Dragon Age : Inquisition, le RPG en mode épique

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100 heures, c’est le temps que j’aurai passé sur Dragon Age: Inquisition. Cela représente plus que le temps passé sur toute la ludothèque New Gen depuis le jour de sa sortie, jeux de sports (Fifa & NBA 2K) exceptés. C’est dire à quel point le titre d’EA a su toucher ma fibre de joueur.

Frères d’armes

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Quand on part en guerre, mieux vaut être bien entouré
L’histoire de Dragon Age : Inquisition n’a rien de bien originale. Non pas qu’elle soit foncièrement mauvaise, loin de là, mais cet enchevêtrement de démons, de trahisons, de luttes de pouvoir et d’élu parti pour sauver le monde, mâtiné de références religieuses très orientées catholicisme (jusque dans le nom du jeu), n’a rien de neuf. C’est juste un melting pot de ce qu’on a pu voir auparavant, mais ça fait son office. Plus intéressantes sont les histoires centrées sur vos compagnons, qui rejoindront votre cause chacun leur tour durant les vingt premières heures de jeu. Au départ assez insipides et sans charisme, ils deviendront presque tous assez fascinants dès lors que vous en apprendrez d’avantage à leur sujet. Il est tout de même dommage qu’avec toute l’expérience de Bioware en matière d’écriture des alliés, on n’ait encore pas droit à de véritables trahisons mélodramatiques. Même si on assiste à quelques rebondissements sympathiques (j’en ai surtout un en particulier, en tête), le développeur américain ne s’écarte jamais vraiment de l’ambiance franche camaraderie qui règne entre vos compagnons et vous. C’est dommage. Après deux Dragon Age et trois Mass Effect, je m’attendais à être un peu plus bousculé de ce côté-là.

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Vos choix plairont ou non à vos alliés, mais je ne suis pas sûr qu’on puisse se les mettre à dos…
Côté dialogues, c’est un peu le même constat. Ils sont nombreux, très nombreux, avec pléthore d’embranchements et plutôt bien écrits. Toutefois, on est un peu moins mis sous pression que dans Mass Effect, où il fallait parfois réagir rapidement, voire interrompre le dialogue de manière violente, sur une pression de la gâchette. Idem pour l’écart entre la gentillesse limite naïve et le pragmatisme dans les choix de réponses proposés. Si on peut aisément être foncièrement gentil, on ne peut malheureusement pas être foncièrement méchant, et tout est mis en oeuvre pour qu’on suive une ligne de conduite bienveillante. Enfin, à l’instar des jeux TellTales, Inquisition nous met souvent face à des choix délicats où il n’y a pas vraiment de bonne réponse… juste des plus ou moins mauvaises. Ce parti pris est plaisant, mais comme pour les jeux TellTales, les conséquences qui en découlent paraissent très relatives. Pour exemple et sans trop rentrer dans les détails pour ne pas spoiler, vous devrez à un moment choisir entre deux personnages secondaires, qui meurt et qui survit. Seulement, à l’heure de ce choix, vous avez tout le temps de la réflexion, le jeu se figeant en attendant votre réponse. Tout cela pour qu’ensuite, ce choix qui vous aura tant mis dans l’embarras, se révèle finalement anodin.

Têtes de vainqueurs

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Il est possible d’appliquer des runes à ses armes
Côté gameplay, là encore le jeu reste perfectible et souffle le chaud et le froid. Le chaud, c’est l’arbre de compétences évolutif, les coups spéciaux souvent très classes, un système de crafting particulièrement sympa ou encore des quêtes annexes comme s’il en pleuvait ; sans parler des différentes et gigantesques zones à explorer qui nous sont proposées. On peut également passer d’un personnage à l’autre à tout moment via la croix directionnelle, assigner une I.A. particulière aux alliés (protéger un autre perso par exemple, ou leur faire boire des potions de soin automatiquement, sitôt un certain pourcentage de vie restante atteint). Le froid, ce sont les animations qui font datées quand on les compare à un The Witcher (pour ne citer que lui), un système de loot aléatoire particulièrement frustrant (rien de pire que de devoir passer l’après-midi à éradiquer l’ours de la surface de la planète pour looter deux pauvres peaux), des temps de chargement interminables ou encore une vue tactique assez peu pratique. En définitive, le jeu reste vraiment oldschool dans sa construction et ses mécaniques, et seul son gigantisme nous rappelle qu’on est en 2014 (enfin, en 2015… mais le jeu est sorti en 2014).

