Quantum Break, quand Remedy prend le temps

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Etant à la fois fanboy Xbox, admirateur sans borne des productions Remedy (Max Payne 1 & 2, Alan Wake) et féru d’histoires à base de voyages temporels, je ne pouvais résolument pas passer à côté de Quantum Break. Plongeons alors sans plus tarder, à travers l’espace et le temps…

Code Quantum

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Quantum Break a sans doute l’un des plus impressionnants castings pour un jeu vidéo.
Alors que tout le monde attendait une suite à Alan Wake, Remedy a surpris son monde à l’occasion de L’E3 2013, en annonçant Quantum Break. A cette occasion, on ne savait encore pas grand-chose du jeu, si ce n’est qu’il s’agirait d’un cover shooter, qu’il y serait question de manipulation du temps et qu’en parallèle, nous aurions droit à une série TV dont l’histoire découlerait de nos actions (c’est déjà pas mal vous me direz). Depuis, les traits du héros ont changé et de nombreuses personnalités du cinéma et de la télévision ont investi le casting. C’est le cas plus particulièrement du personnage principal, Jack Joyce, interprété par Shawn Ashmore (vu dans X-Men et Fringe), d’Aiden Gillen (le fameux Lord ‘Littlefinger’ Baelish de Game of Thrones), de Dominic Monaghan (vu dans Lost et Le Seigneur des Anneaux) ou encore de Lance Reddick (The Wire, Lost). Un casting prestigieux pour un jeu vidéo, mais parfaitement en adéquation avec la vision très cinématographique des titres de Remedy et leurs scénarii toujours soignés, rythmés par l’imagination débordante de Sam Lake. Ici l’histoire nous propose d’incarner Jack Joyce, jeune baroudeur orphelin et frère cadet d’un physicien hors pair, débarquant en catastrophe à Riverport (une ville fictive des Etats-Unis) à la demande pressante d’un de ses plus vieux amis, un investisseur réputé nommé Paul Serene. Ce dernier l’a fait venir pour lui montrer le fruit de sa récente expérience et prétend avoir besoin de son aide pour la mener à bien. Cette expérience n’est ni plus ni moins qu’une machine à voyager dans le temps. Et comme vous pouvez vous en douter, tout ne va pas se passer aussi bien que prévu. En effet, cet échec engendrera une fracture dans le temps et l’espace, poussant l’univers dans son ensemble vers une fin qui semble aussi brutale qu’inéluctable.

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A l’origine, le héros ressemblait à ça. Et curieusement, la nana sur cette image est toujours la même, y compris dans la série.
Pour être honnête, l’histoire de Quantum Break n’atteint pas à mon sens, l’excellence du récit proposé par Alan Wake. Elle est cependant suffisamment bien racontée pour nous intéresser tout au long de la partie. Elle manque surtout de rebondissements retentissants prompts à nous laisser pantois, et souffre même parfois d’énormes incohérences (comment un ascenseur peut fonctionner alors que voitures, trains, bateaux non ?). Toutefois, il faut reconnaître une certaine originalité, voire une certaine crédibilité, dans la vision quasi scientifique de ces voyages spatio-temporels, basés pour l’essentiel sur la physique quantique, et illustrée par la fameuse expérience du chat de Schrödinger. Du coup, il est ici impossible d’aller rendre visite à l’homme de Neandertal ou à ses arrières petits-enfants, puisqu’il n’est possible de voyager qu’entre le moment où le noyau de la machine a été activé pour la première fois et celui où il est détruit, soit entre 1999 et 2016 (mis en perspective avec le chat de Schrödinger, entre le moment où on ferme la boîte et celui où on l’ouvre donc). Toute l’histoire va donc se dérouler dans ce laps de temps : Dix-sept petites années qui seront pourtant le témoin de nombreux événements s’imbriquant les uns dans les autres avec une certaine malice ; notamment sur les deux derniers chapitres. De plus, l’histoire qui nous est proposée est évolutive, en fonction de vos choix. Car entre chaque chapitre (cinq en tout), vous incarnerez le « bad guy » du jeu, afin de déterminer la direction prise par Monarch, une société secrète aux troubles desseins qui ne lésine pas sur les moyens et les incartades à la légalité /moralité pour y parvenir. Ces choix auront alors un impact direct sur la suite de l’aventure, comme sur la série Live action qui l’accompagne.

