Ce gros moche de L., codeur dans le jeu vidéo, revient nous abreuver d’un article, fruit de sa réflexion sur un thème bien précis qu’il a choisi lui-même parce que merde on va pas tout faire à sa place. Aujourd’hui il nous parle de la loi des séries.
De nos jours en se promenant dans n’importe quel magasin de jeu vidéo on se rend compte assez rapidement d’une chose : le nombre assez impressionnant de jeux possédant un chiffre (voir un nombre) sur leur jaquette. Même si cela semble être entré assez facilement dans les mœurs des nouvelles générations de joueurs, les plus anciens (à qui on ne la fait pas aussi facilement; ils sont chiant ces vieux) s’étonnent parfois de la manière dont on tente de leur servir le même plat avec une sauce légèrement différente.
Il faut bien le reconnaître, ces derniers années, les affaires de l’industrie vidéo ludique étant ce quelles sont, la tendance est à la vente de séries. On peut facilement comprendre la logique des ‘marketeux’ derrière cette tendance, puisqu’il est toujours plus simple de vendre des jeux sous un nom qui rassure le joueur, qui suggère un gage de qualité déjà éprouvé. Et cela pourrait être louable puisque dans un monde idéal cela serait fortement profitable a toutes les parties : le joueur serait assuré d’avoir la qualité d’un jeu bien fait, grandement rassuré par la série qu’il connaît bien, et l’éditeur continuerait à mettre des Milliards de piécettes (en chocolat) plein son coffre fort. Seulement qu’en est-il dans le vrai monde ? Que garanti réellement une licence de jeu pour le joueur ? Pourquoi et comment certaines séries s’en sortent mieux que d’autres ? Peut-on encore parler de licences ou sommes nous déjà tombé dans la consommation de marques ? Obi Wan Kenobi est-il le vrai père de Luke ?
Nous autres joueurs avons tous, un jour ou l’autre, connu l’instant d’hésitation à l’annonce du ‘2’ de notre jeu préféré. Et passé les premiers moments d’excitation, on en arrive vite aux questions de fond à base de « Est-ce que ça va valoir le coup ? », ou « Pourrai-je retrouver la même expérience de jeu que durant le premier opus ? Serai-je déçu ? », et autres « Que va t-il bien pouvoir se passer alors que le héros se fait avaler par un dromadaire spatial à la fin du premier opus ? ». Il est légitime de s’inquiéter de retrouver la même qualité de jeu en achetant une suite. Le cinéma à su nous montrer que souvent un 2 n’était pas bon signe, et le jeu vidéo ne déroge pas tout le temps à cette règle. Mais la différence de public est telle que là où le cinéma devient risible au quatrième opus qui bien souvent est très très loin du contexte originale, quitte à en devenir parodique, le jeu vidéo peut aller bien plus loin en restant toujours crédible, et en fidélisant toujours plus le joueur grâce à des ficelles scénaristiques plus ou moins subtiles. Alors que des classiques comme Resident Evil (rattrapage pour les nuls) ou Gran Turismo en sont timidement à leur cinquième mouture, des jeux comme Final Fantasy et autres Tales of sortent par paquet de dix. Mais la recette est fortement différente d’un cas à l’autre. Le schéma de sortie classique d’un jeu sous licence se veut, en vulgarisant, à peu près comme cela :
Il faudra ici différencier les deux grands axes qui se dégagent de la mouvance « suite jusqu’à la mort ». D’un côté les titres comme Mario Party fidéliseront le joueur sur un gameplay unique qui ne bougera que très peu d’un épisode à l’autre tout comme la direction artistique, le scénario, ou les personnages, et d’un autre côté les titres comme Final Fantasy et autres Resident Evil qui s’emploieront a ne garder que l’univers et la trame scénaristique pour eux, renouvelant (quasiment) à chaque nouvel épisode les mécaniques de jeu comme les personnages centraux. Puis entre ces deux axes extrêmes on retrouvera la plupart des jeux, piochant librement dans l’un comme dans l’autre quitte à devoir fermer les yeux sur quelques détails pouvant choquer le fan.
