Alors que Epic Seven continue son petit bout de chemin auprès d’un public de fans, leurs développeurs reviennent sur le devant de la scène avec un titre qui risque fort de bousculer la hiérarchie…
On reproche souvent les mêmes choses aux gacha : Ne pas être de vrais jeux car c’est du mobile blablabla, ne pas vraiment jouer car farm auto blablabla, être une pompe à fric car powercreep qui pousse à invoquer toujours plus de perso blablabla. Et pour être totalement honnête, c’est vrai que c’est assez souvent le cas ; tout du moins pour le farm auto et le powercreep. Mais tout ça c’est du passé. Car certes, Chaos Zero Nightmare est un jeu mobile et exclusivement mobile – on peut y jouer sur PC mais il s’agit d’émulation mobile, que ce soit par le biais du launcher Stove ou autres applications tierces – mais pour le reste, il envoie valser les idées reçues…
CZN 40K

Dans ce jeu, on incarne le capitaine du SS Nightmare, un vaisseau permettant de voyager à travers le warp (coucou Warhammer 40k) afin d’aller combattre des créatures toutes plus morbides les unes que les autres dans le « Chaos », une sorte de brume qui corrompt des planètes entières, transformant toutes formes de vie en aberrations monstrueuses (coucou Warhammer 40k bis). En notre qualité de protos, on représente le dernier rempart contre cette menace grandissante. Toutefois, lors d’une mission sur ce qui était autrefois le bastion de l’humanité, la planète Terre, notre équipe croise la route d’une gigantesque créature, bien pire encore que tout ce qui a été vu auparavant. Terrassé par la créature, c’est n’est que par miracle et le sacrifice de Renoa, notre second officier et véritable bras armé de l’escouade, que tout le monde en réchappe ; tout le monde sauf elle, désormais portée disparue.

C’est sur cette introduction que débute Chaos Zero Nightmare. Et force est de constater que si l’histoire se suit bien (à condition d’être anglophile, car pas de traduction Fr), elle n’a rien non plus d’exceptionnelle. Elle s’inspire pas mal de W40k pour le warp et le chaos, le tout enrobé d’un habillage typique des manga/manhwa, mais manque de profondeur et gagnerait à être plus sombre, compte tenu du thème et de l’ambiance portée par le design. J’ai cru comprendre qu’il y avait eu tout un micmac entre l’auteur principal (également auteur de light novels) et des membres de l’équipe, qui avait amené à des défections des uns et des autres. J’imagine que le scénario en a fait les frais. Les développeurs se sont exprimés sur le sujet, notamment par rapport aux retours des joueurs, donc espérons que les choses bougent de ce côté-là. En attendant, c’est un peu dommage mais rien de dommageable non plus. Car ce qui nous intéresse avant tout dans un gacha, c’est sa mécanique de gameplay. C’est ce qui va nous pousser à nous connecter quotidiennement pour obtenir des nouveaux personnages, les build de la meilleure des manières qu’il soit, afin de nous confronter à du contenu endgame de haut niveau (et parfois au PVP, mais ce n’est pas le cas ici).
Roster SSR

Le système d’invocation des personnages pour commencer, reprend peu ou prou ce qui se fait ailleurs de nos jours. A savoir qu’il existe deux bannières : Un pool commun et une bannière proposant un personnage limité sur une durée déterminée. Ajoutez à cela un principe similaire pour les partenaires, qui sont des personnages apportant un passif aux combattants et qu’on appelle Light Cones chez HSR, Artes chez E7, Moteurs chez Zenless, etc. Bref, on est en terrain connu. Seule différence (et elle est de taille), c’est qu’ici les personnages et partenaires limités, rejoignent au bout de quelques temps la bannière commune, comme c’était déjà le cas dans Epic Seven, mais qui n’est absolument pas d’actualité chez la plupart des gacha (ceux de Hoyo, mais aussi chez Wuthering Waves et autres mastodontes de la discipline). Enfin, ajoutez une dernière bannière d’invocation, qui permet de gagner la possibilité d’animer certaines de ses cartes, comme pour le TCG Shadowverse. Ça n’a pas grand intérêt, si ce n’est que c’est plus joli, mais ça permet de faire des invocations sans pression, donc je prends volontiers.