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Previously in Quantum Break

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Certains personnages très secondaires du jeu, prennent beaucoup d’importance dans la série.
Car c’était la promesse initiale : Une expérience narrative cross-médias, où une série TV s’articulerait autour de choix faits dans un jeu vidéo. À l’arrivée, il faut bien reconnaître qu’on est loin des ambitions annoncées ; ou du moins de ce qu’on avait pu imaginer, bercés que nous sommes par les Lost, Dexter, House of Cards ou encore Game of Thrones (notamment avec des acteurs spécialistes du genre). Certes c’est original et se laisse suivre sans déplaisir, mais tant la mise en scène que la trame scénaristique flaire la série de seconde zone. Pas ou peu de cliffhangers, des décors un brin carton-pâte et une réalisation très scolaire la place aux antipodes des standards du genre. C’est sympatoche pour une série intégrée à un jeu, mais sans intérêt prise individuellement. Je vous conseille d’ailleurs de regarder les épisodes à la fin de chacun des chapitre, et non la série dans son intégralité, à la fin du jeu comme il est possible de le faire. Ça peut être frustrant pour le joueur qui veut à tout prix en découdre, d’être obligé de se caler 25 minutes dans son canapé comme s’il matait une cinématique de Metal Gear en live action, mais vu que chaque épisode fait le lien entre les chapitres, il serait dommage de passer à côté d’événements prompts à améliorer l’immersion. Notez cependant que cette série est un peu une histoire dans l’histoire (même si tout est lié), car elle se focalise essentiellement sur des personnages plus ou moins secondaires du jeu ; qui auront toutefois tous un rôle à jouer à un moment ou un autre dans votre partie. C’est donc toujours mieux de savoir de qui on parle, plutôt que de le découvrir après coup.

https://youtube.com/watch?v=Rtl6XKzUvbI

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Les Junction Points sont des séquences où vous déterminez dans quelle direction va aller l’histoire.
Sur le papier, les choix qui nous sont proposés au cours de l’aventure, semblent diamétralement opposés et pourraient/devraient donc changer pas mal de choses, tant à votre partie qu’à la série. Dans la pratique j’avoue que je n’en sais rien, n’ayant pas pris la peine de recommencer le jeu pour vérifier si différences il y a. Pratiquant l’industrie du jeu vidéo depuis bien des années maintenant, je doute que ça aille bien loin. C’est d’autant plus vrai qu’en fouillant un peu dans les niveaux, vous trouverez des échos quantiques censés apporter des variations à la série. En réalité, il s’agit juste d’une scène par épisode, absolument inintéressante voire ridicule (une conversation entre deux gus à la cantine, un discours qu’on voit passer à la télé, en fond). Franchement, pour faire ça ils auraient pu s’abstenir et j’espère que les véritables choix faits durant les séquences « Jonction » (dans la peau du bad guy) sont un poil plus impactant. Enfin, pour en finir avec la série, je trouve un peu dommage que pour un jeu centré autour d’acteurs américains relativement renommés, la version originale sous-titrées soit à ce point misérable. Car sachez-le, jamais dans ma vie je n’avais vu sous-titres de jeu ou de série télé aussi ridicules. C’est bien simple, chaque fois que quelqu’un parle, son nom est stipulé entre crochets (ex : « [Jack] Coucou, c’est Jack – [Beth] Et alors ? [Jack – En Entretien (<-pour stipuler que c’est une voix off)] C’est alors qu’elle m’a rejeté, la salope ! »). Pire, lorsqu’une voiture s’arrête, on a le droit à un [Bruit de moteur qui s’arrête], quand un mec se fait torturer en fond, un [Cris étouffés], quand un mec reçoit un appel, un [sonnerie de téléphone], etc. C’est à ce point détestable que j’ai failli, dès les premières minutes, recommencer le jeu en français. Mais encore une fois, si c’est pour jouer dans un jeu doublé en français, je ne vois pas l’intérêt d’avoir de vrais acteurs américains. Autant faire un jeu avec des tronches de personnages fictifs. Du coup, j’ai pris sur moi et je vomis à chaque fois que quelqu’un parle, dans le jeu ou la série. BBB.jpg