Si on prend la série bien connue des Splinter Cell on remarquera que le jeu use des mêmes mécaniques durant quatre épisodes, avec un scénario toujours très proche (le gentil Sam, qui s’infiltre, tout silencieux qu’il est, pour déboîter tout le monde à grands coups de grands écart), mais que l’annonce du prochain épisode, Splinter Cell : Conviction, semble être un revirement majeur dans la mécanique globale de la série, puisque le joueur devra passer du contrôle d’un agent de la N.S.A ultra secret et surentraîné, à celui d’un clochard sans un rouble, devant gérer les foules afin de créer la confusion et d’échapper aux forces de l’ordre. Pour résumer Sam Fisher le tueur silencieux deviendra chien de berger en un épisode. Le jeu ne gardera donc que deux choses, son personnage principal, et son titre. Titre qui ici sera donc employé comme une marque puisqu’au final le « produit acheté » sera bien différent de ce à quoi le « consommateur » a été habitué durant des années. Cette conservation d’en-tête dans le but de ne pas devoir reconquérir une fois de plus le cœur des fans, qui a été durement acquis à grand renfort de nombreux opus, est très proche de ce que peut connaître le joueur de Guitar Hero. En effet les jeux Guitar Hero après Guitar Hero 3 : Legends of Rock, et à cause d’une économie ultra concurrentielle, n’ont presque plus rien à voir avec leurs titres. Là ou Guitar Hero portait merveilleusement bien son nom à ses débuts puisqu’il plaçait le guitariste au centre de l’aventure, depuis l’arrivée de RockBand, et à cause du besoin de garder ses joueurs afin de ne pas les voir partir à la concurrence, propose aujourd’hui un pack d’instrument ne limitant plus le joueur à la pratique exclusive de la guitare. Pourtant ce constat ne semble pas inquiéter le service marketing d’Activision ne changeant en rien ses formules magiques de vente, proposant ainsi de jouer à devenir un Guitar Hero quitte à le faire à la batterie.
Mais au delà de ces jeux qui changent d’orientation au fil du temps, sans se soucier de la cohérence avec leur série, on voit arriver de plus en plus de jeux destinés à connaître de nombreuses suites avant même leur naissance. Assassin’s creed, qui fut un gros succès de fin d’année 2007, a été pensé dans son histoire et sa trame de fond pour être édité en plusieurs suites, tout comme I am Alive qui avant même la sortie du premier opus a été annonce comme une licence. Mais faut-il s’inquiéter de cette banalisation de la suite sans fin ? Puisque cette « banalisation » n’est pas un fait nouveau, car dans des registres bien différents, on connaît tous et pourtant sans trop le remarquer, des jeux qui font recette chaque année alors qu’ils proposent, en leur fond, le même jeu encore et encore. Nous parlons bien ici des jeux de sports, qui depuis des temps immémoriaux ont abandonnés les chiffres pour passer aux nombres; non pas ceux des opus, mais ceux des années de sorties comme autant de millésimes pour juger si la « cuvée de cette année » est meilleure que la précédente. Par des ficelles très simples des jeux comme FIFA ou PES (parlons de foot, nous sommes en France !) se vendent par million. On y voit bien sur une mise à jour évidente des équipes, un rafraîchissement des graphismes ou des clefs de gameplay qui peuvent changer radicalement le jeu d’une année a l’autre et qui font le succès ou la chute d’un titre… mais le fond est le même et les règles comme l’histoire ne changent pas. Alors que certains crient au scandale sur des suites qui ressemblent trop à l’épisode précèdent, les jeux de sports se paient le luxe de réussir chaque année en jonglant avec la fibre de la passion et celle de la nouveauté subtile. Et le passionné ne sourcillera pas en posant ses 70 euros sur le comptoir en achetant la version année + 1 de son jeu de sport préféré. Comme quoi, miser sur la fidélité, et la passion du joueur paie, ainsi on comprend un peu mieux l’engouement de tous les éditeurs à vouloir sortir des suites encore et encore plus nombreuses.
La facilité de vente par fidélisation fait tellement d’envieux qu’aujourd’hui les éditeurs n’hésitent pas à faire le fond des placards pour miser à nouveau sur des titres que les fans pensaient perdus. Aussi on retrouve aujourd’hui des suites de jeu n’ayant pas fait parler d’eux depuis la fin des années 90 comme Fallout, Starcraft, Diablo ou encore les rumeurs sur le prochain Thief.
Les jeux uniques motivés uniquement par la passion, sans aucune idée de suite, sont-ils condamnés à disparaître ? Là ou il y a quelques années on était surpris par l’annonce d’une suite, demain nous étonnerons nous uniquement quand on n’annoncera pas de prochains opus ?
