Shenmue (1 & 2), l’histoire sans fin

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Il m’était absolument impossible de ne pas faire un rétro test de ma saga préférée de tout l’univers depuis que les jeux vidéo existent, minimum.

Yokosuka, point de départ – Chapitre 1

Tout d’abord il est important de comprendre que la saga Shenmue c’est une seule et même histoire divisée en 11 chapitres divisés eux même en plusieurs jeux. Ainsi Shenmue comprend le premier chapitre et Shenmue 2 les chapitres 2 à 6. Pour connaître la fin de l’histoire, vous faites comme nous, vous attendez patiemment en évitant de craquer.
Il existe des jeux qui marquent bons nombres de ceux qui y jouent, Shenmue 1 et 2 font parti de ceux là. Dès les premières minutes de Shenmue on comprend que l’on est face à une épopée vengeresse et si on peut se dire que ça n’a rien d’original on n’est vraiment pas au bout de nos surprises et l’aventure devient de plus en plus passionnante. A l’époque (le jeu est sorti en 2000 en France) ce qui se déroulait sous nos yeux était tout simplement du jamais vu, graphiquement sublime (moins maintenant, forcément) c’était en plus l’interactivité avec le décor et les PNJs ainsi que la liberté offerte par le titre qui en foutait un coup à nos pauvres rétines humides. Aujourd’hui se retrouver face à un bureau, pouvoir ouvrir son tiroir et récupérer ce qu’il y a dedans parait basique, à l’époque c’était presque un rêve. Les passants dans la rue sont tous capables de dialoguer avec nous, vivent leur propre vie au gré du cycle jour/nuit, à telle heure les magasins ferment, les bars ouvrent, les business man reviennent du boulot etc… Yu Suzuki et son équipe de l’AM-2, les créateurs, nomment ce procédé le F.R.E.E (Full Reactive Eyes Entertainment), un sigle qui résume ce que je viens de vous expliquer (un monde relativement vaste, vivant et surtout interactif).

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Pour bien vous faire visualiser à quel point l’interactivité est impressionnante, si le jeu était redéveloppé sur une machine actuelle (la 360 ou la PS3), les développeurs pourraient difficilement l’augmenter… Imaginez donc ce que ça pouvait représenter à cette époque, c’était colossal. Une salle d’arcade dans la ville propose entre autres des bornes de jeux parmi lesquelles on trouve Hang-On et Space Harrier (les mêmes sortis sur Mégadrive quelques années avant et développés par Yu Suzuki lui-même). Des distributeurs de sodas parsèment les rues et si vous avez l’argent vous pourrez acheter des canettes et peut-être même tomber sur une gagnante permettant de l’échanger contre un ticket de tombola, qui a lieu dans un magasin et peut vous faire gagner des lots. Des petites tirettes vous permettent d’acheter des figurines à collectionner. Dans votre maison il y a une console de jeux (la Saturn) à laquelle vous pouvez jouer (à Space Harrier et Hang-On si vous arrivez à les obtenir). Un petit chaton que vous croisez ne demande qu’à être (basiquement) apprivoisé, et je vous passe les séances de boulot sur le port pour gagner votre croûte à coup de fork-lift truck…

L’art du combat

Les innovations ne s’arrêtent pas là, Shenmue est un jeu d’aventure où l’on enquête, où l’on cherche des indices qui nous mènent à divers endroit, mais aussi d’action. On est donc souvent confronté (pas assez diront certains pour ce premier chapitre, le seul vrai défaut à mon sens qui n’en aurait pas été un si le chapitre avait été collé à ceux de Shenmue 2) à des gros bras à qui l’on devra botter le cul. Deux systèmes entrent dans la partie pour les combats, tout d’abord celui classique que l’on peut assimiler à un jeu de baston à la Virtua Fighter. L’allusion n’est pas anodine puisque c’est Yu Suzuki lui-même qui créa Virtua Fighter également… Un petit bijou de gameplay aussi technique et intuitif que son modèle, je ne vous dis que ça ! (C’est simple il n’existe toujours pas de jeux d’action/aventure où les bastons à mains nues sont aussi bien réalisées). On peut/doit s’entraîner pour améliorer ses coups (les rendre plus puissants, donc plus douloureux pour ses adversaires) et on rencontre diverses personnes qui nous en apprennent d’autres plus ou moins efficaces (on navigue dans le menu pour affilier tel coup à telle manip’) dans l’esprit d’un RPG.
L’autre système intervenant pour les phases d’action se nomme Q.T.E (Quick Time Event), certains boutons du pad s’affichent soudainement à l’écran et on a quelques secondes pour appuyer dessus. Ils apparaissent donc en général durant les bastons, ainsi rater une touche pourra nous faire prendre une dérouillée. Ce système permet d’afficher une mise en scène remarquable digne des plus grands films d’action et a depuis fait pas mal d’émules, preuve du génie de la chose. Il faut également souligner que les arts martiaux et la culture qui s’en dégage (respect, honneur, maîtrise, persévérance) ont une très grande importance dans le jeu et apportent une patte pas franchement coutumière dans le jeu vidéo, ce qui fait toujours plaisir en y rejouant.