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Certains paysages sont enchanteurs…

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… mais les environnements visités restent très classiques : Forêts, Déserts, Montagnes enneigées
Graphiquement aussi, Bioware aurait pu mieux faire. Les textures sont relativement fines et le clipping très discret, mais ne vous attendez pas à prendre la claque que nous avait mise Oblivion en son temps. Dans le même ordre d’idée, les différentes régions visitables sont assez disparates en termes de level design. Certaines sont très inspirées, voire parfois très impressionnantes. D’autres sont beaucoup moins attractives, limite fadasses. Quant au charadesign, je vous le disais en préambule, à une ou deux exceptions près, vos alliés auront toutes les peines du monde à vous impressionner. Il n’y a guère que leurs histoires, plus ou moins élaborées, qui vous feront oublier leurs physiques un brin passe-partout. Spéciale dédicace à Solas et Sera, les deux elfes du groupe, qui ne ressemblent vraiment à rien. Je comprends mieux pourquoi leur race est persécutée, vu les tronches qu’ils se payent ! Mais bon, ne dit-on pas que seule la beauté intérieure compte ?

Game of Throne

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Certaines têtes bien connues des habitués sont de retour dans cet épisode
Du coup, vous vous demandez sûrement comment un mec qui est connu pour ne jamais finir ses jeux a pu tenir cent heures sur un titre qu’il décrit lui-même comme assez moyen (si si, je sais que vous vous le demandez… ne niez pas) ? C’est la beauté de l’alchimie, la preuve qu’il ne suffit pas d’empiler des textures HD et un gameplay carré pour accoucher d’une perle (même si ça aide). Car là, en tout cas en ce qui me concerne, l’alchimie a pris. Il faut dire aussi que les bons jeux se font rares. Alors quand on en tient un, il nous saute au visage et on l’affuble de titres ronflants : Hit, perle, GOTY, tuerie, must have, etc. Je ne dérogerai pas à cette règle d’or, et intronise directement Dragon Age: Inquisition au panthéon des jeux de cette génération, quitte même à l’installer sur la plus haute marche de ce podium (rien que ça). Mais alors, pourquoi ? Qu’est-ce qui a pu à ce point me river à ma manette, les yeux plantés devant l’écran jusqu’à en pleurer ?

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Vous pouvez personnaliser votre château, des vitraux jusqu’au trône, en passant par les tentures…
Bien sûr, il y a le savoir-faire de Bioware en la matière. Il y a aussi cette légion de quêtes annexes qui font que tu as toujours un truc à faire, voire plusieurs, qui te pousse à toujours reculer le moment où tu vas éteindre ta console. Mais pour ma part, c’est cette montée en puissance qui m’a enivré. Jamais dans un jeu je n’avais eu cette sensation d’être un roi (ou tout comme), à la tête d’une armée gonflant au fil de l’intrigue ; influant aussi bien sur l’avancée militaire que sur les intrigues politiques inhérentes à ce rang. Car depuis votre table de commandement, vous enverrez vos soldats, vos espions et vos diplomates en mission régulièrement, faisant face à autant de choix dans vos stratégies, pour un résultat qui, malheureusement il est vrai, ne semble toutefois pas aussi changeant qu’il n’y parait, et se contente trop souvent de modifier le nombre de points d’influence ou le type d’items remportés. Tout cela peut-être grandement amélioré, mais c’est déjà une excellente base et me laisse assez rêveur quant au potentiel du futur Mass Effect 4 par exemple.

Safari

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La visite du palais royal tranche avec le reste de l’aventure
Et puis il y a les missions jouables. Nombre d’entre elles se contentent de basiques poutrages d’ennemis, d’objets à aller chercher ou à apporter, mais d’autres sont bien plus plaisantes à jouer. Le studio nord américain a même eu l’intelligence et le courage de nous planter une bonne grosse mission principale articulée autour d’intrigues politiques, sans quasiment aucun combat (enfin, quand même un ou deux, pour garder la forme). Là encore, c’est perfectible et parfois même assez grossier, mais j’ai trouvé l’idée absolument géniale et en parfaite adéquation avec le thème et les événements relatés. De plus, certaines quêtes (principales comme annexes), peuvent connaitre un déroulement différent, selon les personnages à vos côtés (vous ne pouvez avoir que trois équipiers à la fois). Cela ouvre alors des possibilités très intéressantes et pourra même vous permettre de résoudre un conflit sans dégainer vos armes. Cela ne changera pas radicalement l’histoire, mais qu’importe. Et puis, cela vous pousse à changer régulièrement d’alliés, contrairement à d’autres jeux du même type ou, dès lors que le recrutement est terminé, vous ne changez plus de compagnons.

