J’ai bougé mon corps avec Kinect

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En l’écoulant à plus de huit millions d’exemplaire, Microsoft a réussi le pari d’imposer Kinect dans la guerre du Motion Gaming. Mais s’il n’y a désormais plus de doute quant à sa pérennité, que vaut réellement ce périphérique aujourd’hui ?

Ma grosse barre oblongue

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Moi, jouant à Kinect pour les besoins des étudiants des beaux arts…
Bon, le titre exact de cet article aurait plutôt du être « j’ai bougé mon corps de dieu grec avec Kinect », mais c’est trop long et j’avais peur qu’on me prête un certain égocentrisme qui ne me correspond guère. Toujours est-il que près de deux mois après la sortie du nouveau périphérique de Microsoft, j’ai pu me ridiculiser en gesticulant devant ma télé, non sans prier qu’aucun voisin ne soit accoudé à sa fenêtre avec vue imprenable sur mes performances. Car c’est un peu ça le véritable problème autour du motion gaming, désormais on a d’avantage peur de se faire gauler en train de jouer à Kinect, au Move ou à la Wii, qu’à mater un gros boulard trash avec double anale et zoophilie. Bon, normalement c’est à ce moment précis qu’un journaliste de formation, pétri de talent et professionnel jusqu’au bout des ongles, vous aurait trouvé une transition pour poursuivre cet article, mais comme c’est loin d’être mon cas, je passe directement du coq à l’âne (et non, ça n’a aucun rapport avec la fin de ma phrase précédente).

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On dirait pas comme ça, mais ça prend de la place sur le meuble télé.
J’avais déjà pu voir et essayer le prototype, avant qu’un marketeux à deux francs six sous nous sorte un nom ridicule et imprononçable, issu d’un de ces brainstorming où on passe plus de temps à taper de la coke qu’à réfléchir, pour remplacer celui auquel tout le monde s’était habitué (Natal). Pourtant, la première expression qui vint illuminer mon visage au moment où j’ai sorti le périphérique, ce fut sans doute l’étonnement mêlé à une certaine inquiétude, lorsque je prononçais la phrase fétiche de ma chère et tendre : « Oh, mais qu’il est gros ! ». Car oui, le capteur de Kinect n’a rien à voir avec la pauvre Sensorbar de la Wii que j’ai habilement scotché sur le haut de mon téléviseur. Non, ici le capteur est énorme mais, curieusement, se marrie plutôt bien avec ma (petite) télé. Et puis ça donne un petit coté hi-tech à mon salon… c’est toujours pratique pour se la péter quand on invite des amis qui débarquent de la France profonde (genre Amiens ou Caen) pour monter à la ville.

Cherche château à louer

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Vérifiez que vous êtes suffisamment riche pour faire tenir Kinect dans votre salon.
Passée la surprise relative à la taille, vint alors la surprise relative aux performances. Car pour fonctionner, Kinect a besoin d’au moins 1,50 mètre de recul (comptez plutôt 2,50m/3m pour des performances optimales). Il est également nécessaire que celui-ci soit placé à 65 centimètres, minimum, au-dessus du sol. Enfin, il faut qu’aucun objet n’encombre l’espace entre le capteur et le joueur ; donc comptez en sus, entre vingt et trente mètres² de libre pour y entreposer table basse, fauteuils éventuels, chiens et enfants. En gros, les gens comme moi, à savoir les pauvres, qui ont tout juste 1,60 mètre de battement et un meuble télé qui ne culmine pas à plus de 50 centimètres, l’ont profondément dans le cul et devront se contenter d’une reconnaissance de mouvements bancale. Choisir le salon de Bill Gates comme mètre étalon n’était peut-être pas l’idée la plus géniale qu’ait eu Microsoft ces dernières années… Faut pas s’étonner après que Kinect fasse un four au Japon.

