Baldur Dragon Age, quand le jeu de rôle redevient épique

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Annoncé partout comme le fils spirituel de Baldur’s Gate, le dernier né des canadiens de Bioware revient aux sources du RPG occidental.

Mauvaise langue

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Comme dans Fable II, vous emmènerez votre gentil toutou avec vous… Même si celui-ci est plutôt encombrant.
Avant toute chose, je tiens à préciser que l’aventure dans Dragon Age se fait intégralement en version française et que s’il est habituellement possible de passer en anglais en modifiant les paramètres de la console, ici ça n’est malheureusement pas le cas. Si j’en parle comme ça en préambule, c’est parce que les nombreux noms propres francisés me semblent moins crédibles qu’en version originale. Je ne saurais donc conseiller aux plus à l’aise d’entre vous avec la langue de Shakespeare, de se laisser tenter par l’import. Le jour où les éditeurs nous proposeront enfin de la vost de manière régulière, comme c’est le cas avec le cinéma… on aura fait un grand pas ! En attendant, je saluerais tout de même la qualité du doublage français, parfois un peu trop caricatural ou forcé, mais compte tenu de la quantité de lignes de texte, on sera indulgent. De toute façon, j’imagine que nombreux sont ceux dans notre bel hexagone qui préfèrerons passer par celle-ci plutôt que de se creuser les méninges à essayer de comprendre ce que baragouinent nos interlocuteurs dans la version anglophone. Faut dire qu’ils sont sacrément bavards à Ferelden.

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Difficile de faire un RPG Heroic Fantasy sans orcs dignes de ce nom.
Précisons aussi que les contrôles sont plutôt bien pensés sur consoles, mais là encore, je ne saurais que vous conseiller d’opter plutôt pour la version PC, si celui-ci est assez puissant pour l’afficher correctement. D’une part parce que c’est toujours plus simple au combo souris/clavier et d’autre part car cette dernière propose une vue stratégique, plongeante, à l’instar de ce que proposaient déjà en leur temps, NeverWinter Nights et Baldur’s Gate. Cette vue est curieusement absente sur la version consoles, mais cela ne l’empêche pas d’être agréable pour autant. Enfin, et j’en terminerai avec ce préambule, attendez-vous à un test fleuve. Je sais qu’à notre époque, on préfère lire en sms et regarder des images que de s’emmerder avec des mots et de la ponctuation, mais jamais je crois, je n’avais eu autant à dire sur un jeu que sur celui-ci. Passer à coté de chacun de ces détails serait, à mon sens, galvauder cette chronique tant ils ont tous une importance capitale dans la représentation de cet univers extrêmement riche et complexe.

Ecrire l’histoire

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Aaaah Morrigan… Elle va vous faire rêver. D’ailleurs jamais vous ne lui ferez revêtir une armure ou une robe de mage tant celle-ci lui va… hummm… bien.
Avant d’être un jeu, Dragon Age c’est un univers, un monde. On était pourtant habitué avec les jeux du studio canadien, mais pourtant, ils arrivent toujours à nous donner le vertige avec leur minutie d’horloger suisse : De Baldur à Mass Effect, de Neverwinter à Kotor, à chaque fois l’univers qui nous est dépeint est incroyablement riche, incroyablement complexe et incroyablement détaillé. Bien sûr, on ressent ici l’influence du Seigneur des anneaux à chaque coin de route. Mais c’est un peu l’apanage de tous les jeux heroic-fantasy, non ? De plus, le jeu va bien au-delà de ce à quoi Tolkien nous avait habitué. Le joueur est en effet plongé dans le monde de Ferelden, un puissant bastion pour l’humanité, régit par un roi un brin puéril mais ô combien juste et charismatique. Cet équilibre est toutefois corrompu dès les premières minutes par le réveil annoncé de l’Archidémon, un redoutable dragon à la tête d’une armée des ténèbres, fondant sur le monde des hommes. Ce n’est pas la première fois que cette sombre armée tente sa chance. Toutefois, à sa précédente tentative, l’Archidémon fur repoussé par la résistance acharnée des Gardes de l’ombre, une coalition d’hommes, d’elfes et de nains, tous des combattants d’exception, qui mirent leur vie en jeu pour repousser l’ennemi.

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Leliana vient d’Orlais, une région dans l’univers de Dragon Age très largement inspirée de la France.
De la gloire d’antan, il ne reste guère que des cendres. Les Gardes des ombres ne sont plus très nombreux, mais ces derniers honorent leur réputation en combattant sans relâche aux cotés du roi. Seulement parfois, ce ne sont pas des démons qu’il faut le plus se méfier… D’heure en heure, l’aventure nous plonge alors dans un monde de trahison, de pouvoir et d’horreur, mais aussi un monde d’honneur, d’amitié et de justice. La politique et les luttes de pouvoirs y sont monnaie courante, et vous comprendrez bien vite que rien n’est jamais blanc ou noir… tout n’est qu’une infinité de nuances de gris dans laquelle vous allez devoir vous situer. C’est là que les différences avec l’œuvre de Tolkien sont les plus marquantes. Qu’il s’agisse de la religion unique à la gloire de la déesse Andrasté, régit par des matriarches et guidant le courroux des templiers contre les mages qui se refuseraient à rester cloitrer. Ou encore, qu’il s’agisse du peuple nain, abandonné sous la montagne dans une guerre séculaire contre les créatures de l’ombre, qui s’entredéchire pour accéder au trône laissé vacant. Ou enfin, qu’il s’agisse des elfes, reclus dans une forêt hostile, dont la rancœur contre les hommes ne fait que croitre depuis que ceux-ci les ont massacrés pour piller leurs terres. Les occasions ne manquent jamais pour constater que le monde de Ferelden n’est pas aussi rose que celui de la Terre du milieu.

La Genèse

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Ce démon, vous aurez le choix de l’exterminer ou de le laisser en paix. Faut dire que le pauvre bougre sous son emprise n’est pas si à plaindre que ça, non ?
Même s’il est bien entendu fictif, le monde de Dragon Age propose de nombreuses similitudes avec le notre. On peut aussi y lire des messages forts dans la narration, qu’on n’aura guère de mal à rapprocher à notre propre histoire : Les elfes, qui ont quelque chose de « natif américain », les religieux qui pratiquent la chasse aux sorcières (littéralement), ou encore la quête des cendres d’Andrasté qui nous rappellera sans mal celle du Graal. Tout cela fait de Ferelden, le monde le plus crédible que le RPG ait engendré. Mais avant de pouvoir arpenter cet univers, vous allez devoir vous frotter au sempiternel et inévitable écran de création de son personnage. Ici, les habitués de Baldur’s Gate ou Neverwinter Nights pourraient bien se sentir désarçonnés, voire désabusés. Car il est vrai que les possibilités sont plutôt réduites : Seulement trois races (Humain, Elfe, Nain) et six spécialisations, ça parait peu. Mais rassurez-vous, si ce choix est bel et bien limité au départ, par la suite, le développement des arbres de compétences va permettre de personnaliser d’avantage son héros et de se détacher petit à petit de son choix originel. Cette limite de six spécialisations est aussi due au titre du jeu, ou plutôt son sous-titre : Origins. Car selon les spécificités de votre héros, vous débuterez l’aventure différemment, dans un tout autre contexte.

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Le feu est l’un des effets spéciaux les plus réussis.
Ainsi, dans la peau d’un guerrier, vous commencerez en tant que fils de seigneur dont le frère ainé est engagé au front face aux armées des ténèbres. Dans la peau d’un mage cependant, vous à participerez à un rituel de certification, dans cette fameuse tour à mi chemin entre l’académie et la prison, seul endroit au monde où les mages sont autorisés à user de leur magie, sous l’œil vigilant des templiers. Par la suite, les divers chemins vont finir par se recouper, assez rapidement d’ailleurs, et dès lors la trame principale ne devrait guère changer ; si ce n’est par quelques remarques de-ci de-là sur le passé de votre avatar. Dommage donc que Bioware n’ait pas poussé d’avantage de ce coté là justement. Toutefois l’idée était bonne et a le mérite d’apporter un petit quelque chose à l’habituel replay value de ce type de jeu. Après, on retrouve tout ce qui a fait la force des jeux de Bioware jusqu’ici, à savoir les différences notables dans la création et l’évolution de son personnage, mais aussi et surtout les choix fait durant notre aventure, qui influenceront énormément son déroulement, par le biais d’événements en cascades en découlant, ou encore par les relations entretenues avec vos différents équipiers.

Amis pour la vie

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La première fois que vous rencontrerez un ogre, vous allez en prendre plein la gueule.
Car vos alliés ne seront pas là pour faire de la figuration. D’une part, parce que le jeu est particulièrement ardu (un peu moins depuis qu’il a été patché) et qu’il est primordial d’avoir une équipe homogène pour survivre dans ce monde. Mais surtout, parce que chacun d’entre eux possède sa propre personnalité et ne sera pas forcément toujours d’accord avec vos décisions. A vous donc de suivre votre voie, en jouant de diplomatie pour essayer de ne froisser personne de manière irrémédiable, au risque de le voir quitter le groupe voire de se retourner contre vous. Mieux, vous pourrez discuter avec eux, de choses et d’autres, afin d’en apprendre plus sur leur passé et leurs aspirations. Là encore, il faudra prêter attention à leurs réactions pour ne pas les vexer. Enfin, vous pourrez même leur offrir des cadeaux, que vous achèterez ou trouverez tout au long de votre aventure. Oui, je sais, ça parait bête comme ça, mais sachez que plus un allié vous portera aux nues et plus son efficacité en combat s’en verra accru. Et là du coup, ça parait beaucoup moins bête. Bioware oblige, vous pourrez même vivre une relation amoureuse avec l’une ou l’un d’entre eux (homosexualité incluse).

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Lorsqu’il vous choppe comme ça, ça fait très mal… d’ailleurs j’ai encore les côtes douloureuses.
Pour en finir avec les alliés, sachez également que le titre propose une pointe de stratégie bienvenue. En effet, via le menu des tactiques, vous pourrez assigner des consignes à chacun de vos équipiers : Leur demander de rester à distance, d’attaquer la même cible que vous, la cible la plus forte ou la plus faible, se soigner dès que leur santé tombe en dessous d’un certain %, vous soigner dans les mêmes conditions, utiliser telle ou telle technique lorsqu’ils sont encerclés ou même changer d’arme au corps à corps. Au départ, chacun d’entre eux possèdera quatre slots tactique, mais au fur et à mesure de votre progression (enfin surtout de la leur), ils pourront gagner deux ou trois autres slots supplémentaires pour affiner encore d’avantage votre stratégie. Au départ, il est vrai que ce système fait un peu gadget. Mais rapidement, lorsque les choses commencent à se corser, on finit forcément par aller y faire un tour. On s’y plonge, on étudie la chose et force est de constater que finalement, ce n’est pas si gadget que ça… au contraire, ça me semble aujourd’hui, après une bonne quarantaine d’heures de jeu, indispensable.

Sang pour sang

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Mon premier combat contre un dragon, je l’ai connu à la 35ème heure de jeu… ce fut un massacre. Je retournerais lui faire sa fête quand je serais mieux préparé.
Oui vous avez bien lu : « Une bonne quarantaine d’heures de jeu ». Et croyez-moi, je suis encore loin d’avoir terminé l’aventure principale. Je n’ai même pas effectué toutes les quêtes annexes que j’ai accepté sans parler de celles j’ai laissé passer ou ignoré consciemment. La durée de vie de Dragon Age est colossale et s’il est vrai que les combats peuvent parfois s’avérer redondants, ce n’est pas le cas de l’histoire qui nous porte véritablement de moments épiques en moments épiques. Et parfois, ces derniers peuvent survenir de n’importe où sans qu’on s’y attende… comme lorsqu’on trouve un calice rempli de sang et que, machinalement, on s’en saisit pour se retrouver alors nez à nez avec un puissant guerrier zombie qu’on aurait mieux fait de laisser roupiller. C’est assez surprenant et à la fois excitant de se dire que la mort peut survenir derrière n’importe quelle porte, et pas seulement s’attendre à découper du menu fretin en sushi pour n’en baver que contre les boss de donjons. La moindre erreur peut s’avérer fatale et la pause stratégique, permettant d’arrêter l’action pour donner des ordres directs à vos alliés est salvatrice, tant une situation peut vite dégénérer en bain de sang… votre sang.

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Les villes sont une des plus grandes déceptions. Elles ne sont pas aussi majestueuses que celles de Baldur ou de Neverwinter.
Et puisqu’on parle de sang, j’aimerai faire une parenthèse sur l’amusante modélisation de l’hémoglobine dans Dragon Age. Car sachez-le, chaque fois que vous combattrez au corps à corps, des gerbes de sang viendront tacher votre armure et même votre visage. Le rendu est plutôt réaliste et particulièrement grisant lors de grandes batailles. Toutefois, il ne faut pas abuser des bonnes choses. Car voir votre héros parler de sujets graves, voire romantiques, la face dégoulinante du sang d’un modeste rat, fait rapidement tourner la situation au burlesque. La palme revenant à la quête des cendres d’Andrasté, où votre héros se retrouvera en slibard, couvert de ketchup des pieds à la tête. Un grand moment de solitude… Enfin, c’est amusant, ridicule et particulièrement absurde mais on n’en fera pas une affaire d’état non plus. Le titre est suffisamment bourré de qualités pour qu’on s’arrête sur un si modeste défaut.

Grand timide

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Tout comme les orcs, les guerriers squelettes sont aussi un grand classique.
D’ailleurs pour être tout à fait honnête, des défauts, Dragon Age en collectionne. On passera outre les quelques bugs (pas si nombreux que ça d’ailleurs) qui jalonnent votre parcours et sont bien souvent inhérents à ce type de jeu. Mais il faut reconnaitre que sous bien des aspects, le bébé de Bioware fait daté. A commencer par le manque flagrant de naturel et de mise en scène durant les scènes de dialogues. Comparé à Mass Effect, l’autre licence du studio canadien, c’est un peu le jour et la nuit. A ce titre, je pense que même les pitoyables séquences de dialogues d’Oblivion étaient plus dynamiques. Je ne comprends pas non plus l’intérêt de choisir une intonation de voix pour son héros puisque celui-ci ne pipera pas un mot de toute l’aventure, si ce n’est pour beugler « J’y vais » ou autres inepties de ce genre lorsqu’on lui demande d’aller ouvrir un coffre. C’est quand même dommage pour un jeu à l’univers si immersif, de mettre tant de distance émotionnelle entre le joueur et son avatar plus inexpressif qu’une poupée de cire. Enfin, je m’arrêterais sur la linéarité un peu trop exacerbée des donjons. Certes, on trouve ci et là quelques embranchements (qui généralement ne nous mèneront pas bien loin), mais on est tout de même à des années lumières de la liberté offerte dans Baldur’s Gate ou même Planescape Torment. Ceci étant, si les donjons s’avèrent linéaires, ce n’est pas le cas de l’aventure en elle-même, puisque le joueur pourra choisir d’effectuer les quêtes qu’il désire (annexes ou principales) quand bon lui semble.

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Il est pour qui le bon nonosse ? Il est pour mon Touki (ouais j’ai appelé mon chien Touki, ça vous pose un problème ?) !
Enfin, pour en finir avec les défauts du titre, j’ajouterai que les sorts auraient pu être plus impressionnants. Il est très agréable de constater que les guerriers possèdent désormais des coups spéciaux (avec gestion de la fatigue en rapport à la constitution et au poids de l’armure), qui en font des personnages plus redoutables que dans la majorité des rpg de ce type. Surtout, ça permet aux combats d’être plus dynamiques et plus enivrants. Mais outre deux ou trois sorts obtenus au prix de nombreuses heures de jeu, les effets spéciaux entourant les sortilèges nous laisseront trop souvent de marbre et c’est bien dommage. A cet instant, je me rends compte que je ne vous ai pas encore parlé de l’inventaire, ni de la gestion de la fatigue ou de la montée de niveau et des spécifications obtenues. Il reste tant à dire sur ce jeu que je pourrais continuer encore pendant des pages et des pages. Mais je vais finalement me taire et vous laisser découvrir par vous-même tous les petits secrets que renferme le jeu. Je m’arrêterais donc là non sans rendre un dernier hommage à ce qui selon moi, à ce jour, reste LE meilleur RPG de cette génération ; et ce malgré les nombreux défauts évoqués ci-haut. C’est dire comme la marge de progression est grande pour une suite qui ne manquera pas de voir le jour. Reste à savoir quand…

Dragon Age n’est pas un jeu, c’est une fresque épique qui ferait presque passer Le Seigneur des Anneaux pour un roman de la bibliothèque verte. Long, ardu, violent, sombre… il laisse le joueur maitre de son destin, acteur principal d’un monde à la dérive qu’il essaie tant bien que mal de garder à flot.

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