Isle of Skye, la route du Whisky

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Récemment auréolé par nos amis germaniques, Isle of Skye est un jeu de placement qui sent bon l’air vivifiant de l’Ecosse, à base d’embruns iodés et de relents de moutons imprégnés de whisky. Vous n’aurez même pas besoin d’être roux pour y être un Lord !

C’est quoi ce jeu ?

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La boîte n’est pas thermoformée et ce n’est pas plus mal. Par contre, mieux vaut avoir des zip sous la main…
Isle of Skye est un jeu de placement de tuiles pour deux à cinq joueurs, créé par Alexander Pfister et Andreas Pelikan, un duo à qui l’on doit notamment Broom Service. Le jeu est illustré par Klemens Franz également illustrateur de Trambahn dont je vous parlais il y a peu . Récemment vainqueur du Kennerspiel des Jahres, illustre prix décerné outre Rhin, pour lequel il a devancé T.I.M.E. Stories et Pandemic Legacy. Excusez du peu. Édité par FunForge, le titre est disponible pour la modique somme de 25/30 euros (24,90 chez nos amis de Ludifolie).

Dans la boite ?

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Une pelleté de tuiles terrains, soigneusement rangées dans un joli sac en toile.
Le jeu se présente sous la forme d’une boîte rectangulaire non compartimentée, avec pour seuls rangements un petit sachet zip pour les marqueurs et un sac en tissu pour les tuiles (prévoyez donc d’autres zip, ne serait-ce que pour la monnaie). On y trouve un petit plateau de jeu réversible (en fonction du nombre de joueurs), 16 tuiles de Score, 73 tuiles Terrain, 73 pièces d’or (de valeur 1, 2, 5 et 10), 1 tuile Premier Joueur, un jeton Compte-tour, 5 marqueurs de score, 5 tuiles Château, 6 écrans de jeu (pour 5 joueurs + 1 en rab), 6 tuiles Défausse (encore une fois, une en rab), un sac en tissu et, bien entendu, la règle, succincte mais très bien illustrée. Bref, le accros du dépunchage vont être ravis !

Comment on joue ?

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Première étape : Choisir votre roux ! Enfin… Lord.
En soi, les règles d’Isle of Skye ne sont pas spécialement compliquées, mais leur application l’est d’avantage, compte tenu des possibilités et contraintes de placement et des combinaisons à prendre en compte pour marquer des points.
On commence par la mise en place, en sélectionnant la face du plateau de jeu correspondant au nombre de joueur, puis en y posant le compte-tour sur la première case et quatre tuiles Score prise au hasard sur les quatre fenêtres prévues à cet effet. Sachez d’ailleurs qu’une partie à 2, 3 ou 4 joueurs se déroule en six manches, quand une partie à 5 joueurs n’en dure que cinq. Chaque participant récupère ensuite son écran de jeu et son marqueur de score correspondant à sa couleur, une tuile défausse et une tuile Château qu’il pose devant lui. Chaque tour de jeu est ensuite composé de six phases :

Tout débute par une phase de revenus, où chacun récupère de l’or : 5 pièces pour leur château et 1 pièce par tuile surmontée de barils de whisky, reliée par une route à leur château. De plus, à compter du troisième tour, les joueurs à la traine récupère des pièces supplémentaires par joueur devant eux sur la piste de score : 1 pièce au troisième tour, 2 au quatrième, 3 au cinquième et 4 au sixième (pour les parties à cinq joueurs, donc). Ensuite, tout le monde pioche trois tuiles Terrain dans le sac en toile et les alignent devant leur écran de jeu. De l’autre côté de cet écran de jeu, caché de tous donc, ils déterminent alors de quelle tuile ils vont se débarrasser, en plaçant le jeton défausse à gauche, au centre ou à droite, et fixent le prix des deux tuiles restantes en y déposant un certain nombre de pièces d’or (au moins une). Une fois que tout le monde est prêt, on retire les écrans de jeu et on remet dans le sac les tuiles marquées du jeton Défausse.

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Les tuiles de Score sont vraiment très variées et influencent très largement la construction de votre région.