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On est quand même encore loin de l’interface à la Minority Report.
Toujours est-il que ça marche ! Ce n’est sûrement pas le périphérique révolutionnaire et futuriste que tout le monde attendait, et question fluidité et intuitivité, on est quand même super loin de l’effet Minority Report auquel on fait souvent référence. Non, à ce niveau, on serait plutôt dans le remake pakistanais avec effets spéciaux en carton. Mais au moins, si vous ne vivez pas dans une chambre de bonne de 9m² à 800 euros par mois, ça fonctionne. Le nouveau dashboard qui lui est consacré est simple d’utilisation et relativement complet, même si d’un point de vue personnel, je regrette qu’outre les jeux, l’utilisation de Kinect soit réservée à la seule VOD et non aux vidéos (et la musique) lues en streaming depuis son PC, via un logiciel type TVersity, Winamp ou Vuze. Du coup, à l’heure actuelle Kinect se montre extrêmement limité et n’a finalement pour seul intérêt, que les jeux. Il fait donc clairement plus office de gadget de luxe que de véritable périphérique indispensable… d’autant plus que la ludothèque qui lui est consacrée n’a rien de très enthousiasmant.

Le pire line-up de l’histoire

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Honnêtement, je ne pensais pas Kinect Adventures aussi sympatoche…
Car si Microsoft considère, comme il l’a tant répété, que le lancement de Kinect correspond plus ou moins au lancement d’une nouvelle console, celui-ci peut alors se vanter d’avoir le pire line-up de l’histoire du jeu vidéo. Ne cherchez pas de killer app ou de titre emblématique du support, il n’existe pas ! Ne cherchez pas le jeu gamer, ou tout simplement le jeu riche et complet qui va vous scotcher à l’écran et vous bluffer par ses fonctionnalités, il n’existe pas. A la place, on doit se contenter d’une mauvaise copie de l’immondice de Nintendo, WiiSports. Avec quand même une véritable fierté pour la firme américaine, celle d’avoir réussi à faire pire et d’avoir trouvé le culot de vendre KinectSports quand WiiSports était fourni avec la Wii. Fixer un prix à 50 euros pour un jeu dont la durée de vie n’excèdera pas les douze minutes cinquante-deux, fallait quand même avoir des couilles ! D’un autre coté, Microsoft a tout de même fourni un titre avec son périphérique, Kinect Adventure.

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Microsoft n’a pas jugé bon de m’envoyer Dance Central, mais c’est pas plus mal… j’ai d’ores et déjà atteint mon quota de situations ridicules pour l’année.
Sans être un incontournable, ni même offrir une durée de vie exceptionnelle, le jeu a au moins le mérite d’être bien plus amusant que 90% de ses homologues payants. La reconnaissance de mouvements est relativement potable et les épreuves proposées promptes à nous faire sourire ; surtout à plusieurs. Notez d’ailleurs l’idée plutôt sympa d’avoir placé quelques checkpoints ça et là dans les niveaux, où Kinect vous tirera le portrait dans le feu de l’action… une occasion rêvée pour faire le pitre même s’il est dommage de ne pas pouvoir exporter les clichés. Le prix du meilleur jeu de ce line-up, serait à priori attribué à Dance Central, d’Harmonix. Je dis bien « à priori », car Microsoft étant en rupture, je n’ai pas pu me le procurer. Ceci dit, comme je suis un piètre danseur et que j’ai encore moins d’estime pour les artistes figurants sur la tracklist que pour les vendeuses quinquagénaires du système pyramidal de tupperware, je ne m’en plaindrais pas outre mesure.

