Après le cuisant échec de Future Soldier, Ubisoft tente de réanimer la licence Ghost Recon, en envoyant la célèbre force spéciale foutre le bronx en Bolivie.
Ce Ghost Recon Wildlands, on l’a fantasmé à la rédac’. Au rythme des infos et des vidéos de gameplay que l’éditeur français publiait, l’espoir de revoir cette licence chère à nos cœurs renaître de ses cendres, grandissait. Jusqu’à la bêta en février dernier, qui piétina nos attentes et fît vaciller nos convictions. Une déception qui se confirmera par la suite, à la sortie définitive du titre.
Après quelques heures de jeu en coop’, le constat était alors amer : Un gameplay perfectible, une I.A. aux fraises, un monde ouvert ennuyeux et une extrême répétitivité dans les missions et activités proposées eurent raison de notre enthousiasme. La plupart d’entre nous ont alors revendu leur copie ou, au mieux, la laisse prendre la poussière sur une étagère. Presque six mois sont passés depuis. La désillusion maintenant digérée, j’ai décidé de redonner une chance au jeu, cette fois en solo.
Page vierge
Faisons fi de l’historique de la licence ; comme s’il s’agissait d’un nouveau jeu à part entière. Cela m’évitera les comparaisons malheureuses, et évitera surtout de toucher à l’affect nostalgique des premiers épisodes, au début des années 2000 sur la toute première Xbox, ou plus tard sur 360 avec les Advanced Warfighter.
L’histoire est ici celle d’un commando d’élite américain, les « Ghosts », envoyé en Bolivie pour mettre fin aux agissements de la Santa Blanca, un puissant cartel producteur de cocaïne, dont les connexions avec le gouvernement bolivien menacent l’équilibre de la région.
A sa tête, le charismatique et impitoyable El Sueño, suivi de toute une cohorte de lieutenants et de « buchons », prêts à toutes les exactions pour le soutenir dans sa quête de pouvoir.
Sans être terriblement originale, l’histoire de Wildlands est plutôt intéressante sur le papier : Démanteler un cartel à l’échelle d’une nation, immergé en plein Amérique du Sud, ça fait rêver. Malheureusement, entre des vidéos pas forcément passionnantes, qu’il faut lancer soi-même en pleine partie, et quelques cinématiques plutôt mal foutues, on suit péniblement le fil scénaristique, de mission en mission, sans jamais être véritablement concerné.
Il en va de même pour nos coéquipiers, qui n’ont pas de personnalité. Qu’ils soient contrôlés par l’I.A. ou par les joueurs, Ubisoft n’a pas jugé bon d’en faire des personnages. Après tout, ce sont des soldats. Ils tirent, ils tuent et ils racontent des anecdotes ou font des blagues plus ou moins drôles. C’est tout. Pire, il en va de même pour l’intégralité des PNJ. A part El Sueño, véritablement charismatique, tous les autres personnages rencontrés sont incolores, inodores.
Monde entre-ouvert
Après tout, on est dans un Tom Clancy. Ça se saurait si les jeux estampillés du nom de l’auteur avaient une quelconque qualité d’écriture. Bref, on fait table rase de la licence et on oublie le scénario aussi. On part dans un pays exotique buter plein de méchants. C’est tout ce qu’il faut retenir. Le problème, c’est que même lorsqu’il s’agit de buter du méchant, c’est mal foutu.
Passons les quêtes annexes redondantes qui font du remplissage sur la gigantesque map du jeu ; c’est un poncif de l’Open World. Mais même lorsqu’il s’agit des missions principales, on ne voit poindre aucune originalité, aucun script retentissant qui vient vous foutre un coup de pression, aucune mission d’anthologie qui vous fait ressentir que vous n’êtes finalement que quatre gus contre un putain de pays et tout ce qu’il compte de soldats, de criminels et de mercenaires. Non au lieu de ça, on nous refile une accumulation de mission à la Far Cry, avec un camp à prendre d’assaut non sans avoir fait un petit repérage au drone au préalable, pour pointer tous les ennemis présents sur la zone.
C’est un problème récurrent chez Ubisoft (et quelques autres). Plus que jamais, n’est pas Rockstar qui veut. L’éditeur franco-canadien s’entête, titre après titre, année après année, à nous pondre des jeux d’action en Open World : Assassin’s Creed, Watch_Dogs, The Division, Ghost Recon, que des jeux ouverts remplis ras-la-gueule de missions dénuées d’intérêt, de personnages dénués de personnalité, d’histoires dénuées de scénario. La formule est toujours la même, sans jamais être remise en question. Et pour cause, nombreux sont les joueurs qui la valident en achetant, épisode après épisode, les jeux d’action Open World d’Ubisoft (moi le premier d’ailleurs).
La raison à cela est simple. Ils sont sacrément doués pour faire illusion. Une map gigantesque, des graphismes plutôt chouettes (surtout compte tenu du gigantisme de l’aire de jeu), une construction très RPG des personnages principaux, avec loot et rewards à plus savoir quoi en foutre et, il faut le reconnaître, quelques très bonnes idées disséminés çà-et-là qui fait que leurs titres ne sont jamais foncièrement mauvais. On se dit toujours : « Putain, c’est une super idée ça. Franchement c’est dommage, il ne leur manquait rien pour faire quelque chose de chouette ».
