Mass Effect 2 joue les Gears of [Star] Wars

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La saga intersidérale de Bioware revient pour un deuxième épisode plus spectaculaire que jamais, à grand coups de pouvoirs biotiques et de lance-roquettes.

Une suite de choix

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Shepard est un héros comme on les aime… et Shepard peut aussi être une femme.

Succès critique et commercial, Mass Effect n’en était pas moins un titre daté, bancal et truffé de bugs. Pourtant, il reste à ce jour l’un de mes plus grands souvenirs vidéoludiques tant il avait su me transporter par son univers incroyable et son système de dialogue novateur. Avec le commandant Shepard, un héros était né. Et pas n’importe quel héros, un de ceux qu’on apprécie par-dessus tout dans nos jeux, qui portent le poids du monde sur leurs épaules et qui vont au bout d’eux-mêmes, quoi qu’il en coûte. Un héros d’autant plus charismatique qu’il appartient à chacun d’entre nous, avec des traits, une histoire et un caractère qui nous est propre et qu’on construit au fil de notre épopée (enfin presque… les possibilités ne sont pas infinies non plus).

J’étais donc plus qu’impatient de renouer avec mon Shepard, d’aller foutre le dawa aux quatre coins de la galaxie et de bouter les ennemis de l’humanité hors des secteurs Terminus. Une impatience d’autant plus grande que Bioware nous propose de repartir avec notre sauvegarde du 1er, pour une histoire encore d’avantage personnalisée. Bon, c’est vrai qu’on s’étonnera de voir Miranda, la poufiasse de service (il en faut toujours une), nous demander qui d’Anderson ou d’Udina on a recommandé pour siéger au conseil. Mais dans l’ensemble, tous nos choix effectués dans le premier épisode sont retranscris dans cette suite, y compris les plus mineurs (comme cette scientifique Asari épargnée dans le 1er, qu’on retrouve aux coté des mercenaires de Jédora dans la mission de recrutement du Krogan).

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L’homme trouble et son nom à coucher dehors est encore l’un de ces exemples qui prouve que les traductions françaises sont souvent pitoyables.

Après la mort de Sovereign (hop, comme ça c’est fait… tant pis pour ceux qui n’ont pas fait/fini Mass Effect), le conseil s’est un peu débarrassé de vous, vous envoyant loin de La Citadelle afin d’éliminer quelques Geths supplémentaires, pendant qu’ils étouffent tranquillement l’affaire des Moissonneurs, allant jusqu’à nier leur existence et le rôle de Sovereign dans la destruction de La Citadelle. Seulement, en enquêtant sur la disparition de colonies humaines dans les secteurs Terminus (les secteurs de la galaxie ne dépendant pas de l’Alliance), vous tombez nez à nez avec un gigantesque vaisseau inconnu qui ne tarde pas à réduire le Normandy en cendres et à vous projeter dans l’espace, flottant sans air vers une mort certaine. Mais c’était sans compter sur les desiderata de l’organisation pro-humanité Cerberus, qui récupère votre corps et vous ramène à la vie via leur coûteux projet Lazare, deux ans après votre présumé décès.

Shepard is back, et il a les nerfs ! Seulement point d’Alliance, désormais c’est pour Cerberus que vous roulerez. C’est sans doute le point le plus discutable du scénario. Car pour les joueurs ayant torché le premier opus en long, en large et en travers, Cerberus signifie l’ennemi… une organisation terroriste fasciste, qui prône la suprématie de l’humanité. C’est un peu comme si Modern Warfare 3 nous plaçait à la tête d’un commando d’Al Quaïda. Et tout ça semble se passer le plus naturellement du monde, même si Shepard et quelques-uns de ses anciens compagnons, tenteront bien de timides réflexions à ce sujet. Dans les faits, je n’ai rien contre, mais j’aurai aimé que les choses soient amenées autrement… avec plus de pertes, de fracas, de sang et de larmes. On verra comment tout ça finira dans le troisième volet…

La gâchette facile

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Les zombies sont vraiment des saloperies dans ce jeu. Surtout vu comment Bioware a foiré le système de corps à corps.

