The Witcher 3, mon papa est un sorceleur

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Ce n’est déjà pas simple d’être père, d’un point de vue général, mais quand ta fille est pourchassée par des guerriers séculaires aussi puissants qu’impitoyables, tu relativises vachement sur tes petits problèmes d’éducation du quotidien…

Catch me if you can

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Ciri, la fille adoptive de Geralt est au coeur de l’histoire.
J’aurai mis plus de cent heures à terminer ce jeu (104 pour être précis). Et comme je ne voulais surtout pas vous en parler avant de l’avoir achevé, ça m’aura pris deux bons mois pour poster ma critique. Ce n’est pas faute d’y avoir passé tout mon temps libre, pourtant. Mais entre le boulot qui t’occupe l’essentiel de tes journées et une femme qui réclame sans cesse que vous « passiez un peu de temps ensemble » plutôt que de t’abrutir avec des jeux vidéo (toi-même tu sais si t’es en couple), tu ne peux malheureusement pas décapiter du noyeur en riant grassement, aussi souvent que tu le souhaiterais. Résultat, nombre d’entre vous auront d’ores et déjà terminé ou largement commencé ce jeu. De toute façon, jamais personne n’attend après nos critiques pour se faire un avis et motiver un achat, non ? Et puis, ça me facilite les choses. Car je vais bien évidemment éviter autant que faire se peut les spoilers, mais ça me parait compliqué de ne pas en inclure un ou deux, mineurs. Rassurez-vous, je ne vous dirais pas que la fin se termine dans une église, avec une grande lumière blanche qui englouti les protagonistes qui étaient tous morts depuis le début. Ni qu’un alien jaune fluo débarque dans un grand WhatTheFuck final parce qu’il n’y avait plus de budget pour réaliser une fin potable. Ni même que l’estropié du début, qu’on pensait inoffensif, s’avère être un caïd impitoyable à l’imagination débordante. Non, je déteste qu’on me spoile, je ne vais donc pas vous l’infliger. Mais je me vois mal ne pas évoquer certains passages, certains détails, comme le fait qu’à plusieurs reprises, on délaissera Geralt le temps d’une danse avec une hirondelle au plumage cendré.

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Les personnages secondaires sont magistralement bien écrits…
Car l’histoire de The Witcher 3 envoie Geralt de Riv sur les traces de sa fille adoptive, Ciri (rien à voir avec l’assistant personnel de l’iPomme). Plus intimiste que ce qu’on a l’habitude de voir – du type « guerrier élu qui combat un ennemi ténébreux souhaitant envahir le monde avec ses légions de démons » (même si…) – cette quête d’une jeune fille perdue va se révéler plus épique qu’il n’y parait. Alors, je ne vous cacherai pas qu’à un moment, courir après un fantôme à Velen, à Novigrad, à Skellige, etc., ça finit par lasser. Mais heureusement l’histoire ne s’arrête pas à cela, et les dizaines de protagonistes principaux qui émailleront votre aventure seront là pour donner de l’épaisseur et du liant à tout ça. Et quels protagonistes, mes enfants ! Quels protagonistes ! C’est bien simple, à part peut-être chez Rockstar, on n’a jamais su « écrire » un personnage comme le sont certains de The Witcher 3 (Le Baron Sanglant est l’un des exemples les plus flagrants de la complexité des personnages… loin des stéréotypes). Le travail autour de ces PNJ, qu’il s’agisse de charadesign, d’écriture ou de voix, est tout simplement fantastique. Par contre, il vaut mieux avoir joué aux deux premiers épisodes, voire avoir lu les romans, tant les références sont nombreuses. Me concernant, je n’ai pas lu les bouquins et me suis parfois senti perdu. J’imagine donc pour ceux qui n’ont même pas joué aux précédents titres… Enfin, ça reste largement surmontable je pense, et à contrario, j’imagine que les fans doivent être aux anges et se toucher la nouille parce qu’un PNJ connu que d’eux vient d’apparaître.