Du coup, plutôt que de leur coller une étiquette d’incapables qui essorent leurs licences et traient leurs fans, façon Electronic Arts ou Activision, on leur colle celle des Bisounours, qui sont comme les autres mais ils ne le font pas exprès. Ubisoft en fait, c’est le Barca (vous m’excuserez cette référence footballistique qui n’a rien à foutre ici).
Vous l’aurez compris, Ghost Recon Wildlands ne fait pas exception. L’aire de jeu est sans doute la plus grande, mais aussi et surtout la plus variée jamais parcourue auparavant, que ça soit à bord de toutes sortes de voitures, motos, bateaux, avions ou hélicoptères. On passe alors de la jungle au désert, aux villes et villages, aux marécages, aux montagnes enneigées ou encore à l’impressionnante mer de sel. On s’y croirait, d’autant que le cycle jour/nuit et le climat changeant vient accentuer encore d’avantage la véracité de cet environnement. Manque seulement une faune plus dense et plus interactive (je m’attendais à me faire attaquer par un croco ou un félin, comme dans Far Cry 3), mais c’est vraiment pour pinailler.
Lock Academy ®
La construction du personnage est intéressante aussi, entre l’arbre de compétences et d’équipement, et les différentes armes à collectionner, toutes personnalisables tant dans l’esthétisme que dans les accessoires. Seul hic, les armes n’étant pas encore débloquées vous indiquent clairement dans quelle région vous pourrez les trouver. Dès lors, on fait rapidement une pause dans notre progression pour aller les chercher et on se retrouve avec un équipement final au bout de dix heures de jeu seulement. Les autres armes n’étant alors là que pour faire du remplissage. On perd alors ce plaisir inhérent à la découverte d’une arme supérieure à la nôtre. C’est pourtant la base d’une mécanique de loot et de l’addiction qu’elle procure.
Côté gameplay, on retrouve le principe de lock de Future Soldier, repris dans Far Cry 3 et ses skins (4, Primal et 5), ainsi que dans le futur Assassin’s Creed Origins si j’ai bien suivi/compris (j’avoue que dès que ça parle Assassin’s Creed, j’ai tendance à piquer du nez). J’en suis pas spécialement fan, même si dans le cas d’une escouade de forces spéciales américaines, c’est un peu plus crédible que lorsqu’il s’agit d’un gus de l’Egypte antique ou d’un jeune Springbreaker en vacances sur une île tropicale. Le problème, c’est que le jeu va jusqu’à clairement vous dire qu’il reste des ennemis non lockés, en coloriant la mini-map de grosses tâches rouges. On ne pouvait pas d’avantage vous prendre par la main.
Ceci dit heureusement car les gunfights sont expéditifs, et pas à votre avantage. La mort vous tombe dessus à une vitesse phénoménale dès que vous êtes repérés. Et ce d’autant plus que vos coéquipiers ont un Q.I. de moule, parmi ce qu’on a vu de pire dans un jeu vidéo de cette envergure. C’est bien simple, ils peuvent se tenir debout au beau milieu du chemin, à deux mètres d’un adversaire, sans qu’aucun n’ouvre le feu, ni vos alliés, ni vos ennemis. Vous vivez à ce moment là de grands moments de solitude.
La voie de la rédemption
Le jeu force donc à l’infiltration, et quelque part c’est pas plus mal (c’est surtout dans le thème). Dommage toutefois qu’on ne puisse pas sauvegarder manuellement, pour reprendre une mission lorsqu’on est repéré ou pour éviter tout simplement de tout se retaper lorsqu’on rate une quête principale (les quêtes annexes re-pop plus tard lorsque vous échouez). Car lorsque vous êtes grillés parce qu’un simple grillage a arrêté la balle destinée au mec planté derrière, la rage monte. Mais lorsque vous échouez parce que vous écrasez par mégarde, le mec que vous essayez de choper depuis près d’une heure, vous avez envie de jeter la manette dans la télé, à défaut du visage des développeurs.
En définitive, Ghost Recon Wildlands est bourré de défauts énervants, les finitions sont faites à la tronçonneuse et le tout manque de profondeur scénaristique, de cohérence et de maîtrise. Malgré tout, j’avoue avoir passé un très bon moment à explorer les quatre coins de la Bolivie. Je pourrais difficilement dire le contraire, vu le nombre d’heures passé dessus, à dégoter le moindre collectible à la con. Contrairement à Future Soldier tout n’est donc pas à jeter, et avec plus de soin et d’expérience, la licence Ghost Recon pourrait facilement revenir au premier plan et enfin laver sa réputation entachée.
Un mot sur le mode coop :
Le jeu est jouable jusqu’à quatre en coopération ; ou plutôt devrais-je dire à quatre en coopération. Car sitôt que vous ne jouez qu’à deux ou à trois,
vous êtes amputé de possibilités tactiques, votre escouade n’étant pas étoffée d’équipiers I.A.. C’est franchement dommage, car je pense que la meilleure configuration pour profiter pleinement de l’aventure, était à deux (plus un équipier à contrôler chacun).
En effet, à quatre joueurs c’est vite le bordel. Et si on peut facilement établir des stratégies intéressantes, c’est toute l’histoire qui en pâtit, tant il est compliqué de s’y intéresser.