Alors que les éléments se sont récemment déchainés sur Oklahoma City, j’ai choisi de leur faire écho en vous parlant de ce long métrage, ou comment évoquer les tempêtes sans forcément passer par la case « Film Catastrophe ».
En général, quand un cinéaste veut parler de tornades, son œuvre fleure bon la testostérone et les moments de bravoure, sous des déluges d’effets spéciaux. Résultat, ça pète de partout, l’action est haletante, la réalisation limite stroboscopique et les dialogues sont d’une mièvrerie abyssale, à coups de gros clichés, de vannes Canteloup® et de patriotisme nauséabond. Mais avec Take Shelter, Jeff Nichols remonte les rues d’Hollywood à contre sens, signant un film lent, posé et intimiste ; à la fois sentimentaliste et anxiogène.
L’histoire, c’est celle de Curtis, un américain moyen, mari aimant et père d’une petite fille sourde et muette, soudainement confronté à des cauchemars récurrents mettant en scène tonnerre et pluies diluviennes, grasses comme des gouttes de pétrole. Pour ne rien arranger, Curtis est le fils cadet d’une mère schizophrène paranoïde, l’ayant abandonné sur un parking à l’âge de 8 ans. Alors quand ses mauvais rêves commencent à peser sur sa vie éveillée, l’angoisse d’une certaine hérédité dans la folie le pousse à mettre à mal son quotidien : Persuadé qu’une tempête va s’abattre sur sa petite vie paisible, Curtis se met alors en tête de construire un abri souterrain pour protéger les siens, quitte à faire fi de toutes les règles de prudence et de civilité qui régissent notre société.
Ce qui est frappant dans ce film, c’est cet amour sincère et profond qui unit cette famille et déjoue toutes les prémonitions qu’on peut avoir à son propos. Ainsi, lorsque Curtis hypothèque sa maison pour obtenir un prêt particulièrement risqué, on ne peut s’empêcher de penser Sub-prime et on s’attend à voir le couple exploser en vol. Finalement, il n’en est rien. Les cris, les doutes et les pleurs font bien évidemment partie intégrante du décor, comme ils font partie de notre vie à tous, mais là où n’importe quel autre film tomberait dans le mélo, Take Shelter affiche un optimisme aussi étrange qu’inhabituel.
Tout cela est servi par une réalisation magistrale, avec une photographie parmi les meilleurs qu’il m’ait été donné de voir ces dernières années, tant les cadrages sont toujours justes, tant les plans sont toujours beaux, tant le montage est toujours impeccable. Gros coup de cœur également pour le couple d’acteurs, Michael Shanon (acteur fétiche de Jeff Nichols) et Jessica Chastain, qui sont tous deux d’une rare justesse. Les seconds rôles ne sont pas en reste, mais on a un peu tendance à les oublier, tant la performance de Shanon balaye tout sur son passage (un peu comme une tempête justement).
Bref, Take Shelter est un film à voir absolument, curieusement passé inaperçu lors de sa sortie en salle, alors qu’il a tout de même raflé les Grands Prix de Cannes et de Deauville en 2011. Entre film de fin du monde et film d’amour, il n’épargne pas non plus cette société américaine contemporaine, dont il préfère toutefois se faire le témoin plutôt que le juge, nous laissant alors nous faire notre propre opinion, seuls, comme des grands. Et ça, un film qui te laisse réfléchir tout seul, certes ce n’est pas forcément accessible à tous, mais c’est suffisamment rare pour marquer une vie de spectateur. J’ai adoré !
3 Commentaires
Take Shelter, la vie de tempête
Ah ouais t’as trouvé ça optimiste toi?
Ok, la famille ne se sépare pas violemment, mais voir le mec s’enfoncer doucement dans sa folie et emmener sa famille avec lui, ça m’a pas mal retourné, plus que des scènes clichés ne l’auraient fait.
A part ça, je suis on ne peut plus d’accord avec toi sur le reste: superbe film, super photo, évite les clichés. Regardez-le bande de moules.
Take Shelter, la vie de tempête). Je trouve ça beau et optimiste dans un monde où les couples se font et se défont pour un oui ou pour un non.
Ouais, j’ai trouvé ça optimiste. Car quelque part, l’amour que lui voue sa femme est plus fort que sa folie ou l’argent (
Take Shelter, la vie de tempête
Ouais, c’est optimiste sur la force de l’amour, mais aussi très pessimiste sur la folie.