J’ai une idée d’article, on verra où ça va me mener. Donc le chapeau, je l’écrirais en dernier… voire j’oublierai de l’écrire.
Pour moi qui suis quasiment né avec le jeu vidéo et l’a vu grandir et évoluer en même temps que moi, c’est assez passionnant de voir ce qu’il est devenu, d’essayer de comprendre comment il est arrivé là et ce qu’il va devenir ensuite. Alors, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire sur d’autres articles, je ne suis pas docteur ès jeux vidéo. Je n’ai pas du tout la prétention de vous apprendre des trucs ou de distiller ma science à la manière d’un Raël ou d’un Julien Chièze (oui c’est une attaque purement gratuite). Je vous partage juste mon analyse et mon sentiment, sans vous garantir pour autant que je ne raconte pas un tas de connerie. C’est d’autant plus vrai que je pars avec une idée de départ mais zéro plan, aucune structuration. J’écris comme ça me vient, quitte à ce que ça parte un peu dans tous les sens. Polygamer style quoi… Mais bon, vous êtes censés être des adultes (ou alors vous vous êtes perdus en arrivant chez nous) et donc assez grands et matures pour faire le tri dans l’assiette, non ?
Le Passé

On va commencer avec un peu d’histoire pour mettre les choses en perspective mais rassurez-vous, ça devrait aller vite.
Le jeu vidéo à la base, c’était un média de niche ; voire un jouet de riches quand on remet dans leur contexte le prix des consoles et des jeux à l’époque. Et ce terme de jouet n’est pas galvaudé, car c’est ce qui va coller à la peau du jeu vidéo pendant de très nombreuses années ; et même encore un peu aujourd’hui, quand on entend certains en parler à la télévision. Public relativement restreint, technologie balbutiante, expérimentation à tout va, pendant ces premières années le jeu vidéo pouvait encore se permettre d’être artisanal, de se créer dans un garage, un peu à l’image d’un groupe de rock.
Alors bien sûr, on retrouve encore aujourd’hui des petits développeurs indépendants qui travaillent en équipes restreintes avec des petits budgets, mais ils sont aujourd’hui bardés d’outils pour les assister et de solides bases pour se documenter et s’inspirer, là où dans les années 80 à 2000 (pour schématiser), il fallait tout inventer et bricoler. En contrepartie, il était plus simple je pense de se faire une place dans le paysage vidéoludique de l’époque (de mon point de vue de joueur), par rapport à aujourd’hui et cette démesure qui caractérise tant les mastodontes du milieu que la production globale annuelle assez vertigineuse (19.000 nouveaux jeux sortis sur Steam en 2024).
Cette époque a posé les bases et inventé des règles, des mécaniques, des genres, qui ont toujours cure aujourd’hui et servent de maître étalon à bien des productions et sont cités en références par les joueurs les plus anciens, non sans une pointe de nostalgie et de mauvaise foi.

Notez que ce que j’appelle ici « Le Passé » est en réalité composé de plusieurs époques distinctes, avec les débuts tâtonnants, puis l’âge d’or de l’arcade (PacMan, Space Invaders & Co) jusqu’à la fin des années 80, la guerre Sega vs Nintendo en 8 et 16bits, l’arrivée de la 3D et de la Playstation, puis la reprise du pouvoir des PC à la fin des années 2000, pour enfin se terminer avec les consoles connectées (Xbox 1ère du nom d’abord, mais surtout l’ère PS360). Mais en vrai, s’il y a bien eu des fluctuations dans les marchés, avec notamment un boom et un éclatement de bulle dans les années 80, ainsi que des innovations plus ou moins majeures au fil des générations, il y a tout de même une constante dans ces époques, avec un modèle et un mode de consommation qui a très peu changé jusqu’à l’arrivée du jeu mobile en 2010 (voire un poil avant).
Le Présent

