Après dix ans de gestation, de galères et de reports successifs, la Mecque du RPG japonais sort enfin son quinzième épisode. Fait-il honneur à ses illustres ancêtres ? Détrônera-t-il le VII dans le cœur des gamers ? Est-ce tout simplement un bon jeu ? Début de réponse…
Final Fantasy XV nous propulse dans les bottes de Noctis, prince héritier du royaume de Lucis, envoyé hors de la capitale par son roi de père pour préparer ses noces avec l’oracle Lunafreya. Accompagné de ses trois amis et gardes du corps, Gladiolus, Ignis et Prompto, il forme une sorte de boys band, arborant un look à faire pâlir Tokio Hotel de jalousie. Bref, alors qu’ils chassent du monstre avec l’insouciance de la jeunesse, mèches rebelles au vent dans leur berline royale décapotable, le Niflheim rompt le traité de paix nouvellement signé avec Lucis, met à feu et à sang la capitale et assassine le roi. Le prince nous pique alors sa crise d’adolescent en apprenant que son paternel, bien conscient du piège que son vieil ennemi lui tendait, l’a envoyé loin de la capitale pour le protéger, au mépris du danger qui le menaçait. Il se met alors en quête des armes fantômes de ses illustres ancêtres, afin de récupérer l’anneau de Lucis, son trône, sa ville, sa femme (enfin, future femme) et botter au passage les fesses du Niflheim et de son armée de soldats mécaniques. Une histoire pas bien originale, vous en conviendrez, mais plutôt efficace (c’est d’ailleurs sans doute pour ça qu’elle est si cliché). Toutefois, notez qu’il est préférable d’avoir vu KingsGlaive, le (très chouette) long-métrage en images de synthèse servant de préquelle, afin de bien comprendre tous les tenants et les aboutissants du scénario, tant la situation politico-militaire n’est que survolée dans le jeu, les prémices de l’histoire un brin expédiée et les cinématiques qui la clairsement étrangement avares en détails et informations, comme s’il en manquait tout un pan.
Avec ce nouveau chapitre, la saga Final Fantasy s’essaye à l’Open World si cher aux productions occidentales. S’essaye c’est le mot, car on sent que les japonais sont terriblement inexpérimentés en la matière. A l’instar des Xenoblade et autres titres du genre, le titre peine à remplir son immense aire de jeu de quêtes riches et variées, ponctuées de véritables petites histoires additionnelles (Ceci dit, à part Rockstar, CDProjekt et Ubisoft par intermittence, les occidentaux ont tout autant de mal). Ici, les équipes se contentent de reproduire en grande quantité des missions FedEx basiques et rébarbatives du type « va chercher ça là-bas », « vas tuer ce monstre ici », etc. : Un chasseur vétéran vous envoie récupérer le dog tag de l’un de ses homologues tombé au combat, vous pouvez être sûr qu’il vous le redemandera 25 fois histoire de meubler une durée de vie artificielle. Même les missions de chasse n’ont pas l’aura et la classe de celles de The Witcher 3, Far Cry (3, 4 et Primal) ou même Red Dead Redemption. Pire, les déplacements dans ce monde sont à la limite de l’insupportable, avec une voiture se déplaçant à deux à l’heure comme sur des rails (impossible de faire du hors-piste, ni même s’écarter de la route) et des temps de chargement entre deux points de téléportation horriblement longs. Heureusement, il y a les longues balades à dos de chocobo pour agrémenter les voyages, d’autant plus que celui-ci gagne en niveau au fil des heures passées juché sur son dos, lui octroyant alors des bonus et compétences de soutien et de combat.
Les combats justement, promettent d’être très tactiques et techniques. On en apprend les rudiments dans un étrange tutoriel, placé en marge de l’aventure principale (ça faisait des années que je n’avais pas vu un tuto non intégré directement en jeu). En effet, le prince et ses acolytes vont devoir varier les armes et la magie élémentaire pour profiter des vulnérabilités de l’adversaire. On y apprend également que les attaques dans le dos déclencheront de puissants combos et que la jauge de PV est doublée (l’une constituant la vie actuelle restante et l’autre la vie max qu’il est possible de remonter). Quant à la jauge de PM, nécessaire à la magie et aux pouvoirs de Noctis lui permettant, entre autres, d’esquiver automatiquement les attaques adverses, elle se recouvrera en se mettant à l’écart des combats, soit en hauteur soit derrière un obstacle. Bref, cela fait beaucoup de choses à retenir et on se dit qu’à l’instar de bien d’autres J-RPG avant lui, on finira par en comprendre toutes les subtilités avec le temps et l’expérience. Sauf qu’en définitive, après 50 heures de jeu, c’est la méthode « Je fonce dans le tas et je bourrine puisque de toute façon la caméra est trop capricieuse » qui prévaut sur toutes les belles velléités tacticiennes. Pire, on finit par ne plus utiliser la magie, pourtant très puissante, car soumise au friendly fire elle inflige de sérieux dégâts à vos alliés qui ont tendance à bêtement rusher l’adversaire… y compris quand un jeyser de feu jaillit de la parcelle de terre où il se tient. Enfin, les combats contre les boss, qui s’annonçaient impressionnants de par la taille et la puissance de ces derniers, finissent par être de bêtes rixes en god mode, ponctuées de QTE (seul Ifrit constitue un vrai challenge) ; la palme revenant à l’affrontement contre le Leviathan où pendant 5 bonnes minutes il vous suffit de button masher sans prendre un seul point de dégât. Pour le coup, une simple cinématique aurait limite été plus appréciable…
Vous l’aurez donc compris, Final Fantasy XV se traîne de nombreux et pénibles défauts comme autant de boulets à sa cheville. J’imagine d’ailleurs que la plupart seront rédhibitoires pour beaucoup de joueurs. Toutefois, je n’ai pas envie de condamner le jeu et le honnir sur la place publique comme certains ont pu le faire au moment de sa sortie. D’abord parce que je suis allé au bout de l’aventure en un peu plus de 50 heures (et encore, j’ai fini par rusher le dernier tiers pour ne pas trop retarder cette critique). Quand on sait que j’ai tendance à ne pas finir mes jeux et à lâcher dès que ça commence à me gonfler, c’est déjà un petit exploit. Ensuite parce que le titre possède aussi de belles et nombreuses qualités, que ça soit dans l’écriture, les dialogues, le chara-design, les environnements, la musique ou cet univers mêlant le monde contemporain que nous connaissons tous à la Fantasy qu’on aime. On se prend d’une réelle affection pour Noctis et sa bande. On vit pleinement son chemin de croix, de l’insouciance d’un prince à la détermination inébranlable d’un roi. On le ressent jusque dans la dualité entre l’Open World des débuts et les niveaux en couloirs de la seconde partie du jeu. Clairement, ce Final Fantasy XV avait le potentiel pour devenir un très grand jeu et régner sans partage sur le J-RPG, en empruntant aux productions de l’Occident certaines de leurs mécaniques. Certes, il s’est perdu en chemin au rythme des déconvenues et des rebondissements qu’a connu son développement. Mais que les équipes de Square ne s’y trompent pas : Ils sont sur la bonne voie. Qu’ils ne s’en écartent pas et se servent de tout cela pour nous offrir un XVIème épisode capable de mettre tout le monde d’accord.