Simulateur de cartes postales

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Y a pas à dire, à Velen ils savent comment mettre les touristes en confiance…
A ce propos, sachez qu’il sera possible d’émuler les événements du précédent épisode pour altérer quelques détails de l’histoire ; comme la présence ou non de Letho, le régicide qu’on peut choisir de ne pas tuer à la fin de The Witcher 2. Je ne sais pas si sur PC, la save est rechargée, mais sur consoles, il suffit de le préciser au début du jeu, puis un interlocuteur vous posera quelques questions à ce sujet, juste après la première map, Blanchefleur. Oui, première map, car ce Wild Hunt n’est pas à proprement parlé un Open World, comme il l’était annoncé. Enfin, presque pas, car le jeu proposera en tout quatre maps, dont deux relativement gigantesques où on passera le plus clair de notre temps. La première map, Blanchefleur, servira surtout de tutoriel de luxe avant notre plongée dans le grand bain. Un tuto d’une bonne dizaine d’heures, tout de même. Ensuite, Velen et Novigrad, la plus grande map, vous accueillera pour la majeure partie de l’aventure. Puis Skellige, plutôt colossale également, vous proposera une intelligente alternative aux environnements jusque-là traversés. Enfin, Kaer Moren est une petite map abritant la citadelle des Sorceleurs.

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Une même région peut vous faire traverser des zones dévastées par la guerre…

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… et d’autres qui en sont particulièrement épargnées.
Le dénominateur commun de toutes ces régions, c’est qu’à tout moment ou presque, vous pourrez vous arrêter, faire un screenshot et obtenir ainsi une carte postale. Alors certes, le jeu est beaucoup moins beau que ce qu’on nous avait montré au début du développement (en tout cas, pour ceux qui n’ont pas un PC de la NASA), mais suffisamment pour qu’on s’émerveille à chaque coup d’œil. Un coucher de soleil sur la vallée, un château sur une colline, un navire échoué sur la berge, une ville grouillante de vie ou une tempête qui ploie les arbres ; c’est simple, on passe ton temps à jouer la bouche grande ouverte. Les conditions météo en particulier, n’ont jamais aussi bien rendues. Et je n’ai d’ailleurs pas souvenir d’avoir vécu ce genre d’ambiance dans un Open World. D’autant plus qu’ici, hormis pour quelques missions spécifiques, rien n’est scripté. Un orage peut tomber à tout moment et zébrer le ciel de fabuleux éclairs.

Affirmer sa différence

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C’est une constante dans la saga : L’inventaire est une vraie plaie !
Avec son passage en Open World, la saga The Witcher a affiné un gameplay déjà percutant, en offrant d’avantage de fluidité et des combats bien mieux chorégraphiés, avec nombre de mouvements possibles (roulades, esquives, gardes, frappes rapides, frappes lourdes, signes…) et des petites animations gores à souhaits, pour parachever les combos. La caméra est cependant capricieuse et le lock finalement peu pratique, mais on s’y fait assez facilement. C’est surtout le cas en mode normal, mais il est certain que dans les modes de difficulté plus élevés, ce défaut doit s’avérer plus gênant. D’autant plus que les combats sont toujours aussi techniques, et les subtilités nombreuses. Les huiles, appliquées sur vos épées, vous permettront de faire d’avantage de dégâts à certains types d’ennemis (encore faut-il savoir lesquels vous allez combattre, puisque c’est impossible à réaliser en cours de rixe). Les bombes et les signes, seront aussi plus efficaces contre certaines races, et le bestiaire sera un allié de poids pour connaitre les faiblesses de vos adversaires (et pour une fois que lire des livres sert à quelque chose). L’esquive et la garde, seront deux techniques de défense à l’efficacité opposée : L’esquive étant plutôt réservée aux combats contre les monstres, quand la garde s’avérera diablement utile contre les humains. Tout ça en gérant ses frappes plutôt qu’en button mashant comme un damné, tout en gardant un oeil sur sa jauge d’adrénaline, intrinsèquement liée à vos possibilités de combos.

