Retour sur The Nomad Soul, du fond de notre âme

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Avant la sortie d’Heavy Rain (et sa critique), un retour sur les précédents jeux de Quantic Dream s’impose. On commence par le commencement : The Nomad Soul.

La beauté d’une âme

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Le bar à strip, un élément essentiel.
Parmi les jeux d’action / aventure qui ont marqué mon petit esprit de joueur il y a The Nomad Soul. Sorti en 1999 sur PC et en 2000 sur Dreamcast, il jouissait d’une chouette médiatisation pour l’époque, grâce, notamment, à la collaboration de David Bowie pour la bande sonore. En tous les cas The Nomad Soul est le projet d’une vie, celle de David Cage : Il a quitté son job de musicien professionnel pour se lancer dans la création du jeu dont il rêvait. Après avoir rassemblé une toute petite poignée de copains programmeurs avec qui il fonda Quantic Dream, c’est entre deux appartements, des nuits à dormir sur le sol et des repas plein de pizzas froides que The Nomad Soul a commencé à prendre forme. Ne pouvant investir sur le projet que sur une durée de 6 mois, c’est avec, on imagine, grand plaisir que l’homme signa au dernier moment un contrat d’édition avec Eidos qui leurs administra, entre autres, un budget de 20 millions de francs pour mener à bien ce qui allait donc être le tout premier jeu de Quantic Dream. Un jeu loin d’être sans âme…

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Quantic Dream ne s’imaginait certainement pas qu’avec leur vanne ‘Un peu de sérieux, ce n’est qu’un jeu’ lorsqu’on parle aux prostituées passerait à trépas avec Rockstar…
Je n’avais pas rejoué à Nomad Soul depuis que je l’avais fini, à sa sortie, et au final c’est une véritable nouvelle sensation que j’ai eu en le refaisant tant d’années après. Parce qu’autant les qualités que le titre offrait à l’époque (hormis graphiques évidemment) sont toujours, plus que jamais, des qualités de nos jours, autant les défauts qui m’avaient semblé presque anodins sur le coup sont devenus avec le temps de véritables plaies (c’est pas loin d’être normal aussi ceci dit).
On va commencer par ce qui fait que Nomad Soul restera mémorable et digne des plus grands, quelque que soit l’époque à laquelle on y joue. Son scénario par exemple, fouillé, recherché, palpitant, c’est une bien belle aventure qu’on nous offre là. Et au-delà de l’univers d’anticipation proposé sommes toutes assez classique (monde futuriste réglé comme du papier à musique et dirigé par un pouvoir dictatorial, grosse manipulation de la masse par les médias, conspiration, enquête, trahison etc…), l’histoire fait directement intervenir le joueur comme personnage à part entière. On ne s’identifie pas au héros du jeu comme dans tous jeux vidéo, mais on est directement transposé dans le corps du héros. D’entrée le dénommé Kay’l s’adresse directement à nous, joueur, nous annonçant qu’il faut que notre âme quitte notre monde à nous pour rejoindre son corps à lui (rien de pervers là-dedans) et donc évoluer dans son monde à lui, qu’il en dépend de l’avenir de son peuple. Un procédé original et intéressant qui justifie totalement ce qui est habituellement une petite incohérence commune à toutes les premières heures de jeu. (A savoir, faire paradoxalement pour la toute première fois connaissance avec un univers que le personnage que l’on incarne est sensé connaître depuis des années…)

Grandeur d’âme

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Certaines scènes, certains plans, s’inspirent déjà du cinéma.
Si évoluer librement dans une grande ville en 3D composée de plusieurs quartiers (avec chacun leur propre ambiance et bâtiments) ne parait pas très original aujourd’hui, c’était une belle prouesse à l’époque, qui plus est relativement inédite et vraiment de bonne augure quant à l’avenir du jeu d’action-aventure (sur ce point précis on peut dire que ça a montré la voie). On apprécie la richesse de l’univers avec ses tas de pubs débiles diffusées dans les magasins, la tonne de dialogues, prendre un sliders (taxi futuriste), aller mater des strip-teaseuses dans le quartier chaud, mater des transcans (des genres de DVD mais en hologramme), et tout ce genre de « petits » détails tellement essentiels à une bonne immersion. Un de ces détails sort d’ailleurs énormément du lot : pouvoir assister à des concerts (clandestins) composés par un véritable musicien de notre vie à nous, David Bowie. Trois concerts dans les bars de la ville d’Omikron interprétés par des musiciens virtuels et chantés par mister Bowie. Une idée vraiment fantastique qui appuie encore une fois fortement la sensation d’immersion et qui ne pouvait que faire une belle promo pour le jeu vidéo dans sa globalité (à l’époque le média était encore plus qu’en 2010 considéré comme un hobby pour ados ou dégénérés, pas du tout comme quelque chose pouvant intéresser les adultes). Surtout que Bowie s’est vraiment impliqué au delà du fait d’écrire ses chansons inédites et de composer la B.O. dans son coin étant donné qu’il joue également un rôle, important, dans le jeu (il est modélisé sous les traits de Boz, une sorte de roi de la matrice…). J’en profite pour souligner l’excellente ambiance sonore du titre, principalement au niveau des musiques donc, et du doublage (les bruitages sont un peu moins réussis). Un aspect que les créations de David Cage ont toujours fortement mis en avant, son oreille musicale aidant forcément (ancien musicien professionnel oblige).

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Prendre les courbes d’une nana sappée un peu sexy, tout de suite c’est plus marrant.
Si David Bowie est connu pour ses multiples changement d’identités, il n’a pas été choisi par hasard pour Nomad Soul puisque comme peut l’indiquer son titre (« âme nomade » en français) on peut se balader de corps en corps… Un sort nous permet au bout de quelques heures de jeu de pouvoir changer de personnage pour peu qu’il soit réceptif. De même, si on meurt notre âme se déplace directement dans la première personne qui touche le cadavre de notre ancien corps (la série Pushing Daisies s’en est peut-être inspirée ?). Une idée vraiment sympa qui a d’autres conséquences que visuelles puisque comme pour un RPG, notre avatar évolue en augmentant son mana, son attaque, sa résistance etc… Ainsi, par exemple, passer d’un corps de gros bourrin, avec lequel on a passé du temps à obtenir un statut honnête en combat, à des courbes féminines bien mises en avant (pervers va !) vous fera perdre toutes vos précédentes évolutions… Un procédé qui jouit lui aussi d’une belle liberté, en plus d’être foutrement bien intégré au scénario vous le devinez, puisque hormis quelques changements de peau obligatoires relatifs à l’intrigue on peut se dégoter une nouvelle enveloppe charnelle disponible à notre bon vouloir ou s’en tamponner le coquillard.

Vendre son âme au diable

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Les différents quartiers sont vraiment variés et s’inspirent carrément de différents pays.
Enfin, avant d’aborder ce qui fâche, une dernière qualité doit être mentionnée. Une qualité qui prend vraiment tout son sens en 2010 et qui, pourtant, à l’époque ne l’était pas véritablement (c’était quelque chose de tout à fait normal). Lors de l’enquête que l’on mène pour faire avancer l’intrigue, en plus des phases de shoot et des combats (sur lesquels je suis obligé de revenir plus bas), on est confronté à différentes énigmes et autres enquêtes. Si de nos jours aucun jeu un tant soit peu aventure ne peut s’empêcher de nous assister à mort en toutes circonstances avec un journal très précis des quêtes, des sous quêtes et des tas de trucs surlignés en rouge fluo dans l’interface, Nomad Soul laisse le joueur réfléchir de lui-même en toutes situations. Pour vous donner un exemple concret, au début du jeu on se retrouve avec une ordonnance pour des somnifères. Un peu plus loin dans l’intrigue, la supérieure hiérarchique de Kay’l (il est flic) lui demande de lui apporter un café (la lourde), une supérieure que l’on sait en possession d’un objet nous intéressant fortement, du moins si on a bien discutailler avec les PNJ aux alentours… Par déduction on va à la pharmacie du coin obtenir les somnifères, on achète le café, on mélange le tout et on refile le truc à la cheftaine qui va s’endormir et par la force des choses nous laisser fouiller son bureau tranquillement. Tout ça se fait véritablement librement sans aucune indication, sans aucune aide extérieure à celle des personnages du jeu et la déduction logique du joueur est vraiment bien amenée.

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Les bastons sont assez basiques (ici avec la sexy Iman, mon perso préféré du jeu).
Maintenant pour conclure sur une mauvaise note : le gameplay a ultra mal vieilli. Evidemment principalement à cause de cette époque où le stick droit n’existait pas et donc la caméra manuelle non plus, ça donne une grosse rigidité surtout niveau gameplay FPS (même si David Cage a expliqué que c’était un choix contraint et forcé de l’éditeur de mettre un peu de shooter). Mais déjà en 1999 il y avait des choses moyenne, voir énervantes, comme le fait de pseudo dynamiser la mise en scène par des placements de caméras improbables (quelque chose de super intéressant en soi mais changer subitement l’emplacement de la caméra en pleine phase de jeu a juste pour effet, dans la majeure partie des cas, de nous faire foncer dans le mur en pestant). Les bastons sont également très imprécises là où celles de Shenmue (sorti quelques petits mois plus tard) sont impériales encore de nos jours. Qu’importe, toutes les qualités citées plus haut arrivent de toute façon à nous faire accrocher, et ça vaut toujours autant le coup de pad rien que pour ça.

Certainement le plus « classique » des titres de Quantic Dream, The Nomad Soul n’en était pas moins innovant, réinventa le jeu d’action-aventure et reste un jeu culte même si le gameplay a vieilli. Il pose également certaines bases de ce que le studio cherchera à approfondir au fil de ses jeux.

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