Il a travaillé pour la Warner ou Pixar, sur Le géant de fer ou la série Star Wars: The Clone Wars, il est aujourd’hui sur Polygamer pour nous parler de son tout premier jeu : Insanely Twisted Shadow Planet.
Tout d’abord, êtes-vous un joueur et si oui, quels sont les jeux qui vous ont marqué ?
J’ai bien peur de vous décevoir sur ce point, car non, je ne suis pas un joueur et j’ai de piètres connaissances en la matière. Le dernier jeu auquel j’ai joué, c’était la version originelle de Doom, au début des années 90. Avant ça, j’ai joué à des jeux 8 bits quand j’étais gamin, des trucs comme Space Invaders, Pac Man et autres. En fait, depuis le début du développement d’Insanely Twisted Shadow Planet, je m’applique à rester loin des autres jeux, afin de garder une vision artistique libre de toute influence. Mon partenaire, Joe (ndlr : Joe Olson) et notre merveilleuse équipe de Fuelcell Games savent mieux que moi comment faire un grand jeu. Ils sont mon guide lorsqu’on doit mettre le gameplay en équation.
Quand on vient de l’un des plus fameux studios d’animation au monde, comment finit-on par se retrouver dans un jeu indé ? Quelles étaient vos motivations ?
J’ai passé les quinze premières années de ma carrière à travailler au sein d’un studio. J’y ai appris énormément, travaillé sur des films intéressants et noués de bons contacts. Bien que j’ai apprécié l’expérience, j’ai toujours eu envie de suivre ma propre vision. Je passais mes nuits et mes week-ends sur mes travaux personnels : J’ai fait un court métrage (Prelude to Eden), des comics (ZED), des expos (peintures, sculptures, …) et quelques livres (A search of meaning, The mystery of he, The great shadow migration, Insanely Twisted Rabbits, etc.).
En 2001, j’ai décidé que le temps était venu pour moi de devenir indépendant à temps complet, où la majorité de mon temps pourrait être dévoué à des projets plus intimes. J’ai quitté mon poste de superviseur chez Warner Bros, déménagé vers le nord-ouest et commencé à travailler sur différents projets indépendants, comme des livres, des bande-dessinées et des court métrages, en même temps que de travailler occasionnellement comme freelance pour l’industrie du film, histoire de rester à flot financièrement.
Quelques années après, grâce à ma rencontre avec Joe Olson, un vétéran de l’industrie du jeu, j’ai réalisé que le jeu vidéo pouvait m’offrir cette carte blanche pour créer mon ultime projet animé.
J’imagine que tous les artistes ont leurs maîtres, leurs influences. Pouvez-vous nous en dire plus sur les vôtres ?
En grandissant, j’ai beaucoup été inspiré par la science-fiction, les films d’animations ou de monstres, en particulier Star Wars, La planète sauvage, les Godzilla, les classiques Disney, etc. J’étais également un grand fan de comics, spécialement ceux de Jack Kirby. D’autres artistes ont eu beaucoup d’influences durant mes années de formation, comme Kandinsky, Yves Tanguy, Picasso, Chriss Foss, Angus McKie, Moebius, Steve Ditko, Oskar Fischinger, et beaucoup d’autres. Durant les dix dernières années, j’ai listé les écrivains qui ont eu une influence majeure sur mes idées et mon travail visuel. Des auteurs comme BR Bruss, Julia Verlanger, Stefan Wul, John Russel Fearn, HG Wells, Arthur C Clarke, Alfred Bester, Leigh Brackett, Edmond Hamilton, etc.
Aujourd’hui, exceptés quelques rares exceptions (Okami, Katamary, Patapon), la grande majorité des jeux qui prennent des risques artistiques sont des jeux indépendants (Braid, World of Goo, Limbo…). Qu’est-ce que ça vous inspire ?
Je trouve ça génial. Comme je le précisais plus avant, ma connaissance de cette industrie est vraiment limitée, mais à partir du moment où l’art infiltre les médias, le public en ressort toujours vainqueur.