Au lancement, on a donc droit à 22 personnages en tout : 11 héros 4 étoiles et 11 héros 5 étoiles, dont un (ou plutôt une) en bannière limitée. C’est grosso modo dans la moyenne de ce que propose les gacha en général, et surtout Chaos Zero Nightmare a le bon goût de proposer quasiment que des personnages de haute volée. En effet, si les 4 étoiles sont généralement des faire-valoir parmi lesquels sort généralement un ou deux personnages véritablement jouable, ici ce n’est clairement pas le cas et tous semblent être intéressants. D’ailleurs Super Creative est plutôt coutumier du fait, puisque pas mal de 4 étoiles, voire 3 étoiles d’Epic Seven restent encore particulièrement OP à ce jour. Rien ne dit que ce sera encore le cas dans quelques mois, une fois que le roster de 5 étoiles se sera étoffé, mais pour le moment c’est franchement plaisant.

Quant aux partenaires, il en existe le même nombre, auxquels s’ajoutent cette fois six partenaires 3 étoiles, ainsi que six partenaires 5 étoiles, exclusifs à la version payante du BattlePass pour le coup. Ceux-ci sont des personnages qu’on lie à nos guerriers, qui vont chacun proposer un passif spécifique d’une part, mais également un pouvoir qu’on appelle Ego, qui permettra de déclencher un effet pendant un combat, moyennant son coût en « Ego points » (allant de 1 à 7). Ces Ego sont généralement un bouclier, un regain de HP, une amélioration des chances de coups critiques, des possibilités de contre-attaques ou même des attaques AoE (Area Of Effect… comprenez qui touche plusieurs ennemis d’un coup). Et bien évidemment, on va devoir farmer des ressources pour monter ces partenaires du niveau 1 au niveau 60.
Trauma Center

La mécanique de gameplay s’articule autour d’un système de combat de cartes associé à du rogue-lite pour l’exploration en donjon. En effet, pour la plupart des modes (batailles libres et farm des différents éléments notamment), le jeu se joue avec trois héros (et leurs partenaires associés) contre un ou plusieurs monstres issus du Chaos. Les batailles se déroulent au tour par tour, à l’aide d’un système de cartes et de points d’action. En gros, on dispose de trois points d’action de base, et avec ça on va devoir jouer des cartes qui coûtent entre 0 et 3 points chacune, et les faire « comboter » entre elles pour maximiser nos chances de victoire. Toutes les cartes des trois personnages sélectionnés sont mélangées dans un même deck, et à chaque manche on en tire 5 nouvelles au hasard ; celles n’ayant pas été jouées à la manche précédente étant défaussées.

S’ajoutent alors à cela, deux mécaniques additionnelles : A savoir les points Ego et le système de Trauma. En effet, comme expliqué précédemment, chaque personnage (qu’il soit héros ou partenaire) dispose d’un sort ultime baptisé « Ego ». Ce sort se déclenche en dépensant un certain nombre de points Ego. Une jauge à gauche de l’écran montre l’évolution de ces points, qui est de l’ordre d’environ 1 point supplémentaire tous les deux tours de jeu. A côté de cette jauge, 3 sorts Ego issus des 6 personnages engagés dans la bataille, sont proposés au hasard. Là encore, la jauge de point est commune et l’utilisation de l’un des sorts Ego va diminuer la jauge en fonction du coût de ce sort. Une fois un sort utilisé, un autre vient le remplacer et ainsi de suite, jusqu’à la fin du combat.