Ce que je considère comme l’ère du jeu vidéo moderne, celle qu’on est en train de vivre – ou plutôt celle qu’on a vécu (déjà), car selon moi on est en train de basculer – c’est celle qui est arrivée avec le mobile et plus spécifiquement les smartphone (je ne parle pas du snake sur le 3310). Alors je ne dis pas que le mobile a influencé et définit toute l’industrie d’aujourd’hui, encore que il a changé notre mode de consommation, mais plutôt que la démocratisation des smartphone a multiplié de façon exponentielle le nombre de joueurs potentiel. Alors bien sûr, Micheline à la comptabilité qui joue à Candy Crush dans le métro, n’est pas forcément le cœur de cible de Rockstar ou From Software, mais avec 1.000, 10.000, 100.000, 1.000.000 de Micheline, y a moyen d’en attirer quelques-unes vers le jeu vidéo dit « core gaming». Et surtout, les quelques millions de Micheline commencent à changer leur vision du jeu vidéo depuis qu’elles y jouent. A cela s’ajoute la parentalité de ces joueurs d’antan, qui passent le flambeau à leurs mouflets, qui leur manque alors de respect en les humiliant à Mario Kart (sales gosses ingrats). Les marginaux d’hier qui s’éventraient sur Mortal Kombat et s’écharpaient sur Unreal Tournament, rentrent peu à peu dans la norme et deviennent même des gens respectables et respectés, voire même pour certains, de véritables stars à l’image d’un chanteur ou d’un acteur.
Cette recrudescence de joueurs, et donc de clients, a offert aux entreprises la possibilité d’investir toujours plus, car le ratio gain/investissement était toujours à leur avantage et leur permettait de développer leur business et d’aller chercher des parts de marché. La technologie grandissantes nous menant vers toujours plus de photoréalisme, a également poussé les industriels à investir dans la motion capture, le doublage, l’actoring, car difficile d’avoir un avatar de Jean-Michel cheveux au vent-points noirs sur le nez, bougeant comme un automate et parlant comme une annonce SNCF. Le jeu vidéo devient alors des super productions qui ont de moins en moins de choses à envier au cinéma et se fait une place dans l’entertainment de masse à coups de millions de dollars et de campagnes marketing gargantuesques. Une surenchère technique et budgétaire se joue désormais entre les gros acteurs de l’industrie, pour en mettre plein la vue aux joueurs et impressionner les actionnaires.

Et pendant une vingtaine d’année, ça va marcher… et bien marcher. GTA devient le produit d’entertainment qui génère le plus de pognon. Call of Duty devient une machine à cash gigantesque à faire pâlir les plus grands noms du cinéma. Fortnite devient le symbole de toute une génération et brise les codes en allant jusqu’à organiser des concerts événements au sein de son cyberspace. En 2023, l’industrie du jeu vidéo affichait une meilleure rentabilité que celles du cinéma et de la musique réunies. Bref, le jeu vidéo c’était l’indécence et l’insouciance (et c’est encore un peu l’indécence, faut pas se leurrer… un peu moins l’insouciance). Sauf que le Covid a foutu le bordel (Oui, je ne suis pas de ceux qui disent LA covid), et avec les temps de développement qui s’étendent sur plusieurs années, l’onde de choc nous est arrivée l’an dernier (en 2023, vu que j’ai commencé à écrire ce pavé en 2024) et continue de se répliquer cette année encore (en 2024, si vous suivez), et probablement l’an prochain (en 2025, soit cette année. Suivez un peu, merde !). Du coup, le ratio gain/investissement a commencé à basculer du mauvais côté. Et puis, sans vouloir faire de politique politicienne mais un peu de gauche quand même, l’ultra-capitalisme basé sur une croissance perpétuelle et des dividendes toujours plus élevés, ça ne marche qu’un temps. Et quand ça ne marche plus, ça fait des dégâts et c’est rarement ceux qui s’en sont mis plein les poches qui payent la facture…
Le Futur