16 Commentaires
La loi des séries
Les éditeurs et leurs armadas de marketeux ne sont pas les seuls responsables de cette banalisation de la suite. Les joueurs ne sont-ils pas souvent les premiers à les réclamer ces suites ? J’en connais qui tueraient père et mère pour un Shenmue 3, Ubi bosse sur un BG&E2 qui fait suite à un bide commercial parce qu’une armée de joueurs le réclament haut et fort… et les cas similaires pullulent.
La loi des séries
Shenmue 3 est absolument totalement différent. Y a beau avoir un « 3 » derrière, Shenmue c’est un seul et unique jeu divisé en 3 parties, en 3 jeux. Et pour le coup pas 3 jeux avec 3 fins mais vraiment un seul et unique jeu divisé en 3(y a pas de fin ni dans Shenmue 1, ni dans Shenmue 2, c’est juste un chapitre qui se termine mais pas l’histoire quoi) parce qu’à l’époque y avait pas assez de capacité de stockage sur Dreamcast. Ce qui est encore plus rageant donc. Yu Suzuki ne voulait pas faire une trilogie à la base, il voulait faire un seul jeu (il avait commencé à le faire sur Saturn d’ailleurs), c’est la technique qui l’a poussé à diviser son boulot, pas le marketing.
La loi des séries
Faut pas mal parler de Shenmue faites gaffe 😀
La loi des séries
Le marketing est plus présent aujourd’hui, mais avant aussi il y avait beaucoup de suites avec toutes les licences aujourd’hui « old school »
La loi des séries
Ah je vois le genre.
M’enfin sans parler de « _placer_ici_le_jeu_douloureux_ » l’engouement des joueurs pour une suite doit il vraiment pousser les editeurs a continuer sans cesse ? je veux dire par la que dans le cas d’un BG&E le delais entre les deux episodes montre sans doute plus qu’un simple « on en a vendu 3 on continu » c’est probablement une vraie envie.
Le vrai probleme c’est qu’il y aura toujours quelqu’un pour aimer les jeux pourri et en reclamer encore et encore, t’as qu’a voir Shenmue 😀
MOUAHAHAHAHAHAHAHAH
La loi des séries
J’étais sure que K.mi nous placerait Shenmue.
La loi des séries
Il y a des suites que les joueurs réclament pour la réussite artistique du premier et t’as des bouses qui se vendent à la pelle donc les éditeurs en font des suites…à la pelle (Qui a dit Need for Speed ?). Autant un BGE ca me fait plaisir d’avoir une suite alors que quand j’entends qu’un Call of Duty 7 est en préparation ça me fait ni chaud ni froid. Juste chier en fait.
La loi des séries
Il y a aussi une difference entre 2 et 7 (la difference c’est 5 cherchez pas j’ai fait des etudes).
Meme si ce n’est qu’une partie de la reponse a la lassitude.
La loi des séries
J’pense que plus que les suites en elles-mêmes, c’est le temps de développement qui prime. Sortir un Prince of Persia dix ans après l’original, ça défonce comme idée (et ça défonce comme jeu). Même chose pour Ninja Gaiden. Par contre, lorsqu’on commence à voir une licence sortir tous les ans, ça commence à faire beaucoup. Par contre faut pas cracher sur Fifa… c’est sacré Fifa. C’est pas un jeu avec des suites tous les ans, c’est une religion avec de nouveaux dogmes chaque année. Nuance… 😀
La loi des séries
Fylo,
c’est pas parce que POP est sorti 10 ans apres l’original qu’il y a eu 10 ans de dev dessus. (je sais que tu le sais, je precise juste)
On ne le sait pas assez mais meme les jeux annuels sont developpes en bien plus d’un an ( FIFA 2010 a subit pres de 2ans de developpement ).