Le trauma quant à lui, est une jauge de stress dont est affublé chacun des trois héros incarnés. Cette jauge grimpe en fonction des actions, selon un calcul et une probabilité que seuls les développeurs semblent connaître pour le moment. Lorsque l’une de ces jauges atteint son maximum, le personnage en question devient stressé et perd tous ses moyens. Dès lors, il ne peut plus jouer et donc ses cartes ne sont plus proposées au tirage. En lieu et place sont tirées un nombre aléatoire de cartes Trauma dont il faut se défausser au plus vite pour recouvrer son état normal. Au bout de 5 cartes Trauma dépensées, le traumatisé retrouve automatiquement ses moyens, et peut même en sortir avec moins de cartes, avec un peu de chance. A chaque nouveau trauma, le nombre de cartes nécessaires augmentera d’une. Et si on a le malheur de sortir du Chaos traumatisé, par le biais d’une victoire, d’un escape ou d’un game over, le combattant restera traumatisé et devra être soigné à la clinique contre de la monnaie sonnante et trébuchante (monnaie ingame, je précise).

Chaos Theory

Si le jeu propose des batailles individuelles en mode story ou pour farmer les éléments nécessaires à l’amélioration de nos personnages, le mode principal de Chaos Zero Nightmare c’est son mode Chaos (et son pendant endgame : Le Codex). Ce mode envoie une équipe complète dans un niveau composé d’un ou deux étages, structuré en une ramification d’une vingtaine de salles, aléatoirement réparties entre des événements et rencontres, des combats de base, des mini-boss et, bien entendu, des boss d’étage. On se déplace alors de salles en salles, en empruntant le chemin qui nous sied le plus, et en résolvant leurs effets avant de passer à la suivante.

Cette mécanique d’exploration de donjons avec optimisation de decks façon Darkest Dungeon ou Slay the Spire, fait que le titre de Super Creative a longtemps été présenté comme un rogue-lite. Mais en réalité, ça n’en est pas tout à fait un selon moi, car si la progression dans le donjon va bien nous permettre de build les decks des trois combattants engagés, la complétion de ce niveau ou la mort de l’équipe le réinitialisera. On retournera donc en donjon à partir de zéro, avec les cartes basiques équipant les combattants. Alors oui, on pourra s’y aventurer avec des meilleurs personnages, afin de se confronter à des niveaux de difficulté plus élevés, mais cela passera par un leveling classique dans le gacha, à savoir la montée en XP, le leveling du partenaire associé, l’équipement (6 pièces réparties en sets distincts) et l’amélioration de l’arbre des compétences passives. Bref, contrairement aux rogues habituels, on ne construit pas de meilleurs decks en donjon pour améliorer ses runs dans les donjons suivants, mais pour se confronter aux autres modes, mieux armé.


Ces decks se construisent au gré de notre progression en Chaos, soit en achetant des cartes communes lors des passages aux feux de camps, soit en supprimant les cartes jugées inutiles à ce même camp, soit encore en les améliorant via un système baptisé Epiphany. Cette Epiphany survient de manière aléatoire en combat, mais peut tout aussi bien se faire hors combat, par le biais d’un événement. Lorsqu’une Epiphany survient, le jeu nous laisse choisir entre trois améliorations distinctes parmi la demi-douzaine possible, auxquelles s’ajoute des Epiphany spéciales qui donneront accès à des versions ultimes de ces mêmes cartes. Bref, entre le nombre de combattants, le nombre de cartes et de versions possibles, sans parler des cartes communes et leurs epiphany propres, ça fait un sacré paquet de combinaisons. De plus, si certaines de ces epiphany sont de « simples » buff, d’autres vont carrément transformer les cartes en « Upgrade » (un buff activable une fois, disponible tout le long du combat) ou en « Outbreak of War », qui permettra à la carte de sortir alors systématiquement à chaque début de combat. Ces cartes permettront alors de contrôler un peu plus le déroulement de la partie et moins compter sur le tirage aléatoire.
Corée graphique

Du côté de l’esthétisme, le jeu est particulièrement beau pour un titre mobile. Son design glauque à souhait est très inspiré et particulièrement réussi, même s’il entre en collision frontale avec la légèreté de certains propos et surtout le charadesign fan service typique des gacha coréen et japonais (les chinois étant plus sages). En effet, les créatures qui hantent le chaos sont variées et généralement très marqués « horreur », voire cthulhesque par moment, et les gerbes de sang et autres effets sanguinolents sont légion. On ressent bien la patte de Super Creative dans le charadesign des combattants, mais on n’évite pas l’abus de waifus à gros seins, à moitié dénudées (car c’est plus pratique de combattre les seins à l’air, c’est bien connu). C’est malheureusement aujourd’hui, un gage de succès et presque un passage obligé pour les développeurs de gacha.

