Xenoblade Chronicles, le grand retour du J-RPG

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Au cœur de l’été le plus morose de ces dernières années, le pays du soleil levant nous a fait parvenir l’un de ses plus beaux, et de ses plus chauds rayons.

Jouez, ceci est mon corps

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Les principaux personnages baignent dans le cliché nippon.
Il y a quelques mois, j’évoquais le déclin du J-RPG, dressant un constat alarmant de la situation. Ce constat reste une réalité aujourd’hui. Mais à l’image de la Wii qui l’accueille, le genre est secoué par un dernier soubresaut, tel un canard étêté continuant à cavaler, et nous livre l’un de ses plus grands représentants : Xenoblade Chronicles. Et on l’aura attendu le bougre ! Sorti en juin 2010 au Japon, et toujours pas prévu aux Etats-Unis, le dernier né de Monolith (ceux de Batten Kaitos, pas de F.E.A.R.) aura pris son temps pour arriver jusque dans nos vertes contrées. Entre temps, les joueurs l’ont fantasmé, bien aidé par la réputation des développeurs et les quelques tests d’import rédigés ci et là. A tel point que sa sortie en occident, s’est rapidement accompagnée d’une rupture de stocks fulgurante. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que son succès retentissant n’est pas galvaudé, loin de là. Car selon moi, Xenoblade Chronicles est clairement un titre à ranger aux côtés des Final Fantasy VII et autres Chrono Trigger, au panthéon du genre. Tout en lui est grand, ou presque. Oui presque, car il faut reconnaître que son scénario, pourtant bien parti, s’épuise un peu au fil des heures. Même si elle se suit avec intérêt, l’histoire ne nous transporte pas vraiment, et ne nous surprend qu’à de trop rares occasions, tant elle est bardée de clichés.

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Les mékons sont coriaces et demandent d’utiliser bien plus souvent Monado.
Le récit n’est pas totalement à jeter non plus. Il nous relate le combat séculaire de l’homme face à la machine. Un combat qui débuta à l’aube des temps, entre deux entités divines : Le dieu biologique Bionis et le dieu mécanique Mekonis. Vaincus l’un par l’autre, ces divinités désormais immobiles sont devenus le refuge de toutes vies, végétales, minérales et animales. Un monde pas comme les autres, où les régions se distinguent par leur appartenance anatomique (La jambe, la hanche ou la tête de Bionis par exemple). Dans ce monde, deux clans s’opposent farouchement : Les Homz et les Mekons ; ou en d’autres termes, les humains et les machines. Bien supérieur aux hommes, les machines furent toutefois anéanties, du moins le pensait-on, par la puissance d’une seule arme, une épée baptisée Monado, aussi dévastatrice pour les Mekons qu’elle n’est nuisible pour la santé de son propriétaire. C’est bien entendu elle qui va finir entre les mains du héros, dans une quête vengeresse qui façonnera le destin de ce monde. Oui, encore une histoire typiquement japonaise d’adolescent élu qui devient un héros. Toutefois, l’originalité de son univers et les quelques rebondissements surprenants qui jalonnent l’aventure, fait qu’on ne décroche jamais.

Les voyages forgent la jeunesse

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Faire l’aventure avec un gros gars engoncée dans son armure ou une belle brune en soutif ? Hum, j’hésite…
Car la grande force de Xenoblade, c’est de nous happer littéralement dans son univers. Déjà, parce que le monde traversé ne peut pas nous laisser indifférent. Chaque environnement est grandiose, et certains paysages sont juste à couper le souffle et parmi les plus remarquables jamais vus dans un jeu vidéo. De plus, le monde de Xenoblade est terriblement vaste. Chaque région est véritablement gigantesque, et leur exploration s’apparente parfois à une longue randonnée pédestre, à courir dans les plaines, visiter des grottes inquiétantes et découvrir des lieux pittoresques et reculés. D’ailleurs, chaque nouveau lieu découvert donne droit à son lot d’XP, poussant véritablement le joueur à fouiller les moindres recoins de la map. En outre, le monde de Xenoblade grouille de vie. Qu’il s’agisse de monstres ou de Mékons hostiles, prompts à ralentir votre progression, ou de troupeaux de créatures pacifiques et herbivores vaquant tranquillement à leurs occupations, ne s’occupant de votre présence qu’en cas d’agression de l’un de leurs congénères. De plus, il n’est pas rare de tomber nez à nez avec une créature bien plus coriace que vous, capables de vous envoyer ad patres, vous et vos compagnons d’infortune, d’une seule et puissante baffe. La prudence est donc de mise, non seulement lors de l’exploration, mais aussi et surtout lorsqu’on combat un adversaire. Ainsi, ce n’est pas parce que vous mettez une rouste à une meute de pseudo-loups niveau 13, qu’il ne faut pas se méfier du gargantuesque gorille niveau 81 qui se pointe dans votre dos, attiré par le bruit et la foule.

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Certains paysages sont magiques.
Jamais exploration n’aura été aussi réaliste et plaisante dans un jeu de rôles, nous donnant cette impression d’évoluer au sein d’un monde vivant. Cette impression est d’ailleurs renforcée par un cycle jour/nuit et des changements climatiques qui s’opèrent parfois. Toutefois, on pourra regretter qu’il n’y ait pas d’avantage d’interaction entre les différentes espèces ; car jamais vous ne verrez des prédateurs s’attaquer à d’autres proies que vous et vos équipiers. Un minimum de gestion de l’écosystème aurait été la bienvenue, mais même sans cela, on ne peut s’empêcher d’être émerveillé par le monde qui nous entoure et stupéfait du résultat. Au final, le seul véritable défaut de cet univers, c’est la console sur laquelle il est représenté. Car il faut bien reconnaître que la Wii montre ici ses limites et que le jeu, du moins lors des premières heures, avant d’y être habitué, pique fortement les yeux. Pire, si la végétation et l’architecture des lieux ne souffrent pas vraiment de problèmes autres que texturales, le clipping récurent fait souvent pop-upper les créatures juste sous votre nez. Et quand ces créatures font trois ou quatre fois votre niveau d’XP, ce clipping devient alors un putain de problème ! Bref, au début vous maudissez la Terre entière que le jeu ne soit pas sorti sur consoles HD, puis vous vous ravisez en constatant que le J-RPG a définitivement disparu de la ludothèque de la 360 et que vous ne possédez pas de PS3. Dès lors, vous êtes plutôt content que le jeu sorte sur Wii, d’autant plus que vous ne l’aviez pas allumé depuis plus d’un an.

L’Aventure c’est l’aventure

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Celui-ci est plutôt gentil, mais si vous le découpez, son papa au fond va venir s’occuper de votre cas.
Elle qui se languissait tout au fond de votre meuble télé, jusqu’à en faire oublier son existence, va chauffer et cracher ce qu’il reste de ses poumons. Et elle n’a pas fini de tourner, tant la durée de vie de Xenoblade est abyssale. C’est bien simple, il y a toujours quelque chose à faire dans ce jeu. Au départ on suit tranquillement la route tracée par le scénario, puis on croise deux ou trois personnes qui vous proposent des quêtes qu’on ne peut pas refuser car sur notre chemin, puis ces deux ou trois personnes deviennent deux ou trois dizaines de personnes, on cherche, on fouille, on explore, on se bastonne, on fuit comme une merde devant une putain d’araignée géante niveau 75 et on finit par se rendre compte que depuis trois jours, on n’a pas avancé dans l’histoire, trop occupé à chasser tel ou tel monstre, à chercher divers ingrédients ou à discuter avec la populace pour compléter le sociogramme, sorte d’arbre généalogique géant qui se remplit au fur et à mesure de votre progression, des liens qui unissent chacun des habitants rencontrés (Il arrive aussi qu’on se rende compte que notre putain de phrase est vingt fois trop longue mais qu’on a la flemme de l’écourter). Parfois, c’est le jeu lui-même qui vous renvoie presque contraint et forcé vers les quêtes annexes, lorsque vous vous baladez gaiement dans un nouvel environnement et que vous vous apercevez que la grande majorité des monstres qui vous entoure ont un, deux, voire trois niveaux d’XP de plus que vous. Vous essayez alors de passer en douce puis, fatalement, vous vous faites pé-cho par un mini-boss ou un monstre bien planqué qui vous saute sur le coin de la gueule et vous apprend l’humilité.

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Niveau 81 contre niveau 14, la baffe qui se prépare devrait être fatale à toute l’équipe.
Heureusement, le jeu ne vous en veut pas de mourir. A part en combat, vous pouvez sauvegarder à tout moment et autant de fois que vous le souhaitez. Et quand bien même vous auriez oublié, en cas de défaite cuisante, vous respawnez immédiatement au dernier point de repère croisé (sorte de checkpoint relativement éloignés les uns des autres), sans perdre ni XP, ni équipement… juste votre amour propre. Du coup, il n’y a pas de mal à se faire du bien, à tenter des trucs et à affronter dix fois de suite la même bestiole plutôt coriace parce qu’on met un point d’honneur à lui défoncer les gencives sans passer par la case levelling. Et si vous voulez affuter vos sens avant de retourner lui coller la gifle qu’elle mérite, le jeu permet de se balader dans toutes les régions déjà parcourues, instantanément, en se téléportant aux différents points de repères répertoriés. Cela évite les sempiternels allers et retours, d’autant plus lorsque le monde traversé est aussi vaste. De la même manière, vous pouvez influer sur l’heure de la journée, afin de chasser les créatures nocturnes (ou diurnes, c’est selon) sans avoir à patienter comme un con. Non, la seule chose qui est vraiment dommage dans tout ça, et même dommageable (même si on s’en accommode finalement bien vite), c’est l’absence de bestiaire. Car avec le nombre impressionnant de créatures différentes, il n’est pas toujours très simple de partir en chasser une en particulier. M’enfin, après quelques heures passées dans la brousse, vous finirez par faire corps avec la nature et connaître la moindre espèce sur le bout des doigts.

L’arte de la guerre

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Vous n’êtes pas du tout obligé de jouer avec Shulk, le héros.
Mais malgré toutes les qualités pré-citées, la force d’un J-RPG (et un RPG en règle générale d’ailleurs) doit beaucoup à son système de combat. Et de ce point de vue, Xenoblade ne déçoit pas non plus. On retrouve des mécaniques de jeu en semi-temps réel, où les différents protagonistes exécutent des actions en temps réel, mais en fonction de tours de jeu invisibles. On ne dirige d’ailleurs pas ses coéquipiers dans ce jeu, l’I.A. s’en charge pour nous… et de manière relativement efficace d’ailleurs. Par contre, on peut à tout moment changer le leader de l’équipe, afin de contrôler n’importe lequel des personnages de notre groupe. En combat, chacun d’entre eux frappent à tour de rôle, d’un coup simple et automatique tous les laps de temps T. Toutefois, on peut influer sur le déroulement de la rixe, en utilisant l’un des nombreux « artes » (sorte de coups spéciaux) à notre disposition. Celles-ci sont réparties en différentes couleurs, correspondant à leur effet : Les artes bleues sont des pouvoirs relatifs aux soins et protection des combattants alliés, les rouges sont les artes offensives, etc. Ces catégories sont essentielles pour tirer le maximum d’un combat, car peuvent s’enchainer en combos dévastateurs. Ainsi, lancer une arte rose pourra déséquilibrer un adversaire, puis une verte le fera tomber et enfin la jaune le clouera au sol, hébété.