Depuis l’annonce de ce deuxième épisode, Bioware a concentré la majeure partie de sa communication sur les combats, largement améliorés depuis le premier opus. On ne s’étonnera donc presque pas de voir la partie action toujours plus poussée, quitte à ce que la partie RPG en pâtisse. Question ergonomie, rien à dire : On se retrouve face à un shoot à la troisième personne, très largement inspiré de Gears of War. Il y a bien quelques bugs de couverture de temps en temps, mais rien de méchant. Plus problématique, l’I.A. et notamment celle de nos alliés, est très souvent discutable. Elle a quelque peu progressé depuis ME1, mais elle est encore à montrer du doigt quand sous le feu ennemi, l’un de vos alliés se la coule douce derrière un poteau ou, pire, reste coincé dans la pièce d’à coté. Tout cela peut toutefois se corriger en assignant des objectifs à ses ailiers ; qu’il s’agisse d’aller se mettre à couvert à un point donné ou de faire feu sur tel ou tel adversaire.

Mais le vrai gros problème de ces combats, c’est leur redondance. Déjà très présents dans le précédent volet, ils le sont encore plus ici, et le problème c’est que le level design est loin, très loin du niveau qualitatif exigé pour les shooters dont il s’inspire. On avance dans d’interminables couloirs ou de gigantesques pièces où sont entreposées toutes sortes de caisses, de barrières et de rochers parfaitement taillés, derrière lesquels on se jette à couvert avant de faire feu. Du coup, non seulement les niveaux sont particulièrement linéaires, mais en plus ils ne font pas naturels du tout avec toutes ces excroissances sortant du sol tels des champignons.
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Les méchas sont peut-être les ennemis qui vous donneront le plus de fil à retordre.

On regrettera également l’absence quasi-totale de combats épiques, puisque hormis le boss final (ridiculement simple à battre), un destroyer geth peu coriace et quelques méchas dévastateurs, on ne sera guère impressionné par l’adversaire. On est donc là encore très loin des standards imposés pas les Third Person Shooter auxquels ME2 tend à ressembler. Toujours est-il que malgré tout, les combats ont gagné en ergonomie et du coup, on s’accommode finalement très bien de tous ces défauts. Les armes étant plus nombreuses, notamment en ce qui concerne l’arsenal lourd, et les pouvoirs plutôt efficaces, on ne rechigne pas à la tâche lorsqu’il s’agit d’aller démolir du geth, du récolteur et autres butariens.

Malgré tout, et c’est là que l’action prend le pas sur le RPG, on se désolera du manque de diversité dans les différents types d’armes. Car si on aura à sa portée des pistolets, pistolets mitrailleurs, fusils à pompe, fusil à lunette et quelques armes lourdes aux propriétés distinctes, chaque catégorie ne sera finalement que peu représentée ; on ne pourra d’ailleurs même plus leur attribuer divers accessoires ou même munitions, puisque ces dernières seront curieusement considérées comme un pouvoir biotique par l’interface.

Un casting d’exception

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Omega est la seule cité qui ressemble un peu à une ville et non à un long couloir.

L’autre grande déception, et sans doute la plus importante de toutes, concerne également ce curieux effacement du jeu de rôles pur et dur auquel nous avait pourtant habitué le studio, avec un agencement à la limite du pathétique des différentes grandes cités de la galaxie, à commencer par la Citadelle elle-même. Cette dernière est résumée dans ce second opus à une enfilade de couloirs sur trois niveaux, avec quelques alcôves de-ci de-là en guise de boutiques, et un Presidium qui s’arrête au simple bureau d’Anderson, qu’il soit membre du conseil ou non. Les boutiques n’ont d’ailleurs plus grand-chose à vendre, si ce n’est quelques maquettes de vaisseaux, des poissons pour votre aquarium et même un hamster de l’espace. C’est à se demander si le réassort des magasins n’a pas été confié au stagiaire censé distribuer le courrier. Dans le lot, il n’y a guère qu’Omega qui s’en sort avec les honneurs, même si la ville se voit divisée en trois parties dont deux ne sont accessibles qu’au cours de missions programmées, et à la suite d’un de ces nombreux et lourds écrans de chargement.

Et là, j’en viens d’ailleurs à pester sur tous ces abrutis (parce qu’il n’y a pas d’autres mots) qui râlaient contre ces fameuses séquences en ascenseurs, qui pourtant étaient souvent l’occasion d’admirer les formes généreuses de ses coéquipières, ou d’écouter les dernières infos ayant court dans l’univers. Ben voilà, maintenant on a droit à de superbes écrans de chargement qui cassent le rythme à chaque fois qu’on passe d’une zone à une autre, voire d’un étage à l’autre dans le cas du Normandy. Bien joué les gars ! J’espère que vous êtes contents maintenant…

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Je maudis Bioware sur dix générations pour ne pas avoir proposé de conclure avec Aria.