Il n’y a qu’à voir le drama stupide et pervers qui s’est joué quelques jours après la sortie du jeu, parce qu’un personnage féminin éprouvait des sentiments pour un autre personnage tiers, et pas pour le héros qu’on est censé incarné. Le tollé des joueurs coréens était tel, que le président du studio a dû prendre la parole pour s’excuser publiquement, et promettre que l’histoire sera réécrite à posteriori. Dans le même ordre d’idée, le roster est composé en très grand majorité de personnages féminins, et sur la grosse quinzaine de personnages à venir qui a leak, il n’y a guère que deux ou trois mecs de prévu. Pourtant, leur précédent titre, Epic Seven, était plutôt bon élève de ce côté-là, avec un nombre relativement conséquent d’hommes. Il faut croire que le marché a changé…

Ingame en tout cas, les personnages arborent un look chibi plutôt soigné, très détaillé tant esthétiquement que dans leurs animations, loin des amas de pixels grossiers qu’on a l’habitude de voir avec ce style graphique. De plus, les différentes attaques sont, pour certaines, entrecoupées d’une mini-cinématique qui montre une fois encore tout le savoir-faire des développeurs en la matière. Les environnements traversés quant à eux sont plutôt variés, allant de la terre désolé au look apocalyptique, aux forêts vierges curieusement très lumineuses, en passant par des intérieurs au design très mécanique empreint d’une certaine aura spirituelle. Bref, si on excepte le fait que le jeu joue un peu trop la carte du « horny » pour s’attirer les cartes bleues des joueurs les plus pervers, il faut bien reconnaître que le jeu est une franche réussite graphique.
Vainqueur par Chaos

En définitive, CZN propose un gameplay riche et particulièrement tactique, accru par un roster de haute volée, comme on n’en a tout simplement jamais vu dans un gacha jusqu’à maintenant. Son mode Chaos est vraiment grisant à jouer, entre la tension due au risque de trauma et le theorycrafting permanent sur la création de ses decks. Il ne lui manque plus qu’à assombrir un peu l’histoire pour qu’elle soit au niveau de l’ambiance. Un peu plus d’abondance sur les ressources aussi, ce ne serait pas du luxe, tant je suis constamment en flux tendu, sur l’énergie, la thune, les matériaux d’XP, de compétences et, bien évidemment, le stuff. Enfin, s’ils pouvaient nous proposer toujours plus de personnages stylés, tant dans le charadesign que dans le style de jeu, sans pour autant passer par la case « toujours plus de boobs et toujours moins de tissu », ce serait top.

Bref, vous l’aurez compris à la lecture de cette critique fleuve, j’ai été particulièrement emballé par la proposition de Super Creative. Clairement, Chaos Zero Nightmare est pour moi le meilleur gacha à ce jour. Leur performance financière au lancement (6M$ sur les 10 derniers jours d’octobre, le jeu étant sorti le 22) prouve qu’on peut se faire une place sur ce marché saturé, tout en étant (relativement) généreux avec les joueurs, en les faisant réellement jouer (et pas seulement regarder l’auto-farm se dérouler) et en leur proposant un challenge relevé auquel se confronter. Clairement, entre son modèle économique et celui de Duet Night Abyss, sorti lui aussi récemment, le monde du gacha semble enfin vouloir se démarquer de l’ogre MiHoYo et son système pénible et contraignant. Et ça c’est une excellente nouvelle.