Depuis l’an dernier (à peu près), je considère que l’industrie du jeu vidéo est en train de basculer. Fini la croissance et le monde des bisounours, place à l’austérité, aux licenciements et à un resserrement drastique des acteurs à grands coups de rachats indécents. Ok, le nombre de clients a augmenté de façon spectaculaire, et tout le monde a commencé à lorgner sur cette aubaine financière. Du coup, l’offre de jeu vidéo n’a jamais été aussi grande mais, paradoxalement, aussi peu variée. Cette surabondance d’éditeurs et de jeux sur le marché, rend la concurrence plus féroce et créé un embouteillage sur les stores. De plus, le mode de consommation importé du mobile pousse les gens à passer d’un jeu à l’autre sans véritablement se poser ; un phénomène qu’on retrouve d’ailleurs avec les réseaux sociaux, les séries, la musique… Le problème c’est qu’avec l’explosion des budgets de développement, le seuil de rentabilité devient compliqué à atteindre et il faut arriver à toucher un nombre affolant de joueurs pour rentrer dans ses frais. Sauf que le joueur en question, à force de le gaver, il commence à être écœuré. On le voit donc de plus en plus déserter les jeux génériques et c’est le spécialiste du genre, Ubisoft, qui est sans doute le premier à en payer les frais. En parallèle, on voit un revival des jeux à l’ancienne qu’on croyait définitivement disparus, Baldur’s Gate, S.T.A.L.K.E.R. ou encore Space Marines 2 sont plébiscités, ainsi qu’une prise de pouvoir (bon ok, le terme est un peu fort) des « petites » productions, type Balatro, Palworld, Among Us, Hollow Knight et autres Helldivers 2. C’est d’autant plus vrai qu’avec l’inflation, la hausse des coûts énergétiques et les incertitudes économiques, le pouvoir d’achat des joueurs se réduit et ils deviennent plus sélectif. Et entre un excellent jeu à 20 ou 30 balles et un blockbuster générique à 80, le choix n’est plus aussi évident que par le passé. Enfin, il y a le climat politique nauséabond du moment qui s’empare du jeu vidéo et fait se livrer une bataille idéologique entre les inclusifs à l’excès et les anti-woke comme on dit (putain, ce que je déteste ce mot). L’exemple parfait pour illustrer cela étant Dragon Age the Veilguard. Le review bombing et les appels au boycott ont trouvé écho chez une partie de la population attisée par les discours de haine qui se répandent comme une trainée de poudre, et parfois même relayés par des streamers starifiés (Asmongold, pour ne citer que lui).
Du coup, afin de pouvoir continuer à payer des dividendes records et se gaver de primes annuelles astronomiques, les grands noms du jeu vidéo ont dû prendre des décisions radicales : On vire tout le monde, on ne prend plus de risques et on arrête les exclusivités. En effet, vous n’êtes pas sans savoir que depuis un peu plus de deux ans maintenant, les entreprises du jeux vidéo enchaînent les plans sociaux et mettent sur le carreau un grand nombre de leurs employés qui représentent le frein principal au versement de leurs bonus. De plus, afin d’améliorer le seuil de rentabilité, beaucoup ont pris la décision de s’appuyer presque exclusivement sur les suites, remasters et remakes, moins coûteux, plus faciles à vendre et donc moins risqués. Enfin, les éditeurs commencent peu à peu à se rendre compte qu’il devient compliqué dans un secteur en crise, de se passer d’une partie de la clientèle en assurant des exclusivités. Surtout dans une industrie où les différentes machines n’ont plus des architectures si éloignées qu’elles ne pouvaient l’être par le passé. Hormis Nintendo avec leur business model à contre courant (et encore, tout n’est pas rose), les autres ne peuvent plus se le permettre et même Playstation s’exporte de plus en plus vers le PC. Chez Xbox, ça fait bien longtemps que le PC fait partie de leur écosystème, du coup la marque étant à la dérive sur le marché du hardware, la firme américaine commence à jeter un œil vers l’édition en portant peu à peu ses plus gros succès chez la concurrence, quitte à se mettre à dos leurs fanboys les plus hardcore. Enfin, les éditeurs tiers type Square Enix ont finit par se pencher sur les livres de comptes et se sont aperçu que les chèques de Sony ne couvraient pas le manque à gagner provoqué par une sortie exclusive de leurs titres sur la PS5, si répandue soit elle.

Le Futur verra-t-il donc la fin des exclusivités ? Il est encore trop tôt pour se prononcer, mais ça semble en prendre la voie en tout cas, et de mon point de vue c’est sans doute ce qui pourrait arriver de mieux au jeu vidéo. L’ère annoncée du Cloud Gaming (n’en déplaise à Smy qui n’y croit absolument pas), rendant le jeu accessible au plus grand nombre sur n’importe quel support ou presque, devrait d’ailleurs aller dans ce sens. Un autre grand chantier, sans doute le plus impactant et le plus immédiat, va être la démocratisation de l’I.A.. Bien sûr, l’I.A. est déjà présente dans le processus de développement depuis quelques temps déjà, mais à l’image de la société, elle va prendre une place de plus en plus prépondérante. Tout l’enjeu va donc être de savoir quand et comment l’utiliser, et ce qu’elle va pouvoir apporter sans (trop) rogner sur les emplois, ni (trop) brider la créativité. Bon, on ne va pas se leurrer : Connaissant les gros éditeurs/constructeurs et leur propension à pisser sur l’éthique et la probité, il y a fort à parier que l’I.A. va devenir un acteur principal et abusif dans toute la chaîne de production, mais laissez moi être naïf et penser que certains sauront être responsables. Enfin, depuis le temps qu’on en parle et qu’on fantasme dessus en se repassant en boucle Ready Player One, le Metaverse devrait être l’évolution logique, à la croisée de chemins entre le jeu vidéo et les réseaux sociaux. Fortnite et Roblox ont déjà pas mal avancé sur le sujet, Zuckerberg en rêve, et dès lors que la technologie aura gagné en souplesse et sera devenue accessible aux portemonnaies courants, ce rêve devrait finir par se concrétiser. La technologie est déjà là : Internet, VR, dispositifs haptiques… il suffit juste qu’elle prenne (enfin) son envol. Le plus gros enjeux aujourd’hui, c’est la rentabilité des productions. Cela passera par un accroissement des revenus (plus de joueurs, prix de vente réhaussé, etc.) et/ou une diminution des coûts de production (projets moins nombreux ou moins ambitieux, utilisation de l’I.A., etc.). Mais cette industrie étant profondément résiliente et innovante, je n’ai guère de doute qu’elle saura relever ces défis…