Tainted Grail, Arthur et les tocards de la table rectangulaire

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Le nouveau jeu des créateurs de Lords of Hellas et Nemesis, nous invite à vivre une grande épopée dans un monde sombre et inquiétant, mêlant légendes Arthuriennes et mythologie celtique.

Cet article n’a pas vocation à émettre un avis définitif sur l’ensemble de la campagne « La Chute d’Avalon ».
Il s’agit plus d’un retour d’expérience de mes premiers pas dans l’univers du jeu, effectués aussi bien en solitaire qu’en groupe (quelques dizaines d’heures, tout de même).

La Campagne, ça vous gagne !

La boîte Monsters of Avalon est du pur cosmétique et n’a pas grand intérêt (même si les créatures en jettent).

  Tainted Grail, comme tous les autres jeux d’Awaken Realms, est un jeu passé par la case Kickstarter. Une campagne une nouvelle fois auréolée de succès, et un sacré succès même, qui comme souvent a mis nos nerfs à rude épreuve avec les nombreux retards qui ont jalonné son parcours (et encore, c’est pas fini : Les deux extensions ne sont pas attendues avant début 2021).

C’est un jeu qui ne se joue pas en escarmouche ou en petites quêtes individuelles dissociées les unes des autres. Non, il se joue entièrement et exclusivement via un mode campagne extrêmement dense, qui n’est pas sans rappeler nos bons vieux RPG sur PC ou consoles, avec ses quêtes principales et annexes, ses héros évolutifs et ses armes et items à looter. A vrai dire, si je devais résumer Tainted Grail, je dirais qu’il s’agit d’un savant mélange entre le JDR papier, le RPG digital et le Livre dont vous êtes le héros de notre enfance (du moins, de la mienne).

Car du texte, il y en a. C’est même sans doute ce qui a causé tant de retard aux versions traduites, comparées à la version originale anglophone. Car l’histoire se déroule via le cahier d’expéditions, relatant les aventures de notre/nos héros, l’univers qu’ils parcourent, les choix qui leur ait donné de faire, et bien entendu les conséquences qui en découlent. C’est le rapport au Livre dont vous êtes le héros. On retrouve exactement la même mécanique, sans le côté « Vous êtes mort » extrêmement punitif (même s’il peut être particulièrement punitif aussi).

Le plateau individuel et la carte de personnage sont interchangeables, pour varier l’expérience de jeu. Cela influe sur les decks Combat et Diplomatie à disposition.

Toutefois, si certains sont réfractaires à la lecture, il n’est pas nécessaire que tout le monde lise à tour de rôle, ou dans son coin. On peut très bien définir un seul et même narrateur pour toute l’aventure, qui se chargera de lire tous les textes, de mettre dans l’ambiance les joueurs ; voire même de trancher les indécisions du groupe. Bref, d’endosser le rôle d’un Maître du Jeu qui incarnerait également un aventurier. C’est le rapport au JDR papier, et c’est d’ailleurs l’option conseillée par le livre de règles, même si en définitive c’est à chaque groupe de définir où va sa préférence avant d’arpenter les terres d’Avalon.

Vacances en Avalon

S’il n’y avait pas le Wyrd, les gardiens, des monstres, des animaux sauvages, des maladies et des hommes un peu trop vindicatifs, Avalon serait une très jolie région…

Avalon est une région charmante, où le tourisme ne demande qu’à prospérer. Ses villages accueillants et ses habitants aux visages burinés par la malnutrition, la peste et les guerres séculaires. Ses forêts luxuriantes où le moindre lièvre peut vous laisser une plaie béante suinter sur votre flanc. Ses paysages à couper le souffle, où le moindre buisson, le moindre rocher, le moindre trou, peut cacher un grand danger prompt à enthousiasmer les plus aventureux d’entre vous (surtout les trous… conseil d’ami). Et bien sûr son inénarrable Wyrd, un manteau ténébreux qui enveloppe l’île d’Avalon et annihile tout ce qu’il touche, repoussé uniquement par l’étrange pouvoir de ces menhirs inquiétants se dressant au cœur des villages de la région, véritables phares pour les voyageurs en quête d’un havre de paix.

