The Hateful Eight, le film de Tarantino qui ne sortira jamais

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On a mis la main sur le script maudit, et on vous en parle.

La carrière de Quentin Tarantino est semée d’embûches. Son tout premier film en tant que réalisateur par exemple, il n’a jamais vu le jour en raison d’un incendie dans la salle de montage. Ca doit foutre un sacré coup au moral quand on part de nulle part comme lui. Mais bon, vu là où il en est aujourd’hui, faut croire qu’il ne s’est jamais laissé abattre. Alors lorsque le script de son (ex) prochain film a filtré sur le net à cause – a priori – d’agents d’acteur peu scrupuleux (il l’avait envoyé à 6 personnes seulement et ne comptait pas tourner avant l’hiver prochain), la réaction de Tarantino fut digne de lui. Il a tout simplement dit qu’il ne le ferait pas, qu’il en ferait un autre qui n’aura rien à voir et qui ne sera donc pas un western.

Parce que son prochain film devait être un western, oui. Après l’excellent Django Unchained, QT avait la volonté de remettre le couvert dans un genre qu’il apprécie parce qu’il savait maintenant « comment faire » d’après ses propres propos. « The Hateful Eight » c’était son nom. Si vous êtes malins vous trouverez sans doute le script qui traîne sur la toile. Je suis fan donc je l’ai choppé, ne serait-ce que pour voir comment Tarantino travaille, mais par respect je ne vais pas non plus le diffuser à mon tour…

Un script de 146 pages (dans le milieu, une page de script est à peu près équivalente à une minute de film) dont c’était le premier jet, daté du 12 décembre 2013. – Mine de rien ça a filtré très vite… – Un premier jet qui se ressent à travers quelques fautes de frappe ou un personnage francophone qui dit « Mamimoselle » au lieu de « Mademoiselle ».

On peut regretter que ce script ait filtré parce qu’il ressemble à du grand Tarantino, avec ses dialogues ciselés, ses situations folles, son humour, sa violence, et le grand retour de sa narration chapitrée et savamment mélangée. L’avant dernier chapitre est chronologiquement le début de l’histoire, mais grâce à ce découpage on comprend tout le mystère instauré dans les chapitres précédents, tandis que dans le dernier chapitre tout explose pour finir en hécatombe.

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Tarantino a de particulier qu’il mélange toujours plusieurs styles de films de genre. Ici c’est un huis-clos parfait où tout le monde soupçonne tout le monde, associé au western. Une histoire qui se déroule majoritairement dans une espèce de petit magasin isolé durant un blizzard.

Tout commence sous la neige alors qu’une diligence est contrainte de s’arrêter, elle comporte en son sein un chasseur de prime nommé John Ruth (qui devait être joué par Michael Madsen) qui s’est menotté à sa proie, une certaine Daisy Domergue. Il a privatisé le véhicule pour que O.B., le cocher, l’emmène le plus vite possible à Red Rock City où il fera pendre Domergue en échange d’une belle grosse prime. La diligence s’arrête parce qu’elle tombe sur un type assis à côté de plusieurs cadavres, le Major Marquis Warren (qui devait être joué par Samuel L. Jackson), un autre chasseur de prime, en train de se les geler suite au décès de son cheval. Après d’âpres négociations, Ruth accepte de l’embarquer avec lui (et d’attacher les cadavres sur le toit, ce sont de futures primes aussi), ils se connaissent vaguement, mais il s’en méfie quand même. Il craint que les complices de Domergue viennent tenter de la délivrer tôt ou tard. La diligence reprend son chemin mais pas pour longtemps. Un autre type est en rade et crève de froid. Chris Mannix, qui prétend être le nouveau sheriff de Red Rock City où il était en train de se rendre pour la première fois avant que son cheval ne se blesse et meurt. Après de nouvelles négociations et une méfiance toujours palpable, Ruth embarque le type.

Le blizzard se rapprochant à trop grand pas, ils sont obligés de s’arrêter dans le petit magasin de Minnie, un gourbi qui ne vend que trois fois rien mais qui fait du bon café, que les habitants du coin (eux tous) connaissent bien. Mais dans ce gourbi se trouvent plusieurs visiteurs. Les hôtes habituels ne sont pas là, à la place il y a quatre hommes, dont un français (qui prétend être le remplaçant de Minnie partie rendre visite à sa mère pour noël) et un anglais (qui prétend être le bourreau de Red Rock City chargé de pendre les gens qu’il y a à pendre et donc Daisy Domergue).

John Ruth va évidemment se méfier de tout le monde au point de poser ses conditions. Jusqu’à ce qu’on découvre qu’il y a effectivement un complice de Daisy Domergue parmi eux, et même plusieurs.

The Hateful Eight c’est une porte qui se ferme uniquement avec un marteau et des clous, des tensions multiples, des dents de devant qui sautent, le fils d’un général raciste qui taille une pipe forcée à un noir, une douche de sang et des fusillades. Un vrai bon film de Quentin Tarantino.

J’ai été surpris de constater que QT fait très peu de description. Ses films sont toujours très détaillés et pourtant rien ne le laisse supposer dans ce script. Peut-être parce qu’il s’agit d’un premier jet, peut-être parce qu’il s’agit d’un huis-clos, ou peut-être tout simplement qu’il étoffe les détails par la suite en compagnie de ses équipes. Il est amusant de constater qu’il écrit parfois de petites vannes que ne verront que ceux qui lisent le script et qui ne sont pas faites pour être dans le film. Aussi, j’étais plutôt amusé de lire certaines descriptions des tenues « un chapeau de cowboy super cool » par exemple… J’imagine vraiment qu’il se penche sur les détails pendant la pré-prod en compagnie de ses équipes. Intéressant en tout cas.

Pour la petite histoire, Tarantino a porté plainte contre les sites qui ont diffusé le scénar’ pour violation de copyright, ainsi que contre les personnes ayant mis en ligne le script même s’il ne sait pas qui ils sont. Il réclame plusieurs millions de dollars de dommages et intérêts en tout. Pour finir il compte publier le script officiellement, sous forme de livre, ce qui serait une bonne idée ! En espérant que ça soit traduit en français.

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