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Avec si peu d’emplacements disponibles pour vos capacités, il va falloir faire des choix cruciaux.
Alors les néophytes regretteront peut-être l’absence de choix de classes, permettant de varier l’armement, ou les sorts peu impressionnants, auxquels les RPG nous ont habitué. Mais c’est aussi ce qui fait le charme de cet univers. Ici, deux épées, une d’argent pour les monstres, une de fer pour les hommes et les bêtes, que vous dénicherez, achèterez ou crafterez au fil de votre aventure. Vous disposez également de cinq pouvoirs, appelés signes, vous permettant de projeter des flammes, de créer une enveloppe qui vous protège des coups, de créer une barrière spirituelle pour piéger les spectres, de repousser les assaillants façon Fus Ro Dah ou encore d’influencer l’esprit d’autrui. Chacun de ces signes possède une version alternative qu’il vous faudra débloquer dans votre arbre de compétence, mais aucune qui ne rivalisera avec les effets pyrotechniques de certains RPG. Sachez d’ailleurs, puisqu’on parle d’arbre de compétence, qu’il est impossible à compléter. Pire, débloquer une compétence ne vous permettra pas forcément de l’utiliser, puisqu’il faudra l’activer pour cela, en l’attribuant à l’un des douze emplacements (maximum) disponibles. Mieux vaut donc être précis dans la construction de votre personnage, et améliorer vos capacités de combats, votre faculté à absorber les potions (sans vous intoxiquer), à utiliser vos signes, etc., de manière optimale en fonction de vos besoins.

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Le bestiaire est votre ami. N’hésitez pas à le consulter… surtout avant un contrat.

Vis ma vie de sorceleur

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Un fiellon n’est jamais un adversaire à prendre à la légère…
Et puis, The Witcher 3, ce n’est pas que des combats, loin de là. C’est une quantité astronomique de quêtes, classées par catégories : Principales, Secondaires, Contrats de Sorceleurs, Chasse aux trésors. Si je ne m’étendrais pas sur les quêtes principales, je vais m’arrêter sur les trois autres catégories. Car les contrats, sont des quêtes qui vous demanderont généralement de pister un monstre à l’aide de vos sens de sorceleur (un peu redondant, mais pas gênant), avant de l’affronter de manière, généralement, épique. Ces combats sont plus difficiles mais loot de l’équipement rare particulièrement utile pour la suite de l’aventure. La chasse aux trésors, vous mettra en quête de simples coffres engloutis ou enterrés, mais aussi et surtout vous permettra de dénicher des parchemins de craft pour de l’équipement dédié aux sorceleurs aussi classe que puissant. Enfin, les quêtes annexes ne se contenteront généralement pas de vous envoyer chercher tel objet ou poster telle lettre, mais proposeront nombre de « points de passage », les faisant évoluer, les étirant sur la longueur, pour déboucher sur un final régulièrement savoureux. On se sent impliqué, d’autant plus que nos choix peuvent avoir des répercussions par la suite. On a vraiment l’impression que tout cela correspond à une seule et même grande histoire, plutôt qu’à des activité « extra-scolaires » aux allures de remplissage.

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Parce qu’un Open World sans prostituées, ce n’est pas un Open World !

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Si vous n’avez pas de laisser-passer, il vous suffit de traverser à la nage pour entrer clandestinement en ville.
En s’ouvrant à l’Open World, The Witcher 3 dépoussière le RPG et affirme sa suprématie sur ce genre. Une domination que seul Dragon Age semble en mesure de contester aujourd’hui. Et si ma préférence va pour le titre de CDProjekt, le titre d’EA ne démérite pas pour autant, en proposant quelque chose de différent. Pourtant, comment résister à un univers aussi enivrant, aussi palpable ? A cette quête intimiste d’un père inquiet pour sa fille, sur fond d’allégories sur le racisme et l’écologie ? A ce Game of Thrones avant l’heure, où le médiéval fantastique s’enracine profondément dans une brutalité aussi bien guerrière que politique ? A cette galerie de personnages inimitables et inoubliables (surtout les femmes… hin hin) ? A un jeu qui servira pendant longtemps de maître-étalon pour la concurrence ?

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Manœuvrer son cheval dans les passages tortueux ou chargés, c’est toujours très aléatoire.
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J’avais jamais remarqué à quel point une tour pouvait être belle avant The Witcher 3.

En tout cas CDProjekt, vous pouvez faire péter du Cyberpunk là. Je suis chaud bouillant !

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