Sept ans après un premier épisode remarqué, serait-ce enfin l’heure de la consécration pour Warhorse Studios et leur jeu de rôle médiéval affranchi de toute notion de fantasy ?
Alors que j’enchaîne les (gros) jeux en ce moment et que j’ai un backlog long comme mon bras, je ne sais pas ce qui m’a pris mais je me suis surpris à répondre à l’éditeur de Kingdom Come Deliverance 2 (ou plutôt son agence de RP) afin d’obtenir une version du jeu pour test. Pourtant, je n’ai jamais joué au 1er épisode et n’avait pas été plus hypé que ça par l’annonce ou les différentes news sorties entre temps. J’ai même récupéré le 1er gratuitement, offert sur l’Epic Game Store en fin d’année dernière, mais n’ai pas trouvé le temps ou la motivation depuis pour le lancer. Bref, rien ne laissait présager que j’allais un jour jouer à ce jeu, et encore moins que je ne pourrais plus m’en passer une fois lancé dans l’aventure. Et pourtant…
Bohemian Rhapsody

Tout commence par une petite virée à cheval : On incarne Henry, un fils de forgeron à qui il est arrivé toutes sortes de mésaventures typiquement moyenâgeuses durant le précédent opus (comprenez crimes, trahisons, vengeance, etc.). On accompagne alors un jeune noblion un peu hautain, mais ami fidèle malgré tout, dans une mission diplomatique visant à forger une alliance avec le seigneur de la région, afin de bouter hors de la Bohème (l’actuelle Tchéquie) Sigismond, roi cruel, autoproclamé et illégitime. Ce deuxième épisode étant une suite directe du premier (mais vraiment directe : Genre à la fin du 1 ils partent à cheval et au début du 2, ils arrivent à cheval), j’ai dû m’arrêter net dans ma progression embryonnaire pour mater une vidéo récapitulative de l’histoire sur Youtube (la version officielle est en anglais, mais vous trouverez plein de story récap en français en cherchant un peu). Le début du jeu est également pas mal illustré de flashback sous forme de cauchemars faits par Henry qui devraient vous donner les grandes lignes de votre aventure : En gros, vous êtes motivé par la vengeance.

D’ailleurs à propos de version anglaise, sachez que le jeu propose une version française mais qu’actuellement, elle est absolument terrifiante et parmi les pires VF que j’ai entendu dans un jeu ces dernières années. Bien conscient de cela, l’éditeur a annoncé vouloir la refaire mais compte tenu du nombre gargantuesque de lignes de dialogues (plus de 2 millions de mots), ça ne devrait pas être pour tout de suite. Du coup, j’ai basculé le jeu en version anglophone et si elle s’avère bien meilleure, elle est toutefois réservée aux joueurs à minima anglophiles (si ce n’est bilingues) car de nombreux dialogues s’affichent en mode « bulle » autour de l’interlocuteur, si bien qu’on ne pourra pas lire les sous-titres lorsque les personnages ne seront pas dans votre champ de vision ou trop éloignés. Du coup, si vous voulez plus de véracité et passer le jeu en version tchèque (ce qui est tout à fait possible), vous avez vraiment intérêt d’être attentifs aux dialogues les plus importants.

De plus, le jeu se déroulant au moyen-âge, en Europe de l’est qui plus est, les dialogues peuvent parfois s’avérer très crus, voire un peu gras et graveleux. Rien de bien méchant rassurez-vous, mais j’imagine sans mal que certains vont s’en offusquer (de toute façon, aujourd’hui y aura toujours quelqu’un pour s’offusquer, dans un camp ou dans l’autre) alors que pourtant, ça colle plutôt bien à l’univers et à l’époque. Car la particularité de ce KCD2, c’est qu’il se déroule dans un univers médiéval réaliste et même inspiré de personnages ayant existés, avec plus ou moins de véracité historique. Vous ne trouverez donc pas de trace de fantasy ici, pas de créatures maléfiques, pas de magie, mais une réalité sale, crue et dure qui ne fera aucune concession, tant dans son récit que dans son gameplay.
Dans la douleur

Bref, après un rapide tuto vous vous retrouvez à moitié à poil, blessé et traqué par une bande de brigands, et c’est ce qui va grossièrement justifier le fait que votre personnage soit soudainement devenu un gros noob, alors que je l’imagine sans mal avoir occis plusieurs dizaines de gus durant le 1er épisode. Bon, pour le côté à poil et sans le sou, ça se justifie bien. Et pour un jeu où l’équipement est une variable particulièrement importante (voire primordiale) dans la résolution des rixes, ça colle. Pour la perte d’expérience au combat c’est un peu plus tiré par les cheveux, mais en même temps il fallait bien trouver une astuce pour vous faire reprendre la progression de zéro. En tout cas, ce sentiment de gros noob vous allez bien le ressentir, voire le prendre en pleine face tant les combats s’avèrent exigeants. Pour un néophyte comme moi, je dois bien reconnaître que la marche à franchir était sacrément haute et particulièrement frustrante. Si en un contre un, c’est déjà pas une sinécure, les affrontements contre plusieurs ennemis vont rapidement vous faire hurler de rage, entre le timing des contres à apprivoiser, la mécanique relativement lente des enchaînements et l’endurance qui tombe plus vite que Neymar sur un terrain de foot, après trois ou quatre pauvres coups d’épée.