Tiens, et puisque je parle d’Omega, je vais dériver vers les personnages… et notamment Aria, LA figure d’Oméga et sans doute l’un des personnages les plus réussis du jeu. Encore une fois, et même plus encore que précédemment, Bioware nous a pondu un casting d’exception. Que ça soit les équipiers que vous recruterez tout au long de votre aventure, ou les principaux personnages secondaires que vous croiserez, chacun a un look qui lui est propre, une histoire, un caractère, un charisme assez phénoménal et même une voix et une diction remarquable (en français comme en anglais).

C’est bien simple, à ce niveau il n’y a guère que Rockstar pour rivaliser. Qu’il s’agisse de l’ambivalence de l’homme trouble (malgré son nom stupide), de l’assurance d’Aria ou du flegme d’Anderson, on sent le soin apporté aux différents protagonistes. Et je ne parle même pas des coéquipiers, du pieu assassin Thane, de Mordin et son débit de paroles affolant, de Jack la punkette qu’il ne faut pas emmerder, de Samara l’alter-égo de Shepard chez les Asaris ou même de Grunt, le Krogan parfait qui se cherche une raison d’être. Au final, il n’y a guère que Jacob qui parait anodin… et Miranda qui s’en sort tout juste grâce à ses formes généreuses. Même Zaeed, proposé en DLC (gratuit pour ceux qui achètent le jeu neuf), est parfaitement pensé.

Vos loyaux sujets

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Mordin est l’un des équipiers les plus réussis, à la fois drôle et agaçant.

Les dialogues ont encore gagné en naturel, notamment grâce au nouveau système d’interruption pas tant gadget qu’il n’y parait et les répliques déblocables en fonction de votre niveau de conciliation ou de pragmatisme. Il est toutefois dommage que ces répliques supplémentaires soient à chaque fois disponible dans l’un et l’autre des alignements. Il aurait été préférable de pouvoir s’imposer dans certaines situations, qu’en cas de pragmatisme élevé ou de grande conciliation et non des deux. Du coup, un peu comme dans le premier d’ailleurs, l’alignement de votre personnage ne jouera qu’un rôle relativement secondaire ; d’autant plus que si vous pouvez toujours perdre la loyauté d’un ou plusieurs coéquipiers, ils ne se rebelleront pas contre vous comme ça pouvait être le cas dans Dragon Age.

Cette loyauté n’est toutefois pas si anodine que cela, car elle procure à Shepard l’accès à de nouveaux pouvoirs biotiques. En effet, une fois qu’un coéquipier vous sera loyal (en gros, quand vous aurez fait sa mission personnelle), il débloquera un nouveau pouvoir ou de nouvelles munitions particulièrement efficaces. Et, grâce à la recherche et une bonne dose d’élément zéro, il vous sera possible de vous attribuer cette nouvelle corde à votre arc. Bon, là encore s’il n’y a rien à redire sur le fond, on se désolera de la forme un peu trop scolaire avec laquelle se débloquent ces missions, ainsi que de leur manque de variété puisque, hormis la filature de Thane, celle où Shepard joue les appâts pour Samsara et peut-être l’arène du rituel de Grunt, toutes ces missions secondaires seront à nouveau l’occasion de simples combats dans d’interminables couloirs plus linéaires les uns des autres (avec tout de même un choix moral important à chaque final).
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Ce pouvoir est l’un des plus efficace… il permet de déloger des ennemis à couvert et peut même servir de piège contre les spécialistes du corps à corps.

Toujours est-il que grâce à cette loyauté, vous pourrez d’avantage affiner votre Shepard en lui attribuant de nouveaux pouvoirs. Mais les ressources en élément zéro étant plutôt limitées, il est fort conseillé d’y réfléchir à deux fois avant de choisir lesquels se payer. Et sur le principe des ressources, il y a encore beaucoup à dire. Car ces ressources (l’élément zéro, l’iridium, le platine et le palladium) sont nécessaires à l’évolution de votre équipement. Grâce à Mordin, votre bavard scientifique galarien, vous pourrez découvrir de nouvelles technologies pour améliorer le vaisseau, votre armement ou vos armures. Seulement voilà, pour se les procurer, il va falloir passer des heures à scanner les différentes planètes de la galaxie ; et honnêtement, ce n’est pas la partie la plus réussie du soft.

