Parler c’est bien, créer c’est mieux

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Philosophons un peu avec cet article où je vous explique pourquoi je trouve de plus en plus absurde le fait d’écrire une critique – sur le jeu vidéo, mais pour le reste ça marche aussi -.

Moi, moche et méchant

Rédiger une critique c’est donner son avis. Une chose que je fais à titre professionnel ou amateur depuis maintenant 10 ans déjà. Depuis plusieurs années j’éprouve là-dedans une grande frustration et un manque de motivation de plus en plus pesant. Pour plusieurs choses. La première c’est l’acte en lui-même : « donner son avis ». Qu’est-ce que ça peut foutre que je donne mon avis ? A quoi ça sert ? Alors certes lorsqu’on me paye pour ça j’ai moins d’état d’âme et je me plie à la ligne éditoriale, je conseille ou démotive un achat au consommateur, un peu comme le ferait un vendeur, ou alors je m’applique à me dire qu’au mieux la critique dans sa plus grande justesse fera avancer les créateurs du jeu.

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Mais ce n’est pas ça qui m’intéresse, au contraire. Déjà sur les publications les plus lues en matière de jeux vidéo, en tant que consommateur de jeux vidéo moi-même, je suis tellement souvent en désaccord avec ce qui est dit que je ne peux de ce fait réduire mon propre lectorat à une bande de moutons qui se fie à l’avis d’une presse ou d’un type pour acheter un jeu ou non. Ensuite qui je suis pour espérer faire avancer des créateurs de jeu alors que je n’en ai moi-même jamais été un, certes c’est un domaine qui m’intéresse beaucoup, que j’ai étudié, certes certains corps de métiers comme le scénario, le design narratif ou le game design me passionnent, mais concrètement jamais personne ne m’a vu dans les crédits de fin d’un jeu et tant bien même qui je serais pour me permettre de juger le travail des autres en pensant que ça pourrait les faire avancer… Et puis à l’ère du web 2.0 où tout le monde à un avis sur tout et peut l’exprimer facilement, je vois encore moins d’intérêt à jeter le mien dans la mare.

L’avis d’artiste

La deuxième chose qui me rend de moins en moins concerné par la rédaction des critiques, c’est justement l’absence de côté créatif. L’élaboration d’une Nalyse qui se revendique subjective ce n’est pas pour rien. Si je suis capable de vous refiler du « Alpha Proctologue » en guise de critique d’Alpha Protocol comme si le jeu venait se faire ausculter dans mon cabinet, ou si je compare un Shank à un plan cul, bref si je vous rédige des trucs farfelus à la place des critiques lambda, ce n’est pas pour rien non plus. J’ai besoin d’apporter un côté créatif à ce que j’écris pour avoir l’impression de servir à quelque chose, pour y prendre plaisir. L’objectivité n’est pas artistique, elle n’est pas créative, l’objectivité est journalistique – et paradoxalement je ne trouve pas qu’une critique de jeu vidéo soit un travail de journaliste soit dit en passant -, on doit prendre parti pour créer, je veux créer, y compris autour du jeu vidéo, de la presse jeu vidéo.

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Alors encore au pays des Soviets, Tintin avait déjà raison.

J’ai fait une BD pour ça, j’ai fait Bikini Sandwich pour ça. Mais ce n’est pas le débat, je continuerai à faire des critiques pour Polygamer par respect pour les éditeurs qui nous envoient encore des jeux pour qu’on vous en parle. Parce que parfois un titre va tellement me plaire que ça va devenir jouissif d’en parler, mais oui, dans le fond, je n’y vois pas grande utilité et éprouve bien plus de plaisir à jouer qu’à parler du jeu en soi. J’éprouve bien plus de plaisir à créer un papier décalé autour de l’aspect d’un jeu qu’à donner mon strict avis sur un jeu.

L’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs, mais on nous paye pour l’entretenir

D’autant que le métier de critique est corrompu par endroits, pourri par d’autres. Une critique sert globalement d’outil promotionnel à l’éditeur de jeux, avec toutes les dérives que ça implique. Les NDA démentielles, les recommandations absurdes, les interdictions étranges et les consignes intolérables (juste pour ces dernières semaines : God of War : Ascension interdit d’être testé sans parler du multijoueurs, Crystal Dynamics qui exigeait de donner son aval aux screenshots pris par les rédactions pour le test de Tomb Raider et qui ne devaient pas dépasser la dizaine et encore, SimCity qui devait être testé en quelques heures dans les locaux d’EA pour avoir une pseudo avant-première etc) (parfois je me dis qu’on est béni sur Polygamer d’être aujourd’hui snobé par une grande partie des éditeurs ou d’avoir les jeux super en retard tant JAMAIS on accepterait ces conditions). Il y a trop d’aspects un peu trop louches autour du métier de critique de jeux vidéo et trop d’immaturité dans les lignes éditoriales pour qu’une critique puisse de toute façon être intéressante dans toutes les publications. Finalement à titre personnel, en tant que lecteur je suis systématiquement bien plus intéressé par les magazines et les sites qui attachent plus d’importance aux dossiers, aux articles de fond, aux reportages et aux interviews, qu’aux publications qui mettent en avant leurs critiques et l’actualité. Encore plus lorsque je sais ce qu’il peut se passer au sein de certaines rédactions…

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C’était vraiment très intéressant…

De plus, je ne peux et ne veux plus consacrer autant de temps à parler de façon « basique » d’un jeu vidéo bénévolement alors que je peux être payé ailleurs pour faire parfois mieux et plus intéressant. Même si c’est facile de ne faire que simplement donner son avis sur un jeu, un film, une BD, je préfère vous prévenir que je vais m’appliquer à l’avenir sur Polygamer à peut-être moins écrire mais à encore le faire de façon toujours un peu plus différente que lorsqu’il s’agit de faire une critique ailleurs…

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