En 2010, Playdead frappait un grand coup avec Limbo, et entrait de pleins pieds dans le cercle fermé des studios indépendants les plus éminents. Six ans plus tard, le studio danois enfonce le clou avec un titre qui fera tout simplement date dans l’histoire de ce média.
Annoncé à l’E3 en 2014, Inside est l’un de ces rares gros jeux indés encore exclusif à la Xbox One (et PC). Alors, Microsoft a-t-il colmaté les fuites à grands coups de dollars ou Playdead fait-il réellement partie de ces quelques studios à être restés fidèles à ceux qui leur ont ouvert la porte du marché console ? Difficile à dire, mais le fait est que le jeu ne devrait pas sortir tout de suite chez la concurrence. Ceci dit, Limbo étant finalement arrivé sur toutes les machines possibles et imaginables, smartphones compris, il y a de grandes chances qu’à termes, celui-ci suive le même chemin. D’autant que les similitudes entre les deux titres sont légion. En effet, à l’instar de Limbo en son temps, Inside nous plonge directement au cœur du jeu, sans s’encombrer d’un quelconque tutoriel. Il faut dire aussi que les commandes sont on ne peut plus simples (et devraient donc parfaitement s’adapter au tactile des téléphones et tablettes) : Le stick pour se déplacer, le bouton A pour sauter et le X pour utiliser. C’est tout. Sitôt le menu titre passé, on se retrouve donc instantanément parachuté dans l’inquiétant univers du jeu, sans une quelconque introduction pour nous mettre en condition.
On y incarne un jeune garçon qui vraisemblablement fuit quelque chose ou quelqu’un. Passé la première balade bucolique en forêt, on comprend très vite qu’hommes et chiens en ont après nous, mais on ne sait trop pourquoi. Petit à petit, on découvre un monde à l’agonie, désert, principalement animé par des hommes et des femmes réduits à l’état de pantins articulés sous l’égide d’une caste élitiste et minoritaire. Tout du moins, c’est ce que j’en ai compris, car totalement muet et sans l’ombre d’un texte, Inside distille son scénario torturé par le seul visuel. Il laisse alors libre court à l’interprétation de chacun. J’éviterai de trop m’étendre sur ce sujet pour vous laisser le plaisir de la découverte, mais je vous conseille grandement de consommer toutes sortes de drogues, et en grande quantité, pour vivre pleinement l’histoire de ce jeu ; et notamment sa fin très… particulière. Et si le titre se fait avare en explications, il arrive tout de même à nous happer et nous maintenir en apnée grâce à son rythme savamment étudié, où exploration, plateforme et puzzle se marient de façon naturelle.
Tout cela est servi par un environnement absolument sublime empreint d’une certaine sensibilité, jouant à merveille sur les éclairages, la profondeur de champs et les avant et arrière-plans inquiétants pour installer une atmosphère glauque, pesante ; voire étouffante par moment. La 3D apporte d’ailleurs beaucoup à la crédibilité de cet univers, tout comme le moteur physique affectant le héros et les éléments du décor, même si le gameplay ne s’articule lui qu’en deux dimensions. Les énigmes n’en sont alors que plus réussies, grâce à une lisibilité parfaite qui rend leur résolution presque instinctive. Certes, quelques-unes d’entre elles vont triturer vos méninges plus que de raison, mais on ne bloquera jamais bien longtemps tant elles se veulent logiques. La frustration n’a alors pas sa place dans Inside. Et si le jeu est sans doute moins retors que Limbo ou d’autres titres du genre, ça ne me parait pas être un problème. En effet, ce qu’on perd en challenge, on le gagne en rythme et en storytelling à mon sens. D’autant que les plus acharnés pourront toujours s’amuser à retrouver toutes les pièces secrètes dissimulées çà et là dans les niveaux, qui débloqueront autant de succès… et une fin alternative. Cette quête annexe facultative permettra alors de gonfler un peu la difficulté, tout comme la faible durée de vie du titre, puisqu’il faudra moins de quatre heures pour parvenir au générique final. A 20 euros, et malgré l’excellence du produit, ça ne manquera pas de faire grincer des dents.
Bref, clairement avec Inside, Playdead nous fait du Playdead tant les similitudes avec Limbo sautent aux yeux. L’abandon du noir et blanc ne transforme pas le monde en un feu d’artifice de couleurs et si le Die & Retry un peu trop prononcé de leur précédente production a beaucoup moins cure ici, il n’en reste pas moins un jeu cruel et expéditif qui réduira vos espoirs à néant au moindre faux pas. Toutefois, s’ils ne prennent effectivement pas beaucoup de risques en restant dans la continuité de leur précédente production, on sent que les développeurs maîtrisent complètement leur sujet et subliment leur concept avec une certaine maestria. Mieux construit, mieux raconté, plus joli et plus angoissant, Inside représente un peu l’aboutissement du travail que le studio a commencé avec Limbo. Difficile alors de leur reprocher une quelconque frilosité quand la copie rendue est aussi parfaite. Car qu’on ne s’y trompe pas : On tient avec Inside, tout simplement l’une des plus grandes réussites ludiques et artistiques de ces dernières années…
1 Commentaire
Inside, voit la vie en gris
« Et notamment sa fin très… particulière. » C’est peu de le dire. Mais vraiment un jeu top. Surtout à 10€ en solde actuellement.