Kill or be killed, telle est la question

0

Lointaine cousine de la phrase d’Hamlet et de celle du Bon au Truand dans le film éponyme de Sergio Leone, le titre accrocheur du comic book d’Ed Brubaker ne semble pas laisser beaucoup l’alternative à la violence entre les hommes aujourd’hui.

Le synospsis

Dylan, étudiant américain vivant à NYC, est secrètement amoureux de sa meilleure amie qui sort avec son coloc. Jusque-là, rien d’extraordinaire me direz-vous, un triangle amoureux de plus dans la littérature. C’est chiant à mourir. Eh bien Dylan pense pareil, et un soir il décide de mettre fin à ses jours.

Knock, knock. Who’s there ?

 

Il saute du haut de son immeuble mais sa chute est ralentie par des cordes à linges (pas des catcheurs venant en sens inverse lui tapant dans le cou hein) et il atterrit dans la neige, vivant. Il réalise alors que la vie est un cadeau merveilleux et ses sombres pensées s’évanouissent. Ou presque. De retour dans sa chambre, une entité démoniaque apparaît et lui explique qu’elle lui a sauvé la vie. Par conséquent, sa vie lui appartient désormais et il y a un lourd tribut à payer : une vie pour une vie… mais avec renouvellement d’abonnement :  si Dylan veut garder la sienne, il doit lui offrir en sacrifice la vie de quelqu’un…tous les mois ! S’ensuit une descente aux enfers jouissive où l’on assiste à la transformation de Dylan et aux décisions qu’il prend pour devenir ce qu’il est : un homme qui s’affranchit de la morale bien pensante et fait ce qu’il faut pour faire de sa ville « a better place ». Evidemment, la mafia russe et la police ne vont pas voir cela d’un très bon oeil et chaque choix du héros amènera son lot de conséquences qui transformeront définitivement sa vie, pour le meilleur comme pour le pire…

Mais vous êtes fou ? Oh oui !

Tout au long des 4 tomes, le lecteur se demande si ce démon existe vraiment ou bien s’il est le fruit de l’esprit malade du héros causé par un éventuel trauma crânien. Ceux qui ont vu Donnie Darko ne pourront s’empêcher d’avoir une pensée pour le lapin bleu et à la double lecture possible entre fiction fantastique ou egotrip psychologique.

Le rythme

Say cheeeeeese

Le récit très dynamique commence in medias res par un coup de fusil à pompe sur un type. Le ton est donné. Le récit s’articule entre des flashforwards brutaux sur un vengeur cagoulé qui tue à tour de bras et des flashbacks sur Dylan, garçon sensible un peu apathique qui ne fait pas de vague. C’est d’ailleurs cela qui est sidérant et nous maintient en haleine tout au long du comics : jusqu’où le héros va-t-il sombrer dans les méandres de sa folie pour finalement incarner ce personnage violent sans remord, ni peur, ni reproche ?

A la façon du manga Death Note ou à travers des histoires d’anti-héros tels que The Punisher ou le gentil tueur psychopathe Dexter, l’opposition entre la violence et la morale est centrale : peut-elle être justifiée si le héros tue de mauvaises personnes ? Si notre système ne fait pas ce qu’il faut pour exterminer la vermine, est-ce qu’un vigilante a sa place dans notre société moderne pour purger la ville des raclures qui y résident ?

La police semble déjà avoir son avis sur la question…

 

Les scènes de violence sont assez crues voire gores, et elles dénotent avec le reste du comics qui propose  des dialogues posés et de longues tirades lorsque Dylan réfléchit et analyse le monde qui l’entoure. A la violence physique s’ajoute la violence psychologique de certaines scènes, où les protagonistes s’invectivent et se blessent, notamment Dylan et Kira, la personne qui compte le plus pour lui.

Très typé comics américain, le dessin de Sean Philips est efficace même s’il reste assez froid. Cette froideur vient directement servir l’atmosphère pesante et parfois assez triste qui entoure le personnage principal atteint de neurasthénie aiguë, du moins au début. Le découpage des plans est quant à lui très dynamique et rend bien compte de l’alternance entre scène du quotidien et montée en tension des protagonistes.

Conclusion

La BD est un bon défouloir en même temps qu’un divertissement de qualité. Plutôt orienté public adolescent/jeune adulte, ce genre d’histoire permet au lecteur de faire sa catharsis en se purgeant de la violence qui sommeille en lui à travers ce type de figure ambivalente, mêlant le doute de sa propre humanité avec des pulsions de mort contre soi et autrui. Sa fin est quelque peu prévisible et nous laisse d’ailleurs un peu sur notre faim. L’histoire semble découpée de façon arbitraire en 4 tomes, et il n’y a pas réellement de thématisation, ce qui aurait pu structurer davantage le récit afin d’explorer différents aspects de la violence subie et infligée par le héros.

Une petite frustration également concernant la résolution des arcs narratifs des personnages secondaires qui sont un peu bâclés dans le dernier tome. On aurait aimé davantage de développement les concernant mais comme dit le proverbe,  toutes les bonnes choses ont une fin et il n’est de bonne compagnie qui ne se quitte.

Vous reprendrez bien un petit coup avant de nous quitter ?

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *