Le jeu vidéo m’a tuer

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Régulièrement, les jeux vidéo font la une des médias, alimentant leurs rubriques faits divers de tristes anecdotes. Violence, addiction, mauvaise influence ; le jeu serait-il en train de devenir une arme ?

La violence vend

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Un jeu de guerre photo-réaliste au moyen-orient, en pleine guerre du golfe… le tact à l’américaine quoi !

Aujourd’hui, pour qu’un jeu marche, il n’y a pas trente-six solutions. Soit vous vous appelez Nintendo et donnez dans l’ultra casual afin de toucher un public peu enclin à tâter du pad, soit vous sortez un jeu de foot, soit vous faites un jeu violent. De nos jours, il est évident qu’il n’y a guère de place pour les concepts originaux et rafraichissants. Les grosses machines Halo, Call of Duty et autres GoWs (Gears & God of War) raflent tout sur leur passage et ne laissent que des miettes aux productions moins guerrières. L’industrie serait-elle alors en train de transformer nos enfants en soldats, en tueurs froids et calculateurs ? Est-ce vraiment une coïncidence si l’armée recrute au travers de titres comme America’s Army ou Full Spectrum Warrior ? Si les FPS tendent à rejoindre la réalité, bien aidés par des graphismes toujours plus photo-réalistes ? Ainsi, les cas de dérives de joueurs franchissant la frontière qui sépare le monde réel de son homologue virtuel défraient régulièrement la chronique. Au moment même où j’écris ces lignes, se tient aux Etats-Unis, le procès d’un jeune adolescent américain, joueur fanatique de Halo, qui aurait tué père et mère pour lui avoir confisqué sa console. Il faut dire que ce beau pays outre Atlantique n’est pas habitué à la stupidité humaine et la violence exacerbée, n’en témoigne l’exemplarité de leur ancien président. On retrouve d’autres cas similaires à travers le monde, comme ce jeune thaïlandais qui braque et tue un chauffeur de taxi sous l’influence, parait-il, de GTA, ou ce chinois qui tue son ami parce qu’il a revendu une arme super rare gagnée dans un MMO. Sans aller forcément jusqu’au meurtre, on pourrait signaler de nombreuses autres affaires de vol ou d’agression influencées par le jeu vidéo. Mais combien l’ont été par Scarface ou simplement par le journal de 20 h ?

Le pouvoir médiatique

Et même si de tels cas existent bel et bien, le jeu vidéo s’apparente parfois à une belle excuse. Rarement, pour ne pas dire jamais, médias et institutions creusent leurs sujets pour tenter de quantifier la responsabilité du jeu et celles probablement inhérentes au contexte familial et émotionnel des accusés. Pire, lorsque le jeu traine dans l’ombre d’une affaire, il se retrouve illico presto catapulté accusé commis d’office. On l’a encore vu récemment avec cette affaire dans laquelle un jeune garçon de cinq ans s’est vite retrouvé coupable idéal ; coupable d’avoir poignardé sa petite sœur qui ne le laissait pas jouer à la Wii. Encore une fois, le jeu vidéo fut pointé du doigt. Encore une fois, les médias se sont autoproclamés juges, passant largement au-dessus de la présomption d’innocence. Peu de temps après, la mère passe aux aveux et met un terme aux suspicions portées sur l’industrie du jeu. Seulement le mal était fait, les esprits endoctrinés : Le jeu vidéo tue ! Ce genre de cas n’est pas une exception. Car, même si les conséquences furent beaucoup moins graves, France 2 avait déjà fait montre de son incompétence journalistique en reprenant, le plus sérieusement du monde, une « vanne de newseur » d’un rédacteur de nos confrères et amis Xbox-Mag. Pour mémoire, la chaine n’avait pas hésité à annoncer dans son journal de 13h que des centaines d’otakus (ces joueurs fanatiques japonais) s’étaient suicidés suite au report de Dead or Alive. La vanne parlant de suicides par absorption de silicone (clin d’œil aux formes généreuses des protagonistes) ; on se demande bien comment un supposé journaliste a pu prendre cette gaudriole au sérieux. Comment une rédaction censée professionnelle a pu donner une telle information sans prendre une seule seconde pour vérifier la véracité des propos tenus ?

TV pour Vendetta

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Pourquoi jouer à Ico quand on a Arthur, Cauet et autres Dechavane pour nous divertir ?

Avec un minimum de curiosité et de sens critique, on ne peut que constater la stigmatisation opérée, essentiellement par la télévision, mais aussi par quelques revues dites « sérieuses ». Jamais vous n’entendrez parler du jeu vidéo comme vecteur éducatif, social et culturel. Jamais vous ne le verrez érigé au rang d’art malgré l’évidence qui semble être dans le cas de titres comme Ico, Okami ou Braid (pour ne citer qu’eux). Par contre, vous le verrez très souvent décrédibilisé par des sujets évoquant de jeunes joueurs accrocs, piquant crise de nerfs sur crise de nerfs, délaissant leur petite-amie ou sombrant dans la no-life attitude. Pourquoi un tel acharnement ? Conflit générationnel ou conflit d’intérêt ? C’est qu’on s’interrogerait presque sur une éventuelle vindicte contre l’ennemi n°1 de l’audimat. Quel est le message derrière tout ça ? « Jeune, éteins ta console, ça te rend débile et agressif. Regarde plutôt Cauet et Super Nanny ! » ? Le discours est même encore plus flagrant à chaque nouveau GTA ; sempiternel bouc émissaire de la croisade anti jeux-vidéo. J’ai pour mémoire un glorieux débat diffusé sur Canal + à l’occasion de la sortie du quatrième épisode. A aucun moment n’étaient cités les messages sociopolitiques véhiculés par le jeu, ni fait mention de sa grande force scénaristique ou de la richesse de son univers. Le propos ne se concentrait que sur les détails moralement discutables des possibilités offertes par le jeu. Et le pire dans cette débauche d’hypocrisie et de parti pris, c’est qu’aucun des protagonistes de ce débat sans opposition n’avait pris la peine de jouer au jeu. De connaitre son sujet. De faire son travail aurai-je envie de dire.

Qui est responsable ?

Et comment parler de fronde systématique sans survoler le cas de Familles de France ? Cette association, que je n’hésite pas à comparer à des fanatiques religieux, est l’amusante mais néanmoins pathétique fervente opposante historique au jeu vidéo. GTA, mais bien avant cela, les Carmageddon et autres Splatterhouse sont et furent les cibles privilégiées de ce petit groupe intolérant, refusant toutes idées éloignées de leurs principes primitifs. Bien sûr, je ne viendrais pas remettre en cause une philosophie visant à maintenir un certain sens moral et humaniste dans une société ; d’autant plus considérant la récurrente absence de ces vertus dans ce monde qui est le nôtre. Mais est-ce utile de sombrer dans les excès ? L’éducation que chacun d’entre nous est censé avoir ne nous permet-elle pas d’être notre libre arbitre ? N’est-il pas de la responsabilité de chacun de différencier ce qui nous est divertissant de ce qui nous est dangereux ? Si une personne en tue une autre sous l’influence d’un jeu vidéo, le responsable est-il le dit jeu ou bien la personnalité de l’accusé, l’éducation de ses parents ? Si demain je fais brûler une voiture parce que j’ai vu les émeutes au journal télévisé, est-ce parce que je suis complètement con ou est-ce juste la faute de Claire Chazal ? En temps que père de famille, je ne laisserais jamais mes filles jouer à Resident Evil ou GTA. Alors pourquoi d’autres le font ? Par désinformation ? Laissez-moi rire ! Des avertissements sont visibles partout, sur tous les médias. La norme PEGI sur les jeux, les signalisation -10/-16 sur les films et séries télévisées… pourtant aujourd’hui beaucoup de parents ne s’en soucient guère. Et au final, est-ce si dramatique ? Qui n’a jamais regardé un film d’horreur ou un bon vieux porno des familles bien avant l’âge conseillé ? Cela vous a-t-il profondément changé ? S’il fallait bannir tout ce qui est susceptible d’influencer nos enfants de manière malsaine, beaucoup de choses seraient à revoir dans notre société… et pas sûr qu’encadrer le jeu vidéo soit le plus urgent.

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