Effets de manche

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La modélisation des visages est quand même assez bluffante.
Heureusement, le titre est bourré de qualité pour nous faire accepter cette errance tragi-comique, à commencer par son visuel. Loin d’être une vitrine technologique, comme avait pu l’être Gears of War pour la 360 par exemple, Quantum Break est tout de même assez joli, et arrive surtout à nous impressionner par la myriade d’effets spéciaux qui claquent régulièrement à l’écran. Un peu à l’image d’Alan Wake en son temps, quoi. En effet, si on parle de texturage pur, de distance d’affichage ou même de simples panoramas et effets « Wahou », le titre de Remedy se fait littéralement violer par la concurrence, type Rise of the Tomb Raider pourtant plus ouvert ou même The Division, carrément Open World. Là où il tire son épingle du jeu par contre, c’est sur la qualité de certains visages (notamment Shawn Ashmore), d’un photo-réalisme rarement atteint dans un jeu vidéo (si on excepte les Quantic Dream… mais j’ai dit « jeu vidéo »), et sur ses éclairages plutôt réussis. Mais surtout, c’est du côté des effets spéciaux qu’il faudra compter pour épater les copains. Car là, rien à redire : Ça claque sévère, entre les fractures temporelles qui transforment le décor en feu d’artifice urbain, et les pouvoirs de Jack qui envoient du pâté. Là encore, on retrouve dans les environnements torturés par les fractures temporelles, quelques similitudes avec Alan Wake, et notamment le niveau sévèrement barré du DLC The Writer (ou The Signal, je ne sais plus). Les pouvoirs quant à eux, sont comme des flashs de déformation visuelle bien classieux.

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Sur PC, les pirates se voient affublés d’un bandeau… de pirate.

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Tous ces pouvoirs te donnent un sentiment de puissance assez jouissif.
Ces pouvoirs à disposition sont un bouclier temporel qui vous permet d’arrêter le temps autour de vous afin de dévier tirs ennemis, ainsi qu’un pouvoir relativement similaire mais projeté sur les adversaires, permettant de relâcher d’un coup toutes les balles tirées dans sa direction (très pratique pour éliminer les mecs un peu balèzes). Il est également possible d’utiliser une accélération temporelle, vous permettant de filer à toute allure pour changer de cover ou prendre les adversaires à revers sans qu’ils puissent réagir. Enfin, vous pouvez aussi créer une distorsion du temps, qui explose d’un coup, envoyant la poignée d’ennemis pris dans la déflagration, bouffer du pissenlit par la racine. Chacun de ces pouvoirs peut d’ailleurs être amélioré, via un arbre de compétences assez minimaliste, en récoltant des orbes cachés dans les niveaux. Certaines de ces améliorations sont d’ailleurs un peu cheatées à mon sens, et particulièrement celle du bouclier vous permettant de régénérer votre vie en l’activant. Déjà que la reprise de vie pour glands est plutôt permissive, si en plus le bouclier fait office de médikit (en plus de vous protéger des balles), rester en vie devient alors un jeu d’enfant. Résultat, il n’y a guère que quelques rares situations un peu tendues (notamment durant l’acte 5), qui vous donneront du fil à retordre. C’est d’autant plus dommage que l’I.A., sans être exceptionnelle, se situe plutôt dans la moyenne haute. Si vous cherchez du challenge, privilégiez donc le niveau difficile. Si seule l’histoire vous intéresse et que vous préférez que le rythme ne soit pas trop haché, jouez en normal.