Déjà, le scan est beaucoup trop lent et pénible (la priorité des priorités c’est de rapidement développer un nouveau scan, plus puissant, pour accélérer le processus), mais surtout il n’est guère enthousiasmant. Balader un curseur sur une planète et lancer une sonde quand le pad vibre, avouez qu’on a fait plus bandant comme gameplay ! On en reviendrait presque à regretter le Mako et sa maniabilité atroce. Dommage car l’idée était plutôt séduisante, mais comme pour beaucoup d’autres points du jeu, pas assez développée.

Finir en beauté

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Les récolteurs sont le nouvel ennemi de l’humanité… enfin pas si nouveau que ça en fait.

Bref, vous l’aurez compris si vous avez eu le courage d’aller au bout de ces quatre précédentes pages, Mass Effect 2, comme son aîné, est lui aussi un titre daté (pas dans la réalisation, mais dans ses mécanismes), bancal et bourré de bugs. Malgré tout, encore une fois, la sauce prend (du moins avec moi) et on se laisse transporter dans cette aventure hors du commun qu’on savoure avec délectation jusqu’au dénouement final qui promet énormément. Reste qu’encore une fois, on attendra beaucoup de Mass Effect 3, en espérant ne plus être déçu. Si Bioware cherche quelques idées, j’en ai une pelleté à revendre ! Déjà, prendre des cours de level design auprès de spécialistes du Third Person Shooter (Epic par exemple), histoire de rendre les combats moins redondants, et peut-être de développer le principe des ressources en implémentant un système économique à la Privateer, avec des besoins différents entre les planètes et une gestion de la spéculation poussée.

Les véhicules manquent cruellement à cet opus, donc proposer une version plus aboutie du Mako me semble judicieux, ou pourquoi pas nous permettre de piloter quelques navettes ou voitures volantes en ville. Cela permettrait en plus de varier quelque peu les missions et ne plus se contenter de simples « kill kill bute bute ». Les développeurs pourraient également pousser le vice des relations sentimentales en permettant au joueur d’avoir un enfant dont les traits et la personnalité seraient définis par ses parents et qu’on pourrait jouer dans une seconde trilogie. Et surtout, l’univers de Mass Effect aurait bien besoin d’une bonne grande et grosse guerre qui ravage toute la galaxie. Ceci dit, je ne voudrais pas spoiler la fin de ME2, mais…
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Les histoires de cul sont toujours monnaie courante dans ME2, avec Jack, Miranda, Tali ou Kelly, la secrétaire de Shepard.

Enfin bref, il y a tant à faire dans cet univers, tant de choses à améliorer pour que la série puisse passer un nouveau cap vers l’excellence, au lieu de stagner dans la suffisance tel qu’elle le fait actuellement en s’appuyant presque exclusivement sur son histoire, son univers et ses dialogues. D’ailleurs, un point que je n’ai pas soulevé durant cette critique, c’est justement la richesse de cet univers qui pourrait presque desservir le jeu ici. Car pour celui s’étant déjà essayé au premier épisode, pas de souci. Mais celui qui débute aura bien du mal à comprendre tous les tenants et les aboutissants du monde dans lequel il évolue. Non contents de ne développer plus avant les événements passés, Bioware ne s’encombre pas non plus de s’étendre sur la description du monde qu’ils ont crée et va directement à l’essentiel.

Le néophyte ne connaîtra donc pas la place de chaque race dans cet univers, ne devrait pas capter grand-chose à l’histoire des moissonneurs et des prothéens pourtant encore au cœur du scénario. Plus anecdotique, mais fait amusant relevé dans l’une des séquences vers la fin du jeu, il ne comprendrait même pas la démarche claudicante de Joker, atteint de la maladie des os de verre. C’est sans doute l’une des raisons qui me fait penser que ce jeu ne peut pas débarquer sur PS3 ; du moins pas en l’état. Car en l’absence d’un premier épisode ou au moins d’un résumé conséquent de ce dernier (façon Shenmue II), le joueur Playstation se trouverait bien perdu dans l’immensité de cette galaxie.

 

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