Quand et comment avez-vous rencontré les gars de Fuelcell Games ?
J’ai rencontré Joe en 2006, après avoir travaillé sur des effets spéciaux pour un jeu de Midway. Joe et moi avons accroché tout de suite, et on a commencé à évoquer la possibilité de bosser ensemble au cours d’un déjeuner, utilisant comme point de départ le style graphique d’une série d’interludes que j’avais réalisée en 2005, Insanely Twisted Shadow Puppets. J’ai fait un tas de peintures numériques et le concept de Shadow Planet est né. Joe, avec l’aide de quelques amis, réalisa quelques prototypes basés sur mes dessins, et depuis les choses n’ont fait qu’avancer. Au fur et à mesure que le projet a progressé, Joe a assemblé une équipe d’experts du jeu vidéo, loué un local à Seattle et formé Fuelcell Games. Quelque part, ITSP a donné naissance à Fuelcell Games.
A propos du jeu en lui-même, pouvez-vous nous en dire plus sur ses spécificités ? Quelles sont les différences entre ITSP et un autre shoot’em up par exemple ?
Je ne pense pas que ITSP soit un shoot’em up. Pour moi, il s’agit d’avantage d’une expérience cinématographique interactive, où le joueur utilise différents outils pour combattre l’ennemi, résoudre des énigmes et explorer des environnements mystérieux dans une quête pour libérer son soleil de l’ombre. ITSP est une fusion entre l’art, l’animation classique, un sound design novateur et un gameplay captivant. Nous souhaitons que l’expérience soit la plus proche possible de celle d’un film. C’est pourquoi vous ne verrez pas de mini-map ou de barre de vie à l’écran. L’équipe de Fuelcell est vraiment composée de maitres en la matière. Ils savent que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour apporter une vision unique tant sur le plan artistique que pour l’animation, et réciproquement ils font tout ce qu’ils peuvent pour créer une expérience de jeu aussi imprévisible que fun et addictive.
Dans l’une de vos interviews, vous dites de ITSP qu’il s’agit de l’un de vos projets les plus excitants. Cela pourrait-il être une source de motivation pour continuer votre carrière dans cette industrie ensuite ?
Pour le moment, je cours le marathon qui me sépare de la ligne d’arrivée et il est compliqué de penser à l’avenir tant que nous ne sommes pas sûr que le jeu sera fini à temps. Ceci dit, je prends énormément de plaisir à faire ITSP avec Joe et l’équipe de Fuelcell et je suis prêt à continuer dans cette industrie, du moment que j’ai le droit à de longues vacances entre deux projets.
Par le passé, il y a toujours eu une sorte de rivalité entre les jeux vidéo et le cinéma. Aujourd’hui, ils semblent grandir ensemble et parfois même, être complémentaires. Vous qui avez travaillé dans les deux industries, que pensez-vous de leurs futurs respectifs ? Pensez-vous qu’ils peuvent, à termes, émerger en un seul et même média ?
Je l’espère, et ITSP est un pas vers cette fusion. Dans mon esprit, je crée un film. C’est juste que c’en est un interactif. Joe et Fuelcell eux, créent un jeu. Nos deux agendas se complètent l’un l’autre et évoluent vers une même voie harmonieuse et symbiotique. La technologie a évoluée au point qu’on peut commencer à penser en termes de films interactifs. Et j’espère que les créateurs, qu’ils s’agissent de game designer ou de réalisateur de films, cessent de placer des barrières et des contraintes là où il ne devrait pas y en avoir.
1 Commentaire
Interview de Michel Gagné
Je le répète à chaque fois mais ITSP a une direction artistique absolument magnifique. Sinon c’est plutôt rare qu’un créateur de jeu vidéo ne soit pas du tout gamer, au moins on est sûr que ça sera original. Sinon je suis curieux de voir ce que ça donne niveau narration avec des propos du genre « pour moi je fais un film, sauf qu’il est interactif ».