Mass Effect 3, la fin d’un mythe

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Si ce n’est sans doute pas la dernière sortie de Mass Effect, ce troisième épisode marque la fin d’un cycle : Celui du commandant Shepard, un héros qui aura marqué sa génération comme peu avant lui.

La légende

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Une mission bien nase pour commencer, c’était pas le meilleur choix pour nous rassurer.

Pour moi, la saga Mass Effect est sans conteste la plus importante, la plus grisante et la plus réussie des licences de cette génération ; bien loin devant les Gears of War, Uncharted ou autres Bioshock.
Son mythe est sans commune mesure avec ces jeux précités (et ceux non cités d’ailleurs), car il dépasse le cadre du seul jeu vidéo. A termes (car il ne faut pas se leurrer, on va encore en bouffer), je suis persuadé qu’il n’aura rien à envier aux plus grandes sagas de l’industrie cinématographique, Star Wars en tête.

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L’homme trouble et Cerberus, plus que jamais au centre de l’histoire.

Oui, les trois jeux qui composent la série sont loin d’être parfaits, et sont peut-être même tout aussi frustrants qu’ils ne sont excitants. Toutefois, au-delà des choix parfois discutables dans les mécaniques de jeu, le level design et bien sûr, la fin tant controversée de la trilogie, Bioware a réussi le coup de force, voire le coup de génie, de nous dépeindre un univers d’une infinie richesse et d’une incommensurable complexité, où s’entremêlent guerres séculaires, secrets politiques et actions diplomatiques d’une rare justesse, et d’une incroyable crédibilité.
Sans parler bien sûr, de ces personnages inoubliables… De Sheppard à Garrus, en passant par Liara, Tali, Joker ou Wrex, pour ne citer que les membres de l’équipage.

Quels autres jeux peuvent se vanter de proposer des choix moraux aussi délicats, et parfois cruels (on parle tout de même de génocide), que ceux de Mass Effect ? Quelle autre trilogie a eu l’idée de génie d’utiliser les sauvegardes passées pour nous proposer une expérience personnalisée ? Qui d’autre a osé parler – non, montrer ! – l’homosexualité féminine et masculine, comme l’a fait le titre de Bioware ?
Pendant que le gouvernement français (et pas seulement) se montre hostile au mariage gay pour ne pas froisser ses électeurs fascistes, notre pilote de navette, un mec, parle ouvertement de son mari tué par les récolteurs. Si ça ce n’est pas le symbole d’un jeu largement en avance sur son époque, qu’est-ce que c’est ?

Homosexualité, racisme, spiritualité… Mass Effect n’est pas un jeu, c’est un putain de vecteur social !

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On nous a collé un Ricky Martin sous stéroïdes comme coéquipier.

Du pain sur la planche

De ce point de vue-là, ce troisième volet et dernier de la trilogie Shepard ne déçoit en rien.

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Mordin, l’un des personnages les plus réussis. Bande de salauds !

Les moissonneurs sont là, et mettent tout en œuvre pour raser la galaxie des humains, turiens, asari… peu de races organiques sont épargnées par ce massacre programmé, clairement déséquilibré.
La tâche qui incombe alors à Shepard, est de laisser la Terre dévastée derrière lui, et de sillonner la galaxie pour rallier les autres races et monter ainsi la plus grande flotte militaire jamais vue.

On pourrait croire que c’est un job de planqué, qu’un petit mail accompagné de quelques photos chocs devrait suffire à unir les races. Malheureusement, leurs histoires communes sont bien trop lourdes, les secrets bien trop enfouis et les inimitiés bien trop présentes encore pour que ça soit si simple. Même aux portes de l’extinction.
Surtout lorsque parmi ces armées, on trouve de puissants guerriers asociaux et brutaux, stérilisés de force car ils se reproduisent comme des lapins sous viagra, des entités logicielles piratées par les moissonneurs et chassées par leurs créateurs, ou des combattantes biotiques que la suprématie technologique a rendu suffisantes et hautaines.

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Les combats ont grandement gagné en dynamisme.