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Créez des gemmes pour améliorer armes et équipement, à partir de cristaux récupéré sur les cadavres des créatures.
A cela, s’ajoute les artes de Monado, l’épée très spéciale du héros. Ses pouvoirs se débloqueront au fil de votre progression, mais seront intimement liés à l’histoire (Peu importe votre niveau, vous ne gagnerez pas de nouveaux artes pour Monado autrement que par le biais du scénario). Le principal pouvoir de cette épée, outre le fait qu’il s’agit de la seule véritablement efficace contre les Mékons, c’est qu’elle permet à son porteur, Shulk, de voir l’avenir. Et c’est sans doute la plus grande originalité du soft, puisque le héros aura des visions lorsque vous ramasserez un objet important, mais aussi et surtout, lorsqu’un ennemi utilisera un coup dévastateur, vous ciblant vous ou vos coéquipiers. Sitôt la vision du coup aperçue, vous pourrez alors modifier le destin, en empêchant l’ennemi de le lancer (en le tuant bien sûr, mais aussi en le déséquilibrant, l’endormant, etc.) ou alors en prévenant l’ailier ciblé (il suffit de se poster à côté de lui et de presser B) pour qu’il s’y prépare.

Amis pour la vie

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Il faut bien reconnaitre qu’au début, on s’y perd un peu avec ce sociogramme.
Déjà complexes à ce stade, les mécaniques de combats ne s’arrêtent pas là. En effet, votre équipe (trois personnages maximum) dispose d’une jauge collective, sorte de jauge tactique qui se remplit à force de coups critiques et de combos réussis. Cette jauge permet, une fois pleine, de déclencher une attaque en chaine, gelant le temps ; le seul moment où on pourra choisir les artes de ses coéquipiers, afin de créer les plus puissants combos. Cette jauge est également utile pour soutenir vos potes, soit en les relevant lorsqu’ils s’effondrent sous les coups ennemis, soit en les motivant lorsqu’ils sont en difficulté. Non seulement ce genre d’actions les relancera dans la bataille avec plus de véhémence, mais elles amélioreront également les relations entre les différents protagonistes. Et cette belle entente sera primordiale pour aller loin, car elle permet aux équipiers d’être plus efficaces au combat et d’allonger la durée des combos spéciaux. Or, la seule manière d’améliorer les relations entre chacun, c’est de jongler régulièrement avec vos différents équipiers, afin que tout le monde puisse s’apprécier ; une condition qui plus est sine qua none, pour débloquer les petites scénettes sociales disséminées un peu partout à travers le monde.

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Les visions de Shulk offrent au jeu une certaine originalité, mais connaitre l’avenir ne rend pas les combats plus faciles pour autant.
On se retrouve donc avec un système de combat complexe et passionnant, d’autant plus que ceux-ci se déclenche dès lors que vous abordez un ennemi ou que ce dernier vous agresse, sans coupure ou autre temps de chargement. A noter qu’il est toutefois délicat de sélectionner un ennemi spécifique lors des combats contre de nombreux adversaires. On s’y perd, on tourne en rond et parfois le temps de trouver l’adversaire le plus coriace, l’affrontement a déjà tourné au vinaigre et relever la pente devient mission impossible. C’est d’ailleurs sans doute le seul véritable défaut de ce jeu, qui comporte quelques petites imperfections ci et là, mais rarement de vrai problème rédhibitoire. Car ne vous laissez pas abuser par sa qualité technique dépassée, inhérente au fait qu’il soit sorti sur une console, elle aussi dépassée, Xenoblade et bel et bien un grand jeu. Sans doute l’un des meilleurs sortis cette année, et de tout évidence, l’un des J-RPG les plus ambitieux de ces dernières années. Comme quoi, quand il veut, le genre a encore beaucoup de choses à nous faire vivre. Alors messieurs les développeurs nippons, plutôt que de nous les briser avec des simulateurs de trains et des jeux d’action finis à la pisse, il serait grand temps de vous remettre au boulot et de sauver ce genre en perdition, pourtant fer de lance de votre économie.

L’un des plus grands J-RPG de ces dernières années, l’un des meilleurs jeux de 2011. Un titre que tous possesseurs de Wii se doit de jouer.

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