Si vous suivez l’actu, vous savez que le studio Cing a fermé ses portes, faisant de ce Last Window au nom prémonitoire, le baroud d’honneur du développeur japonais.
Ex-fan des eighties
Kyle Hyde est un héros qu’on croirait tout droit sorti d’un roman noir. Ex-flic de New York, aujourd’hui représentant en fournitures en tous genres, il lui arrive parfois de s’acquitter de recherches un peu spéciales pour le compte de son employeur, ex-flic lui aussi et accessoirement vieil ami de ses parents (encore un pistonné quoi !). Kyle Hyde est plutôt beau gosse et charismatique. Il aime le Jazz, l’alcool et le café bien noir. C’est aussi un tire-aux-flancs invétéré et c’est ce qui va précisément motiver son renvoi. Désormais au chômage, Kyle Hyde ne peut toutefois se présenter au Pôle Emploi, et pour cause : Nous sommes en 1980, à Los Angeles !
Dès lors, notre héros n’a guère d’autre choix que rentrer chez lui, pour végéter dans son lit jusqu’à ce que mort s’en suive. Du moins, c’était son projet avant que le destin ne vienne se jouer de lui. Il faut dire que Kyle Hyde est un spécialiste. Déjà, quelques mois auparavant, il avait séjourné dans un hôtel apparemment anodin qui fut pourtant le théâtre d’incroyables révélations qui bouleversèrent la vie du jeune VRP. Aujourd’hui, dans cet ancien hôtel (décidément) transformé en résidence et gérée par une veuve douce mais déterminée, le destin va encore lui faire un pied de nez. Et tout commence par un avis d’expulsion. La résidence va être vendue et rasée par les nouveaux propriétaires, il est donc temps de déménager.
Recyclage
Mais avant de partir, Kyle Hyde devra faire la lumière sur le mystère qui entoure la bâtisse et ses occupants ; un mystère qui, encore une fois, va le concerner de très près. Et si l’histoire prend le temps de démarrer, les rebondissements et révélations vont très vite s’enchainer et nous tenir en haleine jusqu’au dénouement final. Après Hotel Dusk (et dans une moindre mesure Another Code), feu le studio Cing démontre sa maestria lorsqu’il s’agit de raconter une histoire. Les dialogues sont savoureux (et nombreux… mieux vaut aimer lire), le scénario prenant et haletant et l’ambiance oldschool magistralement portée par de petites musiques jazzy nous scotchent à la DS.
On regrettera toutefois que la plupart des musiques soient directement issues d’Hotel Dusk. D’ailleurs, on regrettera dans l’ensemble que beaucoup de choses soient reprises d’Hotel Dusk. Ainsi certaines énigmes feront appel à d’anciennes ficelles étrennées dans leur précédente production. Du coup, outre l’absence totale de surprise, le jeu se révèle également plutôt facile puisque même les Game Over dus aux erreurs d’aiguillage dans les dialogues pourront être habilement évités pour qui aura trainé ses guêtres dans l’hôtel pré-cité. A dire vrai, la difficulté de Last Window ne devrait venir titiller la matière grise des joueurs qu’à partir de l’avant dernier chapitre (10 chapitres en tout). Le reste est une promenade de santé.
The Last One
Les habitués des jeux Cing ne seront pas dépaysés et devraient prendre leur pied avec cette dernière fenêtre. Toutefois, les profanes pourraient avoir du mal avec l’extrême linéarité (encore plus prononcée que pour Hotel Dusk) et les allers-retours incessants capitonnés entre les quatre étages de l’hôtel. Comme pour son prédécesseur, Last Window doit d’avantage être considéré comme un roman interactif, plus que comme un Point & Click classique, même s’il en reprend parfois certains codes. On pourrait donc être déçu par le manque d’initiatives du studio pour faire évoluer sa licence, mais l’ambiance, le design et le scénario se suffisent à eux-mêmes pour nous accrocher.
Et puis, il faut bien avouer que Kyle Hyde est de ces héros qu’on affectionne tout particulièrement. Un peu bourru et rebelle, il séduit le joueur tout autant qu’il séduit ses interlocuteurs. Et quand on sait que la fermeture de Cing signifie qu’on ne le reverra plus, je ne peux m’empêcher de penser qu’il va véritablement me manquer dans le paysage vidéoludique. On aurait aimé en savoir d’avantage sur Ed (non pas l’épicier), qui semble cacher un lourd passé, ou sur Rachel, la jolie secrétaire de Red Crown avec qui Kyle Hyde semble nouer une relation bien particulière. On aurait aimé revoir Mila autrement qu’au cours d’un dialogue un peu inutile et particulièrement court. Tant pis pour nous…
On ne peut pas dire que les développeurs se soient foulés en reprenant presque point par point tous les éléments d’Hotel Dusk. Mais la réalisation et l’histoire se suffisent à elles-mêmes et on se laisse embarquer avec plaisir dans les tribulations de Kyle Hyde.