Le gamer abandonné

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A la base, le jeu devait être jouable et gratos… puis Kinect est arrivé.
Enfin, et pour compléter le line-up First Party, Microsoft nous proposait deux derniers titres compatibles Kinect : Joyride et Kinectimals ! Le premier, vous le connaissez sûrement, puisque c’est le petit jeu de bagnoles que le constructeur nous promettait de nous refiler gratos à une époque. Bon, il n’était pas encore question de Kinect, juste d’un simple pad et de parties communautaires, un peu à l’image de ce que proposait 1 contre 100, mais à la sauce Mario Kart. Très vite, le projet est tombé dans l’oubli et Microsoft a tenté d’étouffer l’affaire… et pour cause, le petit jeu sans prétention gratos d’autre fois est devenu le petit jeu sans prétention vendu 50 euros pour agrandir la ludothèque désespérément vide de Kinect. Résultat des courses : Sans doute le pire jeu First Party du line up, et je mets au défi quiconque de finir le tuto. Je crois que je préférais encore le misérable Kinect Sports… c’est dire. Kinectimals par contre, est une franche réussite.

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N’est-il pas cromimikawaï ???
Alors ce n’est clairement pas le genre de jeux auxquels les fans de Gears of War vont s’adonner sans retenue, mais pour les petites filles qui font figure de cœur de cible, il s’agit du titre idéal. Plutôt bien réalisé, proposant des félins absolument adorables et parfaitement bien animés, une reconnaissance des mouvements précise (si tant est que vous ayez assez de place) et une bonne durée de vie avec un nombre d’activités conséquent. Définitivement LE vrai bon titre avec Dance Central, même si l’un comme l’autre ne conviendront pas à la majorité d’entre nous… et surtout aux supporters historiques des deux Xbox. Malheureusement donc, vous l’aurez compris, Kinect aujourd’hui est essentiellement dédié aux familles lassées d’une Wii vieillissante. Le joueur de jeux vidéo, lui, est complètement laissé à l’abandon… d’autant plus qu’aucun éditeur tiers n’a su élever le niveau en proposant un titre Kinect qui soit, ne serait-ce qu’acceptable (même pour le joueur peu exigeant, c’est dire…). Alors quid de l’avenir de Kinect ?

No Future

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Vous aussi ça vous fait rêver, hein ?!
Car c’est bien là le problème. Si le périphérique a fait un véritable carton durant les fêtes de Noël, cela ne change guère l’amer constat que l’on peut en faire aujourd’hui : Aucun titre ne vaut réellement le détour, et surtout, aucun titre ne semble en mesure de relancer l’intérêt de Kinect dans les mois à venir. Certes, on a pu constater quelques annonces alléchantes, notamment du coté des développeurs japonais, mais rien de concret à l’heure actuelle. Pour l’instant, la seule date de sortie connue concernant un titre Kinect, c’est celle du Michael Jackson d’Ubisoft (cachez votre joie). Aucun autre jeu, ne serait-ce une quelconque bouse infâme, ne semble en passe de sortir prochainement. Dans ces conditions, combien de temps pensez-vous que ça va prendre pour que Kinect aille définitivement se loger au fond du placard, à prendre la poussière à coté de la webcam Live Vision ? Microsoft pensait-il réellement que les gens allaient s’éclater à jouer à Kinect Sports pendant un an en attendant qu’ils se décident enfin à sortir de nouveaux jeux ?

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Cool, les gamers vont pouvoir se réunir pour parler de leur addiction au jeu vidéo…
Dès lors, entre un périphérique bien trop exigeant et trop limité technologiquement parlant, un line-up ridicule composé essentiellement de mauvais jeux et d’une poignée de titres tout juste sympatoches, et un avenir assombri par la cruelle absence de nouveautés pour les mois à venir, on peut légitimement se demander si Microsoft n’a pas un peu trop précipité la sortie de son bébé. Et franchement, ce n’est pas la récente annonce de chat Kinect pour organiser des réunions d’anciens alcooliques anonymes qui va nous rassurer. Reste que les ventes ont été exceptionnelles, surprenant même les marketeux les plus optimistes de la firme de Redmond. Avec un peu de chance/malchance (rayez la mention inutile), les adaptations Wii foireuses et les motion-remake de titres 360 existants devraient fleurir rapidement (car développés à l’arrache), en attendant la fin 2011, voire le Printemps 2012, que Kinect nous offre enfin quelque chose d’intéressant à jouer. D’ici là, le périphérique à le temps de mourir dix fois…
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