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A vrai dire il existe très peu de jeux à l’ambiance aussi prenante et poétique que cette saga. A l’époque je serais même tenté de dire que ça n’existait pas. On se bat toujours sans arme, la violence (jamais jusqu’à sang) est toujours utilisée de manière intelligente, jamais gratuite, pour se défendre ou faire parler des gens peu fréquentables, on ne peut pas marraver n’importe quel pèlerin sans raison, le respect est de mise boudiou. La ville de Yokosuka arrive à transporter le joueur au cœur du Japon, rempli de traditions. Un gros facteur d’empathie entoure Ryo et ses amis auxquels on s’attache de plus en plus tout au long de la dizaine d’heures de jeu, tellement que la tristesse de la séparation en fin de jeu se ressent réellement, du grand art. Certaines scènes d’anthologies interviennent sans même que l’on ne joue à proprement parlé, je ne connais personne ayant joué au jeu qui ne se souvienne du passage en moto où Nozomi est assise derrière Ryo par exemple, d’une poésie rare. L’ambiance sonore est bien entendu grandiose et fait partie des grandes de ce nom, elle a été travaillée avec autant d’importance que le reste et ça se sent. En finissant le titre on se sent incroyablement frustré (puisque l’histoire ne fini pas, ce n’est que le premier chapitre parmi 11 je le rappelle), il n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de la saga (c’est beau c’que j’dis hein ?).

L’aventure prend tout son sens – Chapitre 2 à 6

Shenmue 2 sort un an après le précédent sur la Dreamcast et sortira également sur Xbox deux ans après, en 2003. Shenmue finissait par l’embarcation de Ryo sur un bateau en partance pour Hong-Kong, Shenmue 2 commence alors que Ryo débarque sur le sol hong-kongais. L’interactivité est toujours aussi poussée, le gameplay reste toujours aussi efficace et le graphisme est identique, par contre le nombre de personnages affichés à l’écran impressionne et on sent que le tout pousse la bécane de Sega dans ses dernières ressources. Les villes visitées sont monstrueusement animées, beaucoup plus qu’à Yokosuka et les occasions de flâner sont encore plus nombreuses, ils vont du jeu d’arcade maintenant bien connu (ajoutez Afterburner 2 et OutRun à Space Harrier et Hang-On sans oublier les petits jeux exploitant le Q.T.E déjà présent dans le premier volet) au Pachinko (jeu très populaire en Chine) en passant par tout un tas de combats de rues. A Yokosuka Ryo était l’enfant du pays, ici il n’est plus qu’un étranger parmi d’autres, l’enquête (Ryo est toujours à la recherche du meurtrier de son père) n’en devient que plus palpitante surtout qu’elle révèle des éléments extrêmement passionnants et font même, sur la fin, dévier l’ambiance vers quelque chose d’assez inattendu mais tout aussi palpitant.

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Le level design est cette fois très varié et l’action omniprésente, le tout nous fait vivre de nombreux passages anthologiques du début à la fin. On sera même très surpris des derniers instants du jeu, très « ruraux » et, encore une fois, d’une poésie rare. Les arts martiaux font toujours partie intégrante de l’histoire et on prendra plaisir à rencontrer des maîtres en la matière. On croise une galerie de personnages débordant de charisme et on se fait bien entendu de nouveaux amis (et ennemis) qui donnent encore une fois un côté sentimental bien placé à l’aventure. Au contact de ces gens Ryo apprend également à se maîtriser, à maîtriser ses sentiments, il est très intéressant de constater comme le personnage évolue. Pour résumer, tout ce qu’on ressentait en jouant à Shenmue est décuplé avec Shenmue 2, y compris la frustration finale (le jeu s’arrête donc à la fin du sixième chapitre alors qu’il en reste encore 10 à vivre pour clore l’aventure). Une aventure avec un énorme A qui au passage ne bénéficie étonnement pas de traduction en français, les versions européennes étant doublées en japonais/anglais et sous-titrées en anglais uniquement (seuls les objectifs sont inscrits dans la langue de Steevy Boulay dans Shenmue 2). Ce qui était à l’époque assez suicidaire et qui le serait encore plus aujourd’hui… Cependant la compréhension globale de l’aventure est tout à fait envisageable avec un bête niveau scolaire donc c’est assez criminel de passer à côté. Tout comme il serait criminel de commencer Shenmue 2 sans avoir joué au premier avant…

Précurseur en bien des domaines, encore inégalé pour d’autres, Shenmue (1 & 2) est une saga culte avant même d’être terminée. Une aventure extrêmement passionnante comme il en existe peu, atypique, poétique, prenante, maîtrisée, digne des plus grandes aventures fictionnelles de l’histoire.

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