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Une zone complétée est une zone qu’on ne peut plus agrandir. Ici, il y en a deux…
Vient alors une phase de commerce où à tour de rôle, chacun peut acheter une tuile à l’un de ses adversaires, au prix fixé par ce dernier. Si un joueur vend l’une de ses tuiles, il récupère l’argent de la transaction, mais également l’or qui lui a servi à en fixer le prix. Une fois que tout le monde a acheté une tuile (ou passé), chacun récupère celles qui restent devant lui et l’argent correspondant au prix de celles-ci retourne à la banque. Il ne reste alors qu’à ajouter les tuiles récupérées à son territoire, en respectant toutefois certaines règles :

  • Chaque tuile doit être adjacente à au moins une autre tuile.
  • Les terrains adjacents doivent être de même nature (pâturage, mer, montagne).
  • Chaque tuile ne pouvant être placée, car ne respectant pas ces règles, est remise dans le sachet. Elle n’est toutefois pas remboursée
  • Vient alors le décompte des points, qui dépend de la ou les tuiles de Score du plateau individuel. Les joueurs avancent leur marqueur de score respectif et le premier joueur passe le jeton au suivant, dans l’ordre des aiguilles d’une montre, avant d’attaquer le prochain tour. A la fin de la partie, des points bonus sont attribués et celui qui se retrouve en tête sur la piste de score devient le Maître de l’île. En cas d’égalité, le plus riche l’emporte.

    Conclusion

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    Tirer parti de toutes les tuiles score est parfois un vrai casse-tête.
    Isle of Skye mérite-t-il le Kennerspiele des Jahres, titre récompensant le meilleur jeu de l’année dans la catégorie « Jeux pour experts » ? Difficile à dire. À mon sens, il a peut-être bénéficié de concurrents certes très populaires et sans doute plus « experts » (une popularité méritée d’ailleurs), mais jouables exclusivement en coopération. Ceci étant, derrière cette polémique qui n’a pas vraiment lieu d’être, on retrouve un excellent jeu de placement, facile d’accès mais suffisamment riche et varié pour offrir une belle courbe de progression.

    En tout cas, le jeu dans ses principes de base est plutôt plaisant. Voir sa région prendre forme au fur et à mesure des tours, a ce côté « territoire homemade » déjà très amusant en soi. À cela s’ajoute une profondeur de jeu relative aux tuiles de score, qui à raison de quatre utilisées à chaque parties (sur seize disponibles), permet de varier considérablement les objectifs. Et comme chacune des manches fait marquer des points de différentes façons possibles, en combinant ces fameuses tuiles justement, vous devrez constamment jouer avec les parcelles de terrain à votre disposition pour trouver le bon compromis entre scoring immédiat et prévision des manches suivantes. Ajoutez à cela la notion d’or basée sur les barils de whisky, ainsi que les bonus de fin de partie, pouvant même être doublés si le bonus en question se situe dans une zone complétée (comprenez une zone de montagne, de mer ou de pâturages clairement délimitée) et vous comprendrez que tirer le meilleur parti de vos ressources devient très vite un sacré casse-tête.

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    Fixer le prix d’une tuile est toujours un moment délicat.

    De plus, vous ne jouez pas seul dans votre coin. Bien entendu, votre région est la vôtre et rien que la vôtre. Mais vous devez tout de même garder un œil sur celle du voisin, afin de lui voler (enfin, lui acheter) les tuiles qui pourraient l’avantager ; et à fortiori celles qui vous avantagent. Pour cela, le principe de tarif fixé par les joueurs est très bien conçu et particulièrement fourbe. Car le coût de vos tuiles s’appliquera autant à vos adversaires qu’à vous-même. Ainsi, gonfler le prix d’une tuile pour la sécuriser vous mettra relativement à l’abri d’une OPA hostile, mais vous en paierez le prix. À contrario, fixer un prix faible pour ne pas perdre trop d’argent, c’est prendre le risque de se voir dépouillé par les adversaires qui verront votre rabais comme une aubaine. Là encore, il faut trouver le compromis idéal car il n’y a rien de pire que de fixer un tarif prohibitif sur une de vos tuiles et de s’apercevoir qu’elle n’intéresse pas vos rivaux. Ou pire, de voir partir LA tuile de vos rêves parce que vous pensiez que personne ne miserait un centime dessus.

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    Un parchemin dans une zone complétée double le bonus qu’il octroie.
    Bref, Isle of Skye multiplie les qualités. Il est juste dommage que la partie graphique ne soit pas un plus moderne (encore que ce ne soit qu’une histoire de goût) et surtout plus représentative de l’Ecosse. En l’état, il faut bien avouer que ça pourrait illustrer n’importe quelle région du globe ou presque, voire des contrées imaginaires issues de n’importe quel univers heroic-fantasy, du moment qu’on y trouve des pâturages, des moutons et de l’alcool. Avouez que ça ratisse large… Toujours est-il que ce point de détail mis à part, le jeu est plutôt plaisant et suffisamment riche pour se renouveler à chaque partie. Si ça n’en fait pas forcément un incontournable, c’est en tout cas un jeu qui mérite très largement sa place dans toutes les bonnes ludothèques qui se respectent. En même temps moi, dès que ça parle whisky…

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