Gangsta, de l’action au féminin

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A l’heure de débats houleux sur la parité entre les sexes, la théorie des genres et la chasses aux clichés sexistes, un Seinen violent écrit et dessiné par une femme, ça vous parle ?

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Gangsta – Volume 1
Contrairement à ce que l’on pourrait s’imaginer à la lecture de son titre, Gangsta ne nous envoie pas rouler en lowrider dans les ghettos de L.A., mais plutôt se perdre dans les dédales malfamés d’Ergastulum, une ville imaginaire aux consonances pleines de sens (Un ergastule étant l’endroit où on envoyait les prisonniers aux travaux forcés dans l’antiquité romaine… Polygamer, 1er sur la culture !). Pour les connaisseurs, cette ville n’est pas sans rappeler Roanapura de Black Lagoon, l’exotisme caribéen en moins. Autant dire que l’ambiance n’est pas aux pique-niques en familles ou aux voyages scolaires chers à nos amis nippons. On y suit les tribulations de deux hommes à tout faire : Nicolas, un « indexé » (sorte de super-homme aux capacités physiques hors-normes, encore un peu floues après ce premier tome) utilisant le langage des signes pour s’exprimer et un katana lorsque les discussions n’ont plus cours. Et Warwick, le gigolo borgne, plus jovial et amène que son comparse, d’avantage porté sur les flingues et les jolies nénettes. Tous deux exécutent les contrats d’un inspecteur de police un peu dépassé par la situation, dans un milieu où les mafieux règnent en maitres. C’est à cette occasion qu’ils vont faire la connaissance d’Alex, jeune et belle prostituée qui se fait régulièrement rosser par son mac, et qu’ils vont recueillir au sein de leur petite entreprise de « services en tous genres ».

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Kohske nous prouve qu’on peut-être une femme et ne pas vivre dans un conte de fée.
Très honnêtement, l’originalité n’est pas forcément la vertu première de cette œuvre, dont on voit poindre les clichés de manière assez grossière. A la lecture de ce premier Tome, ce n’est pas encore gênant, mais on sent irrémédiablement une odeur de déjà-vu lorsqu’on touche au sombre passé de Nicolas. J’espère me tromper, mais j’en doute. Il en va de même pour l’histoire qui, de l’aveu même de l’auteure, n’était pas encore bien définie à l’époque de ce 1er Tome. Le récit part tambour battant dès les premières pages, sans trop savoir vers où il se dirige. Bien entendu, cela ne condamne en rien un scénario encore balbutiant, mais on est en droit de se demander où tout cela va nous mener. Rien que cette histoire d’indexés, dont on comprend qu’il s’agit d’individus plutôt coriaces, nous laisse perplexes. S’agit-il de mutants aux pouvoirs fantastiques, ou juste d’hommes un peu plus forts, un peu plus véloces, un peu plus agiles que la moyenne ? Seul l’avenir nous le dira, mais déjà je prie pour ne pas voir jaillir des boules de feu et autres niaiseries japonisantes, tant des pouvoirs pseudo-magiques seraient incohérents avec l’univers plutôt réaliste qui nous est dépeint ici.

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Dans ce 1er Tome, Nicolas est clairement un ton au-dessus de son acolyte.
D’un point de vue graphique, l’œuvre souffle également le chaud et le froid sur ses lecteurs. D’un côté, on retrouve un charadesign très soigné et des personnages particulièrement expressifs ; notamment les trois héros, franchement réussis. De l’autre, on se heurte à des décors aux airs de favelas brésiliennes (le dénivelé en moins), un peu vides et redondants. A ce point qu’on a parfois l’impression que l’intrigue ne se concentre qu’autour de trois ou quatre ruelles identiques. Là aussi j’espère que des efforts seront consentis pour varier un peu les ambiances et nous dépayser. Mais au-delà de ça, l’auteure ne fait aucune concession pour nous plonger au cœur de cette ville sale et torturée, n’hésitant pas à recourir au combo sexe + violence, souvent cru mais jamais obscène, pour nous river aux pages. De plus, ici pas de découpage abracadabrantesque des cases, comme on peut le voir dans certains mangas. Tout est parfaitement lisible, même si quelques scènes d’action auraient mérité d’avantage de fluidité. Le titre est également émaillé de quelques plans plus marqués, qui lui donnent parfois des allures de western moderne. Ce qui n’est pas pour me déplaire.

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Avouez que le fanart, parfois, c’est… hum… intéressant.
D’ailleurs, à ce stade de ma critique, je me relis et m’aperçois alors que j’ai peut-être été un peu rude avec cette œuvre. Pourtant, même si les inquiétudes citées plus avant sont bien réelles et traduisent parfaitement le sentiment qui m’habite à l’heure actuelle, j’ai peur qu’elles soient mal interprétées. Car contrairement aux apparences, j’ai passé un excellent moment à lire ce premier Tome. Bien assez en tout cas pour attendre le second volume avec impatience (sortie prévue en mars prochain). Bien sûr, ce n’est pour l’instant pas le manga du siècle. L’histoire ne m’a pas transcendé outre mesure, mais son équilibre parfait entre action et humour suffit à me tenir en haleine. Difficile de ne pas s’enthousiasmer pour ces trois antihéros qu’on se plait à aimer, dont l’intérêt principal réside dans l’équilibre entre leurs personnalités. Un peu comme une œuvre en triptyque qui ne pourrait s’apprécier à sa juste valeur, prise individuellement. En tout cas, si vous êtes amateur de mangas, je vous engage pleinement à vous laisser tenter, et à juger par vous-même. Et même si vous ne l’êtes pas d’ailleurs. C’est peut-être l’occasion de faire fi de vos préjugés et de vous lancer dans le grand bain. Après tout, il faut bien commencer quelque part. Et puis à 7 euros le Tome, on ne peut pas dire que l’investissement soit particulièrement risqué…

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