Si vous ne connaissez pas le Trombone Illustré (honte à vous), cet article est fait pour vous. Si vous le connaissez (gloire à vous), cet article est fait pour vous aussi. Je ne suis pas contrariant.
Dans les années 70, André Franquin (légende vivante) et Yvan Delporte (qui n’était plus le rédac’ chef du journal de Spirou) se sentaient frustrés par la direction de leur journal. Ils auraient aimé amener quelque chose d’autre, moins « commercial » (même si le mot n’a jamais été employé) et certains auteurs étaient du même avis. Qu’à cela ne tienne, les deux potes vont voir le grand chef et lui propose un journal « pirate » qui serait donné en supplément au journal de Spirou. Dedans il y aurait des tas d’auteurs qui travaillent ou pas chez Spirou et qui seraient totalement indépendants, l’éditeur n’aurait absolument rien à dire sur le contenu. Un journal sous marin en quelque sorte, un journal dans le journal qui se paye le luxe de réclamer son indépendance, l’un n’irait pas sans l’autre mais les deux doivent être considérés comme totalement différents… Le grand chef accepte.
« Le seul hebdomadaire clandestin offert dans un emballage cadeau »
Journal de Spirou numéro 2026, un avis est publié entouré de traces de pas bleues (comme quand Gaston est apparu les premières fois dans le journal, enfin sauf qu’à l’époque c’était en noir et blanc…), il mentionne que des inconnus se sont introduits de nuit dans les locaux de la rédaction pour se servir du matériel d’imprimerie… Numéro 2027, rebelote, il est dit qu’un veilleur de nuit est posté dans les locaux. Numéro 2028, le veilleur de nuit est retrouvé complètement bourré (son bidon de café a été remplis d’alcool) et tout peinturluré. Sur son dos est écrit « Lisez le Trombone Illustré ». Numéro 2029, on soupçonne Franquin de travailler pour un autre journal clandestinement en se servant de l’imprimerie de chez Spirou. Numéro 2030, le Trombone Illustré est annoncé, il est dit qu’il sera agrafé au milieu du journal de Spirou et qu’un certains nombres d’auteurs y participent. Numéro 2031, le 17 mars 1977, le premier numéro du Trombone est publié.
Il est d’un format plus grand que celui de Spirou ce qui oblige le lecteur à le dégrafer. Il fait 8 pages remplis de planches de BD, de textes amusants, de jeux, d’illustrations etc… Sur le haut de la première page est dessiné le titre du journal (un lettrage de « trombone illustré ») autour duquel gravitent tout un tas de personnages. Ce titre va contribuer à inscrire le Trombone dans la légende de la BD grâce à Franquin qui va lui donner vie. Il y a le Marsupilami, un vieux qui vit dans le premier O de « Trombone », une petite fille qui possède une plante qui pousse au fil des semaines, un type qui fume et qui va finir par en mourir, un joueur de trombone et une belle nana, deux gosses qui jouent à « toc-toc », un oiseau qui a du mal avec l’accent de « illustré », un jeune homme, l’évêque de la Mitre Railleuse et aussi un petit chien. Chaque perso est synonyme de gag sur chacun des 30 titres des 30 numéros (et oui il n’y aura eut que 30 numéros), enfin presque tout au long des 30 puisque le 24 (Spirou 2056) a été dessiné par Loup, le 26 (Spirou 2058) par Hausman, le 28 (Spirou 2060) par Jannin et le 29 (Spirou 2061) par Dany. Pour ces 4 titres les personnages de Franquin ne sont pas repris et l’effet comique est donc un peu moins présent.
Au sein de chaque canard un genre de petit édito, nommé Coup d’œil en coulisse, est écrit par un personnage que les fans de Gaston connaissent bien : Jules-de-chez-Smith-en-face. Vous imaginez de quoi ça parle et c’est à chaque fois tourné avec humour comme en témoigne le texte du numéro 1 :
Les habitués de Gaston et de ses En direct de la rédaction retrouvent aussi des nouveaux Il ne faut pas confondre… éparpillés ça et là.
Delporte et Franquin prendront leur rôle de rédacteurs en chef du Trombone au sérieux en remplissant les trous, de textes pour l’un, et de dessins pour l’autre, même si les auteurs ne manquaient pas, il y en a eu 53 en tout c’est pour dire si les 8 pages hebdomadaires étaient bien encrées… Parmi eux on peut citer Claire Bretécher, Peyo, Roba, Tardi, Moebius, Bilal ou encore Gotlib. Pour ce dernier son « recrutement » est assez drôle puisqu’à l’origine il était venu à Bruxelles après avoir lancé le magazine Fluide Glacial dans le but d’embaucher des auteurs. Le recruteur était donc recruté et ça lui a plutôt souri puisque après la mort du Trombone, Franquin a choisi Fluide Glacial pour publier ses fameuses Idées Noires.