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A l’instar de Mass Effect, le jeu propose des joutes multi en marge de l’aventure solo

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La chasse aux dragons est une activité délicate, mais gratifiante
Enfin, il y a les dragons (évidemment quand on s’appelle Dragon Age). Ma dernière expérience avec cette race légendaire, ce fut sur Skyrim. Dans le titre de Bethesda, les dragons faisaient presque office de chatons tant il était aisé de les occire avec un coton-tige. Dans Inquisition, chaque rencontre avec l’un d’eux est une putain d’épopée. Rien que de les voir déchirer le ciel au détour d’un chemin, vous fera serrer les fesses en espérant qu’il ne vous remarquera pas (mais vu que c’est scripté, il ne vous remarque finalement jamais… ou presque). La première fois que j’ai croisé la route de l’un d’entre eux, j’y suis allé confiant, avec ma bite et mon couteau. Mes compagnons et moi atteignions péniblement le niveau 10. Le lézard géant arborait fièrement un niveau 12. « Deux niveaux, c’est gérable », que je me disais. Deux minutes, c’est le temps que j’ai tenu. Deux pour-cents, c’est sans doute la somme des dégâts que j’ai dû lui infliger. Quand on sait que les dragons sont une dizaine dans ce jeu, avec des niveaux croissants, ça vous donne une idée du temps que vous allez passer à les chasser… ou à vous faire chasser. Et quand on est accro au loot, forcément on les chasse !

Brassage culturel

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On peut accélérer ses déplacements en chevauchant des chevaux et d’autres étranges bestioles quadipèdes
A l’arrivée, Dragon Age: Inquisition est un jeu très, voire trop, oldschool dans ses mécaniques, assez bancal dans quasiment tout ce qu’il entreprend, mais pourtant ça marche. Ça marche grâce à la profusion de bonnes et singulières idées. Elles ne sont pas assez bien exploitées pour la plupart, mais elles ont le mérite d’exister et font que, pour une fois depuis bien longtemps, on n’a pas l’impression d’avoir déjà joué à ce jeu par le passé. C’est aussi sans doute l’un des titres les plus épiques qu’il m’ait été donné de jouer, parce qu’on y incarne un homme (ou une femme) au cœur d’une véritable guerre, qui se bat certes avec une poignée de compagnons sur le terrain (ça reste un Action-RPG), mais qui se bat également à la tête d’une véritable armée, avec les conséquences logistiques et diplomatiques qui en découlent.

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Les projections de sang sont au coeur du jeu depuis le début de la série

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Le bestiaire aurait pu être plus varié, mais certains de ses représentants font leur petit effet
Après cet essai, très largement transformé à mon sens, il faut désormais que, demain, Electronic Arts capitalise sur cette réussite, pour l’adapter à Mass Effect et/ou un éventuel quatrième épisode. Améliorer l’écriture des personnages, voire de l’histoire de manière générale, jouer d’avantage sur le principe de causes et conséquences, ajouter encore d’avantage à la gestion et la personnalisation de ses troupes, et sortir encore un peu plus des carcans du RPG, en mixant des éléments d’autres genres. Car pour moi, l’avenir est ici. A une époque où tous les jeux vidéo se ressemblent et plagient le voisin, la mixité des genres représente une planche de salut pour le joueur en quête de nouveautés. Et Dragon Age: Inquisition en est la preuve vivante avec son mélange de RPG pour son côté crafting et compétence, de Hack’n slash pour son action débridée, de jeu de gestion dans la bonne tenue et la personnalisation de votre QG, voire limite de STR avec la caméra tactique (la feature la moins maîtrisée cependant). Au final, je n’attendais rien d’autre de ce titre, qu’une simple mise en bouche, une sorte de petit-four, en attendant le dîner gastronomique que devrait être The Witcher 3. A l’arrivée, je suis repu, comme lorsque vous vous êtes trop gavé en saucisson et n’avez plus faim pour passer à table. Et ça tombe plutôt bien d’ailleurs, puisque le rôti manque de cuisson et doit rester encore au four jusqu’au mois de mai prochain. Enfin bref… Je commençais peu à peu à perdre foi en le jeu vidéo, Dragon Age m’a reboosté pour les dix ans à venir. Alors allez-y, amis développeurs, balancez vos jeux, je suis chaud comme la braise là !

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