La loi des séries
Comme on en discutait l’autre jour L., le truc aussi c’est que pour les jeux de sport c’est une réflexion différente. Ca reprend de vrais championnats de la vraie vie et chaque année il y a une nouvelle saison dans la vraie vie aussi. Donc ça suit une plus grande logique de se taper un nouveau millésime chaque année. Après c’est vrai qu’ils pourraient proposer toutes les mises à jour (y compris de gameplay) par DLC, mais là niveau marketing je ne sais pas si ça se vendrait autant. Pour les FIFA, les PES, les NBA 2k etc, y a toujours des gens qui ne sont pas forcément sur le Live ou le PSStore, qui ne sont pas forcément gamers, et qui achètent le truc parce qu’ils connaissent de notoriété (un FIFA c’est connu par n’importe qui) et aiment ce type de sport. Les jeux de sports pour moi c’est un créneau à part dans l’industrie. Tu prendras toujours moins de risque financier à faire un bon jeu de foot (ou de basket, des sports fédérateurs dans le monde entier), qu’à faire un bon FPS, RPG ou tout autre genre de jeu. Derrière qu’il y ai une nouvelle remise à niveau chaque année je trouve ça logique, plus logique qu’une trilogie Prince of Persia. Même si en soi pour les fans que nous sommes, 70 euros pour un jeu qui n’a pas fondamentalement changé par rapport au cru de l’an dernier, c’est forcément cher. Mais la passion l’emporte comme tu l’as dit.
La loi des séries
Bah j’peux te citer un paquet de jeux qui se développent en un an, un an et demi… après je sais bien que pop n’a pas été développé en dix ans, mais ces dix ans ont permis aux développeurs de se demander, à un moment T ce qu’était pop à l’époque et ce qu’on peut en faire aujourd’hui. Forcément avec les moyens techniques évolués, les modes, les aspirations et inspirations, on trouve plus facilement matière à développer une licence dans le bon sens du terme. Alors que lorsque les développeurs se posent la question sur comment faire évoluer une série qui, au moment de commencer le développement n’est peut être même pas encore sortie dans le commerce, c’est tout autre chose. A part faire ce que font quasiment tous les studios aujourd’hui, c’est à dire la fameuse loi du « toujours plus », il n’y a jamais de grands bouleversements.
La loi des séries
@K.mi : c’est un peu faux ce que tu me racontes mon petit pere. « Tu prendras toujours moins de risque financier à faire un bon jeu de foot (ou de basket, des sports fédérateurs dans le monde entier), qu’à faire un bon FPS », je dirais… trouve moi un editeur aujourd’hui qui n’a pas de tels jeux a son catalogue et qui accepte de financer ton studio pour le dev d’un jeu de foot. C’est tellement un marche bouche par les deux autres gros que c’est quasiment impossible de sortir du lot et de se faire remarquer (on voit forcement d’autres licences plus petites dans le domaine, mais rien de tres convainquant au niveau ventes), donc sortir un jeu de foot aujourd’hui est un risque enorme. Alors qu’un FPS… bon… y’a toujours de la place pour du « unique selling point ».
@Fylo: Bien sur qu’il y a des jeux qui se dev en 3mois… mais il faut faire la part des choses, c’est pas parce qu’un jeu a ete annonce 1 an et demi avant sa sortie, qu’il a commence a etre developpe a cette epoque. Je farfouillerai dans mes fiches ce soir concernant POP mais ca m’etonnerai que le dev ait dure plus de 2 ans et demi.
La loi des séries
Nan mais t’as pas compris ce que je voulais dire. Je ne parle pas du temps de développement de pop, je parle du temps entre l’ancien jeu oldschool et les sables du temps. Un temps entre les deux jeux qui permet justement de pouvoir réfléchir à ce que la technique du moment permet de faire par rapport au précédent. A contrario d’un jeu qui sort tous les ans où la technique et la mode n’a que peu progressée.
La loi des séries
L. => C’est vrai (mon gros père) mais c’est pour ça que je te dis un « bon », la qualité est importante dans ce genre de jeux sûrement plus que dans n’importe quel genre. Un FPS moyen se vendra possiblement, un jeu de foot moyen y a très peu de chance. Si demain Ubi ou n’importe qui d’autre sort un BON jeu de foot, million-seller assuré. Après t’as parfaitement raison, pour investir dans ce style de jeu il faut cartonner sinon rien. C’est un risque.
La loi des séries
c’est surtout que ca se passe rarement dans ce sens.
A vrai dire quand un developpeur dit « ouais j’aimerais bien faire un jeu de foot » c’est l’editeur qui finance souvent des la pre-production… donc l’editeur est la meme pendant la phase decisionnelle… donc pour savoir si un jeu de foot va etre bon, malgre la bonne volonte et les idees geniale sur le papier… on ne le saura que lors de la fin de production / mise en rayon… et tout ca c’est de l’argent, et financer un tel risque, est par definition trop risque 🙂