Heureusement, les combats ne sont finalement pas si nombreux (même si quand même un peu) et peuvent souvent être évités, même si cela a parfois tendance à jouer sur votre réputation. De plus, quelques maîtres d’armes vont vous permettre d’acquérir de l’expérience et vous apprendront des enchaînements spécifiques qui s’avèreront salvateurs. Je vous conseille d’ailleurs d’aller très rapidement voir l’un d’entre eux, un nomade nommé Matou, ainsi que de retrouver votre chien Cabot dans la quête dédiée, car tous deux seront d’une aide précieuse pour enfin remporter vos affrontements. Matou et Cabot s’avèreront donc les meilleurs amis de l’homme (oui, j’ai dépensé tous mes points d’XP dans la compétence Humour). Bref, si les combats à l’épée ne sont pas faciles, rassurez-vous c’est encore pire avec les arcs et autres armes à distance. Il faut dire aussi que la maniabilité à la manette est assez catastrophique, que ce soit pour tirer à l’arc ou à l’arbalète, ou encore pour le mini jeu de crochetage de serrure, qui m’aura fait péter un plomb plus que de raison (j’imagine que ça doit être plus simple à la souris, sur PC).

Là encore, le titre de Warhorse Studios est sans concession et pourra effrayer les joueurs les moins tolérants et/ou patients. Car comme bon nombre de RPG avant lui, KCD2 propose son lot de mini jeux, et outre le crochetage ou le vol à la tire, on trouvera également quelques mécaniques de craft, que ce soit en forge ou en alchimie. Cette fois-ci nulle difficulté, mais une certaine propension à vouloir proposer une expérience réaliste, limite proche d’une simulation. Dès lors, ces mini jeux ont tendance à être longs, lents et chronophages là où on souhaiterait parfois que ce soit automatisé. D’un point de vue purement personnel, c’est une mécanique que j’apprécie et sur laquelle je pourrais passer des heures, mais je comprends aisément que ce ne soit pas le cas de tout le monde. Bien évidemment, personne ne vous oblige à forger des armes ou crafter des potions, hormis à une ou deux reprises, dans le cadre d’une quête scénarisée. Mais c’est une source non négligeable d’économie, voire de revenus, et il serait dommage de s’en passer ; sans parler de l’importance de crafter des potions de soin (décoction de souci) ou d’endurance (potion de sang de chevreuil) pour vous faciliter les combats.
Exercices pratiques

Et pour se faciliter la vie, bien sûr que les armes, les armures et les potions c’est bien, mais c’est encore l’arbre de compétences qui reste le plus efficace. Car en effet, comme tout bon RPG qui se respecte, Kingdom Come Deliverance 2 propose son lot de perks qui vont vous octroyer des bonus en combat, en survie, en craft, en équitation, en éloquence, etc. En plus d’être particulièrement fourni, cet arbre de compétences est régi par un système d’XP très naturel, qui n’est pas sans rappeler les grandes heures de Morrowind. Alors certes, on ne vous demandera pas de courir et sauter pendant des heures pour prendre des points en agilité comme dans l’illustre titre de Bethesda, mais le principe reste peu ou proue le même : à savoir que plus vous pratiquerez une discipline, plus vous gagnerez des points d’expérience pour débloquer les capacités qui lui sont liées.
Et puisqu’on parle de capacités, sachez que le jeu s’articule autour de tout un tas de statistiques liées à votre personnage. Ainsi, vous améliorerez peu à peu votre Force, votre Agilité ou votre Vitalité, comme dans bon nombre de jeux avant lui, mais également votre charisme et toutes sortes d’autres bonus liés aux dialogues (réputation, éloquence, érudition…), qui vous permettront parfois d’influer sur des PNJ pour résoudre une situation donnée. De plus, KCD2 lorgne également du côté du jeu de survie, avec la notion de fatigue et de satiété, qui demandera de garder constamment un œil sur les jauges concernées. Il ne faudra pas être trop affamé, ni à l’inverse trop repu, sous peine de subir des malus particulièrement malvenus. Il en va de même pour la fatigue, qui risque de vous faire tomber inanimé si vous ne dormez jamais. De plus, dormir vous permettra de jouer sur le temps (en heures) et le cycle jour/nuit, ainsi que de sauvegarder si vous dormez dans VOTRE lit.