Shepard va donc devoir négocier ferme, faire fi de ses propres idéaux (ou au contraire, les imposer… à vous de choisir et d’en subir les conséquences) et tenter de refermer des blessures séculaires dont certaines sont presque plus vieilles que l’humanité elle-même.
Et bien sûr, accessoirement, il va botter des culs suffisamment fort pour les envoyer sur orbite !

Cela donne lieu à des missions aux enjeux colossaux, pour la plupart mises en scène avec maestria et bien plus soignées, en terme d’ambiance et de level design, que dans les deux précédents épisodes.
Mention spéciale à Palaven, avec la planète des turiens à feu et sang en arrière-plan, Thessia en proie au chaos ou encore au camp de réfugiés sur Horizon.
Sans oublier la Citadelle, plus belle que jamais… d’autant plus après Mass Effect 2 où cette dernière se cantonnait à deux ou trois pauvres salles exigües.

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Joker passe son temps à faire des vannes… même que des fois c’est drôle.

On regrettera toutefois qu’elle soit un peu seule, au chapitre des capitales pacifiées.
Personnellement, j’aurai aimé revoir Illium, ou reprendre Omega aux côté de la charismatique Aria, bien trop sous-exploité ici.
Dans le même ordre d’idée, il est déplorable que la mission sur Terre (à Londres, ça change de la sempiternelle New-York), mission finale qui plus est, soit aussi peu inspirée (mais sacrément burnée niveau challenge).

Soumis à polémiques

L’impression de mener une guerre totale, non pas mondiale mais galactique, et de parcourir l’univers à la recherche de la moindre ressource est particulièrement bien rendu, et la tension ne retombe quasiment jamais.

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Visiter Tuchanka sans Krogan a ses côtés, c’est comme manger une bavette sans frites.

Par contre, l’idée de « forcer » les joueurs à s’orienter vers le multi pour augmenter ses ressources militaires au maximum, n’est sans doute pas la plus judicieuse qu’a eu Bioware ; d’autant plus dans une série jusque-là exclusivement solo, et particulièrement onaniste de par son expérience personnalisée.
Ajouter un mode multi pour le fun, pourquoi pas. L’imposer, c’est complètement con.
Heureusement, il n’est pas forcément nécessaire d’y prendre part pour terminer la trilogie, et vu l’impact de ces ressources (ainsi que de la majorité de nos choix) sur la séquence finale, on oubliera bien vite cet affront.

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Avec son laser, un moissoneur peut détruire une flotte entière… mais est incapable de toucher Shepard. Allez comprendre !

Car oui, vous n’ignorez sans doute pas que la fin de Mass Effect 3 est soumis à de nombreuses polémiques.
Certains pensent que Electronic Arts en est le principal responsable, ayant forcé Bioware à la bâcler pour sortir dans les temps. On ne le saura sans doute jamais, mais les rumeurs de DLC pour la modifier sont légion, c’est dire l’importance que cette histoire a prise…
La contestation a même été relayée par de « grands » médias américains comme CNN ou FoxNews, décidément grand copain de la licence (cf polémique Liara du premier épisode).
Tout ça n’est d’ailleurs pas sans rappeler une autre grande polémique autour d’une saga dont la fin avait attisé les foudres des fans, cette fois-ci télévisuelle… Lost !

Personnellement je n’ajouterai pas d’huile sur le feu.
Certains détails sont agaçants et dans l’ensemble, cette épilogue est décevante et parfois en totale incohérence avec le reste de la trilogie et la personnalité du commandant Shepard. Mais je préfère retenir les 130 heures qui précédaient, plutôt que les quelques minutes de la cinématique finale.
D’autant plus que je ne vois pas l’intérêt d’un DLC, ni comment l’insérer dans la campagne, puisqu’à la différence des deux premiers (en tout cas du deuxième, je ne me souviens plus pour ME1), il est impossible de continuer à jouer à la fin du scénario.
Après la courte scène post-générique, notre dernière sauvegarde est rechargée, juste avant l’intervention sur Terre.
Changer la fin par DLC, reviendrait donc à nous pousser à refaire intégralement cette mission. Ce serait une première dans l’histoire du jeu vidéo.

