Retour sur… Hotel Dusk : Room 215

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Après un Another Code remarqué, le studio Cing nous offrait un titre au design atypique et au scénario alambiqué. Mais attention, cette enquête pourrait bien vous mener plus loin que vous ne l’imaginiez…

Un huit-clos haletant

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Kyle est hanté par la mort de Bradley, son équipier qu’il a lui même tué…
Comme souvent, tout débute par un cauchemar : Kyle Hyde, ex-lieutenant de la NYPD revit ses dernières heures de policier. Les quais de l’Hudson et son coéquipier Bradley qui sombre dans le fleuve après qu’il ait fait feu. Aujourd’hui, notre héros a quitté son job et émigré vers la côte Ouest. C’est à Los Angeles qu’il exerce son nouvel emploi : Représentant de commerce pour la compagnie Red Crown. Cette boite est dirigée par un vieil ami de son père. Il l’a spécialement embauché pour effectuer quelques besognes parallèles, pas forcément toujours légales. Notamment retrouver des objets bien spécifiques, réclamés par des clients plein aux as. C’est cette tâche atypique qui amène notre ex-flic à l’Hotel Dusk, un hôtel qui ne paie pas de mine et qui pourtant va bouleverser la vie de notre héros. Cela commence par cette histoire abracadabrantesque de chambre exauçant les souhaits, puis par l’existence d’un autre Kyle Hyde descendu ici même il y a six mois.

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Une jeune fille apparait tel un ange sur le bord de la route…
Ensuite, les souvenirs se bousculent dans la tête de notre ex-inspecteur, par la présence d’un ancien pickpocket de New York qu’il a bien connu ou par l’arrivée d’une jeune fille muette et belle comme un ange, possédant une gourmette qui lui est familière. Ajoutez un écrivain passionné d’arts, une vieille femme borgne désirant séjourner dans votre chambre, un jeune homme fougueux dont l’amabilité n’est pas la vertu première, une jeune femme séduisante et arrogante, un père et sa fille à la recherche de leur épouse et mère et, bien sûr, les gérants de l’hôtel, un quinquagénaire un peu bourru aux allures de Robert de Niro et une mama bonne vivante qu’il ne faut tout de même pas trop bousculer. Tous ces personnages se rencontrent dans cet hôtel, dans un chassé croisé haletant à huit-clos où chacun semble porter un lourd secret qui pourrait bien influer sur la vie du héros et sa quête tourmentée de la vérité.

Un architecture parfaite

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Un puzzle qui tient parfaitement son nom.
Non content d’offrir sans aucun doute l’un des meilleurs scénarii qu’il m’ait été donné de voir dans un jeu vidéo (une histoire pleine de suspense et de rebondissements, empreint de magie, de poésie et d’une redoutable authenticité), Hotel Dusk se paie également le luxe de bousculer les mécanismes du Point & Click. En effet, première surprise (enfin, du moins à l’époque), le jeu vous demandera de retourner la DS à la verticale. Dans cette configuration très romanesque, vous vous retrouverez à évoluer tactilement sur une sorte de plan d’architecte dévoilant les pièces de cet hôtel, pendant que le second écran affichera, au rythme de vos déplacements, une vue à la première personne en trois dimensions. Si cette vue n’aura qu’un rôle informel, l’écran tactile permettra, lui, d’influer sur votre environnement en pointant les personnages auxquels vous souhaitez parler ou en zoomant sur un endroit précis de la pièce pour y récolter les indices qui vous mèneront jusqu’au dénouement final.

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La planque dans la chasse d’eau des chiottes… un classique.
Par cette dernière opération, vous ferez alors apparaître la partie de la pièce concernée en 3D, une partie pour laquelle vous pourrez changer l’angle de vue de façon à dévoiler des indices cachés. A d’autres moments, vous déclencherez de mini-épreuves ou puzzle, s’affichant tels autant d’obstacles à votre quête. Plutôt ingénieuses et bien conçues, ces énigmes pêcheront cependant par une trop grande simplicité (à deux ou trois exceptions près), si bien qu’il sera rare d’être bloqué dans l’aventure. Par contre il sera beaucoup plus courant de tomber sur un douloureux Game Over, à chacun de vos faux pas. Deux mots qu’à notre époque, on aurait presque oublié tant il a disparu du vocabulaire de nos manuels de jeu. Pensez donc à sauvegarder régulièrement.

Faux problèmes

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Il n’a pas des faux airs de Robert de Niro ?
Graphiquement, Hotel Dusk est juste magistral. Une réussite dans toute sa splendeur, à mi chemin entre un comic book (ce qui n’est pas banal pour un jeu japonais) et un rough de cinéma. Le chara-design unique et particulièrement soigné de l’ensemble des personnages les rend passionnants et nous donne cette irrésistible envie d’en découvrir d’avantage à leur propos, tandis que le level design nous dévoile un hôtel renfermant de multiples secrets et de nouveaux lieux à explorer au fil du temps. Certains pourront reprocher au jeu d’incessants aller/retours dans les couloirs de l’hôtel. Je leur répondrai qu’en plus d’accentuer la crédibilité déjà exacerbée du titre, cela permet au joueur de se familiariser avec les lieux, se retrouver presque chez lui, dans une atmosphère confinée et pesante où chacun de ses déplacements semble épié par un trou de serrure. Alors oui, les plus fainéants n’auront sans doute pas les ressources nécessaires à la lecture des nombreuses lignes de dialogue.

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Rachel, la secrétaire du boss de Kyle… y a anguille sous roche entre eux.
Il est donc déconseillé de s’y frotter si on n’est pas capable de lire un test autrement que par son verdict, si on écrit sur les forums en langage SMS ou si la dernière fois qu’on ait lu un roman date de quelque part en Avril 1952. Au final, les seuls reproches valables qu’on pourrait faire à cette merveille de jeu, c’est quelques incohérences dans son gameplay (Par exemple, le trombone sur la brochure ne pourra être ajouté à l’inventaire que lorsqu’on aura cassé la clé dans la serrure de la mallette) ou une replay value totalement absente, ou équivalente à un bon roman, du fait de la relative linéarité du titre (même s’il existe trois fins à peine différentes). Deux petits défauts qui n’empêcheront pas Hotel Dusk : Room 215 de faire figure de petit bijou, de par sa poésie et une qualité d’écriture auxquels on n’a pas forcément l’habitude, gavés que nous sommes de jeux de guerre et de barbarie.

A mon sens, il s’agit tout simplement du meilleur jeu DS : Résolument adulte, beau comme le diable et offrant un scénario incroyable à faire pâlir les plus grandes productions cinématographiques. Son coté roman interactif en rebutera peut-être quelques-uns, tant pis pour eux.

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