Le système de sauvegarde d’ailleurs, parlons-en : Ici on retrouve quelques save auto à des moments clés de vos missions. Toutefois, vous n’êtes pas à l’abri de perdre plusieurs dizaines de minutes de jeu sur une mauvaise rencontre ou un choix malencontreux, notamment lorsque vous vous baladez librement sur la map. Il est donc essentiel de penser à sauvegarder manuellement sa partie, et ce régulièrement. Pour ce faire, vous pouvez donc vous coucher dans votre lit mais aussi utiliser des potions de sauvegarde, baptisées potions de schnaps. Inutile de dire que lorsqu’on n’a pas l’habitude, c’est plutôt contraignant et il faudra prendre le reflexe d’en acheter ou d’en crafter régulièrement pour jouer confortablement. Ce principe est plutôt original et épouse bien la philosophie hardcore du titre, mais malheureusement il s’avère très vite inutile puisque le système peut être contourné en sélectionnant « Sauvegarder et Quitter » dans le menu pause du jeu, puis en relançant la partie à partir de ce nouveau point de sauvegarde (j’ai cru comprendre que ça plantait pas mal sur PC, ceci dit). A l’heure du SSD, ce n’est pas un chargement d’une vingtaine de secondes qui va nous freiner…
En robe des champs

En tout cas, j’insiste sur le fait qu’il est absolument vital de sauvegarder très régulièrement afin de ne pas perdre sa progression, que ce soit à cause d’un combat qui tournerait mal, d’une tentative de larcin qui échouerait lamentablement ou encore un enchaînement de ratage complet plus ou moins volontaire. Car en plus d’être assez difficile (notamment dans les premières heures), le jeu de Warhorse souffre d’un pathfinding qui frise parfois le calamiteux, transformant certaines séquences pourtant majeures, en une sorte de Die & Retry des plus pénibles. D’ailleurs, c’est plutôt « amusant » de constater que c’est lorsqu’il essaie de faire dans le sensationnel scripté et scénarisé, que le jeu se vautre dans les plus grandes largeurs ; là où dans sa proposition bac à sable, il brille très souvent par sa maitrise qui touche parfois au génie.

C’est d’autant plus dommage que les aventures d’Henry sont vraiment plaisantes à suivre, portées par un scénario riche en rebondissements, qui gagne en profondeur au fil des nombreuses heures qui le composent et des non moins nombreuses lignes de dialogues qui donnent de l’épaisseur à tout cela. Outre la campagne principale, le jeu est émaillé de très nombreuses quêtes annexes, pour beaucoup très bien écrites et agréables à suivre et à jouer également. Et même si certains pourront regretter le propos rendu lisse par une absence de message sociétal ou de satire politique, il faut admettre que c’est agréable aussi de vivre une aventure simple et presque naïve ; surtout en cette période noire et déprimante.

Ici l’ambiance est bon enfant, un peu à l’image de son héros d’ailleurs, baignée dans une carte postale bucolique illustrée par des environnements qui ne brilleront sans doute pas par leur technique ou par ce côté fantasmagorique et grandiloquent que peuvent parfois avoir des décors de jeux vidéo, mais dont la réalisation est tellement criante de vérité, qu’elle en devient originale. Jamais une balade en forêt au bord d’un étang n’a à ce point ressemblé à une balade en forêt au bord d’un étang ; et le plus fou dans tout ça, c’est que ça en devient presque magique. Dommage que les animations un peu rigides et les quelques bugs de textures et/ou de lumière viennent nous rappeler un peu trop souvent qu’on l’aimerait, qu’on est en face d’un RPG à la Bethesda, en bien comme en mal.
Bref, je n’attendais pas grand chose de ce Kingdom Come Deliverance 2 ; je ne m’attendais même pas à y jouer, c’est dire. Et en définitive, j’ai découvert un jeu formidable, un RPG comme je n’en avais plus kiffé depuis The Witcher 3 (et pourtant j’ai adoré Starfield. et pourtant j’ai adoré Baldur’s Gate 3), malgré ses bugs, son austérité et ses défauts. Clairement, le jeu de Warhorse Studios souffle le chaud et le froid en permanence. Et pourtant, rarement un jeu n’aura donné autant envie d’aller à l’essentiel pour dérouler l’histoire et à la fois s’écarter du chemin pour découvrir le monde et peaufiner son personnage avec des quêtes et des activités annexes. Et a priori, je ne suis pas le seul à avoir été conquis, puisque le jeu s’est déjà vendu à plus de 2 millions d’exemplaires et est devenu rentable en 24h.
Jeu envoyé par l’éditeur sur Xbox, en version disque comme à l’époque moyenâgeuse des jeux au format physique…
1 Commentaire
Tu fais chier j’ai envie d’y jouer maintenant !