« L’hebdomadaire pirate qui vous présente l’assurance de sa parfaite considération »
Dès la première parution du journal il y a eu des râleurs notamment chez les rares lecteurs qui n’accrochaient pas (le Trombone Illustré a réussi à faire augmenter les ventes du journal de Spirou) ou qui trouvaient tout ça scandaleux. Delporte expliqua plus tard qu’ils ont par exemple reçu une lettre anonyme d’insultes. D’ailleurs au sujet du courrier ils précisaient bien dans chaque numéro qu’il fallait leurs écrire à la même adresse que Spirou mais en rajoutant « Trombone Illustré, dans la cave ». Plutôt drôle non ? Surtout qu’ils étaient réellement dans la cave des éditions Dupuis (qui édite le journal de Spirou), une cave qui donnait sur une cour ce qui permettait à la tripotée d’auteurs de venir à n’importe quelle heure pour rendre les dessins en retard sans passer par les bureaux.
Mais revenons à nos moutons, je parlais des râleurs, les plus grosses engueulades venaient surtout de la part de la direction chez Dupuis qui cadrait autant qu’elle pouvait les publications du Trombone malgré leur souhait d’indépendance totale. Ainsi il y eut des articles censurés ou adoucis ce qui a eu pour effet de brider la rédaction (qui ne manquait pas de partager, avec talent, leur frustration aux lecteurs). Et s’il y a un truc que les gens du Trombone ne voulaient pas c’est être bridé. Du coup arrivé au trentième numéro ils décidèrent de tout stopper, avec tristesse, plutôt que de finir par se faire formater.
Un peu après cette fermeture, l’éditeur d’une revue nommée (A SUIVRE) a recruté l’équipe du désormais ancien supplément à Spirou pour « donner un peu de légèreté ». La rubrique, car c’était une rubrique, portait le nom de Pendant ce temps à Landerneau et il est amusant de noter qu’elle refaisait vivre les personnages du titre du Trombone mais cette fois à l’intérieur d’un petit village. Ca a duré un an et ça s’est arrêté pour exactement les mêmes raisons que le Trombone.
Aujourd’hui, les nostalgiques peuvent tenter de trouver le recueil du Trombone Illustré, il est sorti en 1980 en tirage limité et regroupe la totalité des 30 numéros. Plus récemment, en 2005, est sorti un bouquin qui rassemble uniquement les titres du Trombone ce qui vaut tout de même le coup d’œil et qui se trouve surtout beaucoup plus facilement…
8 Commentaires
L’illustre Trombone Illustré
Plus je te lis parler de BD, plus je me demande si tu ne fais pas partie de la famille K du Psikopat…
Me trompe-je?
L’illustre Trombone Illustré
Ah non non. Par contre j’écris dans le Psikopat depuis 5 ans (des chroniques humoristiques sur le thème du mois et des scénar’ de BD de temps en temps quand je trouve un dessinateur qui a le temps). Pourquoi ce rapprochement ?
L’illustre Trombone Illustré
Ben justement parce que t’écris dans le psiko, t’as une grosse culture bédé, et t’as un K bien mis en valeur dans ton pseudo…
Tant pis.
L’illustre Trombone Illustré
Avoir Edika dans ma famille ça m’aurait bien fait kiffer, juste pour avoir toutes ses BD gratos… (P’t’être que j’aurais continué à écrire dans Fluide Glacial aussi avec un aussi gros piston :D.) Ah et sinon c’est désopilant parce que sur la home page du site ton commentaire s’arrête à « t’as une grosse… » HOHO !
L’illustre Trombone Illustré
Et merci pour cet article au fait, il était bien intéressant!
L’illustre Trombone Illustré
Hello,
j’ai une première édition d’un trombone Illustré dédicacé par 8 auteurs. Quelle plus-value puis-je demandé par rapport à la cotation BDM (actuellement de 150 €) ?
L’illustre Trombone Illustré
Aucune idée. Tout dépend des auteurs et du type de dédicace je présume.
Drôle d’histoire. Quand même, ça ne se fait pas ça sur les machines rotatives, il faut tout regler et puis il y a les clichés, le papier. Et le veilleur de nuit bourré en buvant son café. C’est un peu fort cela mais c’est frais comme histoire, j’adore.