Cet univers résolument sombre sorti tout droit de l’esprit torturé de Krzysztof Piskorski et des créateurs d’Awaken Realms, mêle les classiques de la dark fantasy aux légendes Arthuriennes, avec un soupçon de mythes celtiques, le tout donnant un melting pot aussi original qu’efficace. Cet univers est servi par un esthétisme léché particulièrement réussi et inspiré, que ce soit les grandes cartes qui illustrent les différentes parcelles et lieux de l’île, ou encore le style graphique des cartes rencontres, combats et diplomatie, jusqu’aux superbes figurines de menhirs. Notez d’ailleurs que si les héros sont également représentés par des figurines, les gardiens, créatures aussi mythiques que terrifiantes arpentant Avalon, ne sont représentées par les leurs que dans une extension esthétique habilement baptisée Monsters of Avalon.

Les Gardiens sont des créatures qui errent sur le plateau à votre poursuite.

Cette île, vous allez l’arpenter en long, en large et en travers, tout au long des 15 chapitres qui constituent l’histoire. Celle-ci n’étant pas très vaste (mais de bonne taille quand même, rassurez-vous), les allers et retours ne seront pas rares, ne serait-ce que pour accomplir une quête vous ramenant dans un lieu déjà visité ou parce que vous êtes désormais taillé et/ou équipé pour résoudre une énigme laissée de côté lors votre premier passage. La construction de cette île rappelle par certains aspect, celle du 7ème Continent, l’environnement se dévoilant au fur et à mesure de votre progression, par le biais de cartes numérotées juxtaposées les unes aux autres. Ces cartes sont toutefois plus grandes que dans le jeu de Serious Poulp, apportant davantage de confort visuel et d’esthétisme (mais prenant aussi plus de place sur la table) ; elles ne demandent pas non plus de les scruter pendant des heures pour repérer des indices dans chaque détail qui les illustre. Par contre, vos déplacements ne seront pas libres puisqu’une restriction de taille, le Wyrd, vous empêchera d’explorer la région au-delà des huit cartes adjacentes à un menhir, et jusqu’à trois menhirs maximum activé en simultané. Pour s’aventurer plus avant, il sera nécessaire de réactiver au préalable, les menhirs éteints qui jalonneront votre route.

Sites de rencontres

La gestion des ressources est primordiale pour progresser en Avalon. Collectionner des petits cubes rouges (voire violet, c’est encore mieux), est une activité à temps plein.

Pour allumer ces menhirs, de nombreuses ressources seront nécessaires : De l’énergie bien entendu, de la vie parfois, de la nourriture, de la richesse, mais aussi et surtout de la magie. Et autant l’énergie et la vie, même si elles peuvent parfois venir à manquer, se monopolisent assez aisément. Autant la nourriture, la richesse et la magie sont des ressources particulièrement précieuses qui vous amèneront à faire des choix au fil de vos pérégrinations, afin de les économiser. Car outre vos jauges de vie, d’énergie et de peur fluctuants au gré de vos actions, votre personnage possède un inventaire de cinq « ressources » distinctes : La nourriture, la richesse, la réputation, l’expérience et la magie. La nourriture vous permet de manger chaque soir, afin de recouvrir votre énergie (jeûner vous épuisera, mais ce sera parfois salvateur). La richesse est nécessaire à l’obtention d’équipement (entre autres). La réputation vous débloquera certaines situations. L’expérience vous permet de gagner de nouvelles compétences ou d’étoffer vos decks. Enfin la magie peut être utilisée pour faciliter la résolution des rencontres Combats et Diplomatie.

Mieux vaut éviter de faire traîner les Combats et la Diplomatie sur la longueur, au risque de perdre bien plus qu’on ne gagne.
Au début, même un vulgaire lapin nain peut s’avérer problématique à gérer. C’est dire comme on commence cette aventure, tout en bas de la chaîne alimentaire !

Et si la plupart des actions du jeu se résolvent très simplement de manière instinctive (déplacement, exploration, etc.), ces rencontres Combats et Diplomatie représentent quant à elles la principale difficulté du jeu, tant dans l’appréhension de leurs règles que dans leur déroulement. En effet, lors d’un affrontement, vous devez obtenir ce que les développeurs ont curieusement appelé un « potentiel de combat », qui pourrait presque s’apparenter à la jauge de vie de l’adversaire. En réalité, ce n’est pas tout à fait ça, mais le raccourci est vite fait. Bref, pour obtenir ce potentiel de combat, il va falloir connecter des cartes entre elles, par le biais de « clés », des petits logos représentant vos compétences en Agression, Courage et Pragmatisme, ainsi qu’une clé gratuite et une autre magique. Toutefois, de base vous n’avez le droit de poser qu’une seule carte par tour, laissant alors tout loisir à l’adversaire de répliquer. Pour enchaîner, il va falloir connecter les clés de vos cartes suivantes avec un petit symbole éclair. Dès lors, toute la subtilité et la difficulté de ces combats, va être de pouvoir enchaîner les cartes pour faire un maximum de dégâts avant que l’adversaire ne puisse répliquer.