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On ne voit toujours pas Tali sans son masque, hormis sur cette photo piquée sur GettyImages.

En réalité, je suis surtout déçu par la durée de vie de cet opus, presque deux fois moins importante que pour les deux premiers volets.
Les missions sont plus intenses, mieux gaulées, et les combats n’ont jamais été aussi bien calibrés. Mais ça manque cruellement de quêtes annexes, si ce n’est de ridicules missions à effectuer pour d’illustres inconnus de la Citadelle, en scannant le cosmos comme un connard.
Franchement, Shepard n’a-t-il vraiment que ça à foutre ?

Déçu aussi du si petit nombre de coéquipiers à emmener en mission, même si le jeu prend clairement des airs de chorale, en remontant nos anciens équipiers (du moins, ceux encore vivants) au premier plan.
Malheureusement, ceux-ci seront pour la plupart, bien trop occupés pour rejoindre l’équipage du Normandy. On n’aura même pas droit à un Krogan dans nos rangs. Quelle connerie !

Fan service

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Contre ces brutes, mieux vaut rester en mouvements et éviter le face à face.

Comme ses prédécesseurs, Mass Effect 3 n’est donc clairement pas le jeu parfait, et plus d’une fois j’aurai pesté contre lui ; et notamment sur ses nombreux bugs rendant certaines quêtes annexes impossibles à terminer.
C’est d’ailleurs une première dans l’histoire de la série me concernant… si on excepte un bug similaire dans le DLC du courtier de l’ombre de Mass Effect 2 (qui s’est résolu tout seul en rechargeant la partie).

Est-ce le témoin d’une sortie précipitée pour coïncider avec la clôture des bilans financiers, fin mars (sachant que le jeu est justement sorti en mars) ? Cela pourrait corroborer la théorie d’une fin bâclée à la demande d’EA.
Ou est-ce juste un exemple de plus de ce qu’est devenue l’industrie du jeu vidéo, où les phases de bêta test ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes et où la grande majorité des jeux sortent incomplets et bancals ? Difficile à dire.

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Les Asaris moissonnées sont les ennemis les plus coriaces… et de loin.

Toujours est-il que malgré tout, Mass Effect 3 tient l’essentiel de ses promesses et transporte le joueur au-delà de ses espérances.
Bien sûr, il est complètement inutile de se lancer dans la licence avec ce troisième opus, les références étant bien trop nombreuses. D’ailleurs, je me demande encore comment les joueurs PS3 peuvent y jouer, sans avoir connu la majeure partie des événements passés.

Dans le même ordre d’idée, il est également curieux de constater l’importance que prend le DLC de Mass Effect 2 concernant le courtier de l’ombre, personnage aussi mystérieux qu’emblématique de la série.
Ceux ne l’ayant pas acheté et terminé, vont apprendre quasiment dès le début et de façon très abrupte et succincte, que Liara a pris sa place. Sans plus de précision.
Dommage pour eux ; surtout que pour être tout à fait honnête, le DLC concerné est sans doute le meilleur de la série et mérite largement le détour.
C’est aussi, à mon sens, le seul qui soit véritablement essentiel à ce jour (le premier DLC de ce troisième volet étant, parait-il, complètement inutile), même si Kasumi, la voleuse également apparue en DLC, fait elle aussi une courte apparition… dans une quête buggée malheureusement.

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Salut Liara. Ah ouais, c’est toi le fameux Courtier de l’ombre ? Ravi de l’apprendre…

Bref, Mass Effect c’est fini et j’aurai pris mon pied comme rarement… Non, n’ayons pas peur des mots : Comme jamais.
Il y a de grandes chances que la licence ne revienne pas avant la prochaine génération de consoles, mais j’espère déjà qu’on retrouvera la même qualité narrative et des mécaniques de jeu d’avantage maitrisées ; mais surtout que le jeu ne sera pas sacrifié sur l’autel de la rentabilité. Surtout avec une licence représentant une telle manne financière (à priori le jeu cartonne).

N’empêche, quelque part, ça me rend tout chose de savoir que j’en ai fini avec mon Shepard. C’est qu’ils vont réussir à me rendre mélancolique ces cons…

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