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Le meilleur Remedy ?

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Certains ennemis portent des harnais à Chronons, pour leur permettre de bouger lors des fractures.
Ces pouvoirs ne servent d’ailleurs pas qu’en combat, puisque certains passages plus pacifiques, vous demanderont d’en user pour progresser. C’est sans doute d’ailleurs là ce que Remedy a le moins bien réussi. Car si cette utilisation détournée s’avère des plus sympathiques, elle n’en est pas moins rare, trop rare. Il y avait pourtant là un réel filon à exploiter, pour orienter le jeu vers de la plateforme, voire du puzzle game, entre deux gunfights. C’est un peu dommage donc de ne l’avoir utilisé qu’à une ou deux reprises dans chaque chapitre, et de manière bien trop bateau et redondante (« oh, encore une porte qui se ferme trop vite et ne me laisse pas le temps de passer. Utilisons mon accélération temporelle pour la franchir avant qu’elle ne se referme ! »). Dommage également que le rythme et la narration ne soient pas mieux maîtrisés durant les séquences calmes. Car le jeu possède bel et bien deux niveaux de lectures distincts, qui dépendront grandement de la propension des joueurs à rusher ou fouiller les niveaux. En effet, comme bon nombre de jeux avant lui (et après lui, je n’en doute guère), Quantum Break propose de collecter toutes sortes de choses annexes dans les niveaux. Des documents, des e-mails, des échos quantiques ou des sources de chronons pour améliorer vos pouvoirs. Seulement, là où les documents sont généralement anecdotiques, ici certains sont véritablement importants pour la compréhension de l’histoire et l’immersion du joueur dans l’univers. C’est ce côté pas-si-annexe-que-ça qui pourrait faire une différence flagrante dans l’intérêt d’un joueur ou d’un autre pour le scénario, et c’est bien dommage que Remedy n’ait pas trouvé une solution plus appropriée pour l’intégrer. Ça l’est d’ailleurs d’autant plus que certains de ces documents ou e-mails sont terriblement longs à lire, vous obligeant à perdre une à deux minutes à chaque fois, hachant donc terriblement le rythme du jeu.

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Le bouclier, c’est quand même un poil abusé.
En définitive, Quantum Break est-il moins bon ou meilleur qu’Alan Wake ? Difficile à dire. Cela dépendra sans doute de vos goûts personnels en matière d’histoire : Si vous préférez les voyages temporels et les prises de têtes scientifico-ficionnels (de la science-fiction qui s’appuie sur des théories scientifiques quoi) ou les voyages onirico-horrifiques (des trucs un peu poétique qui font quand même un peu flipper). Me concernant, j’avoue avoir préféré le scénario tarabiscoté d’Alan Wake, tout comme les balades nocturnes en forêt m’ont d’avantage plu qu’arpenter les bureaux froids et un peu trop lisses de la tour Monarch. Maintenant, les gunfights de Quantum Break sont bien mieux maîtrisés et les pouvoirs sont particulièrement fun à utiliser et à combiner ; sans parler du fait que, comme dit en préambule, je suis très client des histoires de voyages dans le temps. Le côté cross-média est sans doute quant à lui un peu gadget, mais ça marche. En tout cas plus que si j’avais eu à me coltiner des cinématiques d’une demi-heure paradoxalement (alors que quelque part, c’est un peu la même chose). Et puis, sans la série en Live Action, aurait-on eu droit à la modélisation d’acteurs connus ? Je n’en suis pas certain. Là aussi, c’est sans doute un peu gadget, parfois à la limite du fan service (notamment pour Aiden Gillen, que tout fan de Game of Thrones retrouvera avec une certaine délectation), mais plutôt appréciable tout de même. Bref, difficile de considérer Quantum Break comme LE chef d’œuvre de la Xbox One, mais ça n’en reste pas moins un très bon, voire un excellent jeu. Certes, je ne suis sans doute pas le mec le plus objectif pour en parler, mais en tout cas j’ai kiffé. Ça vaut ce que ça vaut…

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