Ajoutez à cela des points de détails, comme le fait que plus le potentiel de combat sera haut, plus la réplique de l’adversaire sera forte, les compétences à déclenchement différé qui ne pourront s’activer si la carte est recouverte, les traits des ennemis qui leur octroiera des compétences particulières, et toutes sortes d’autres subtilités qui rendent cette partie du jeu, longue, délicate, tactique et technique. Très souvent d’ailleurs, il sera préférable de fuir plutôt que de faire s’éterniser le combat et perdre ainsi de précieux points de vie, d’énergie et de magie (surtout dans les premières heures de jeu). D’aucun pourront trouver ça rébarbatif et auraient sans doute préféré que ces combats soient plus simples et expéditifs. Pour ma part, je les trouve particulièrement passionnants, et encore davantage à plusieurs que seul, où même l’ordre du tour des différents joueurs impliqués, devient une donnée tactique de première importance pour pouvoir placer les meilleurs combos.

Choix & Conséquences

Le Précurseur est le Nemesis du jeu. Il n’aura de cesse de vous traquer aux quatre coins d’Avalon. Mais pour notre première rencontre, il a mangé sévère !

Des mécaniques de jeu originales, un esthétisme très plaisant, des combats particulièrement tactiques et un scénario à embranchements haletant. Clairement, ce Tainted Grail multiplie les qualités et peut être qualifié, selon moi, de grand jeu. Cependant, il n’est pas exempt de défauts non plus. Le premier, et plus évident, c’est le spoil inhérent à son côté Livre dont vous êtes le héros. Si lors de l’exploration d’un lieu donné, vous lisez « si vous avez tel statut, rendez-vous à l’entrée X », vous comprenez aisément que vous aurez quelque chose à y faire, quand vous aurez acquis ce statut. Ceci étant, encore faut-il que vous puissiez l’acquérir, et encore plus vous en souvenir lorsque vous l’aurez.

En parallèle de notre campagne (Fylo, Tsokoa, Toma et SlySovas), Nachcar joue la sienne de son côté, à deux joueurs. Et lui, la campagne ça le connait !

Plus problématique par contre, nous avons rencontré quelques incohérences au cours de nos pérégrinations. Une notamment m’a marqué, c’est une quête nous demandant de rencontrer une personne en particulier pour pouvoir l’accomplir. Or, cette personne nous l’avions croisé auparavant, mais n’ayant pas gagné ce fameux « statut » qui débloque la situation, nous n’avions alors pas la possibilité d’accomplir cette quête. Du coup, on se retrouve à perdre du temps en allers et retours un peu stupides, comme si on y retournait pour lui dire « Ah au fait, j’ai oublié de te demander la dernière fois : Comment on sauve le monde, déjà ? Il paraît que t’as l’info… »

Par contre, pour suivre en parallèle l’aventure de Nachcar (qui joue en duo de son côté), on a pu se rendre compte des différences flagrantes entre nos deux expériences, notamment sur les quêtes principales accomplies et sur le chemin emprunté pour y arriver. S’il est encore trop tôt pour savoir si tout cela nous amènera à une fin fondamentalement différente, force est de constater qu’il y a donc une réelle rejouabilité, même si on sera forcément tenté par prendre des raccourcis ou se rendre aux endroits les plus intéressants, visités dans une partie précédente, afin d’optimiser son aventure.

En définitive, si je me garderais d’émettre un avis définitif avant d’avoir vu le bout de notre expédition, j’aurai bien du mal à cacher mon enthousiasme tant ce que j’ai vu et vécu avec Tainted Grail à ce jour est grisant et unique. J’essaierai de revenir ici vous conter la fin de cette aventure lorsque nous serons parvenus au bout, en espérant que d’ici là, le jeu nous aura réservé quelques combats et rebondissements scénaristiques épiques.

Je vous parlerais sans doute également, des deux extensions à venir, si je finis par les recevoir un jour : The Red Death, une toute nouvelle campagne, et Echoes of the Past, qui s’attardera sur le passé des héros et débloquera de nouvelles compétences. Enfin, sachez qu’il existe une application Androïd/iOS remplaçant le cahier d’expédition. Cela permet ainsi aux joueurs d’avoir chacun le leur en mains, et ça prend bien moins de place sur la table. Cette application est en anglais et en polonais pour le moment, les textes sont même doublés en anglais, mais notez que les autres langues devraient faire leur apparition prochainement (uniquement pour les textes).

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