la clé de voute du système, et ces jeux sont aujourd’hui pensés pour la Playstation et le PC, et permettent seulement d’y jouer en nomade sur des smartphone et tablettes de dernière génération. S’il s’en est désormais éloigné, Genshin Impact par exemple était une copie de Breath of the Wild à sa sortie, et il ne viendrait à l’esprit de personne de qualifier le titre de Nintendo de faux jeu. Idem pour Honkai Star Rail et ses mécaniques de combat au tour par tour, qui n’a rien à envier aux Dragon Quest et autres Final Fantasy du même genre.
D’ailleurs, non contents de proposer des mondes vastes et de plus en plus souvent en 3D, les gacha offrent également un contenu avec lequel aucun autre jeu du même genre est capable de rivaliser, qu’il s’agisse de l’histoire, des modes de jeu et bien évidemment, du nombre de personnages jouables. En fait, s’il fallait comparer les gacha aux supposés « vrais » jeux des core gamers, ce serait probablement plus aux MMORPG, avec leur contenu exponentiel, leurs sessions de farm et, il faut bien le reconnaître, leur modèle économique via l’achat de skins ou ces bonus quotidiens qui s’apparentent parfois à un abonnement (même si ça reste facultatif). D’ailleurs, à l’image des MMORPG, le gacha requiert clairement de s’investir au quotidien ; et a fortiori si on ne souhaite pas dépenser d’argent. Jouer à un MMO de manière sporadique ne vous mènera nulle part. Il en va de même pour les gacha qui vous poussent clairement à la consommation, de temps et/ou d’argent, et tout le monde n’est pas prêt à faire ces concessions, j’en conviens. Mais une chose est sûre et incontestable : le gacha a dépassé depuis bien longtemps déjà le statut de « petit jeu mobile », pour devenir des super productions aux budgets aussi colossaux que leurs revenus.
1 Commentaire
Ça fait bizarre de se faire traiter de réac’ 🙂