Divinity Original Sin, vices et vertus du rôliste

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Si comme moi vous pensez que le RPG occidental d’aujourd’hui tient plus du jeu d’action que du RPG, vous devriez ronronner de plaisir à l’idée de retrouver un vrai bon jeu de rôles à l’ancienne. Alors Divinity est-il le messie tant annoncé ou un énième prophète hard discount comme on a l’habitude d’en voir ?

Motivés, motivés

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Tout commence par la longue, mais nécessaire, création des personnages
Dire que tester Divinity: Original Sin n’a pas été une promenade de santé est un doux euphémisme, tant les galères et les aléas ont été nombreux à nous mettre des bâtons dans les roues. Oui nous, car si aujourd’hui je suis le seul auteur de cette critique, à l’origine nous aurions dû être deux. Deux car c’est en duo avec Nachcar que j’ai arpenté Cyseal. Deux, car c’est bien deux codes que Focus a eu la gentillesse de nous faire parvenir. Et voilà comment on les remercie ; j’avoue avoir un peu honte et profite de ce laïus en préambule pour m’excuser auprès d’eux. Mais voilà, comme je viens de vous le dire, les galères et aléas se sont multipliés. Les aléas, le jeu n’en est pas responsable. En effet, entre le boulot, les vacances, la Coupe du monde et l’Ebola, le temps a quelque peu manqué pour qu’on puisse accorder nos violons, Nachcar et moi. Les galères, c’est tout autre chose. Car à l’origine, c’est avec l’accès anticipé, quelques semaines avant sa sortie officielle, que nous avons débuté notre aventure. Seulement, apprendre qu’à chaque mise à jour nous allions perdre notre sauvegarde, a eu raison de notre bel enthousiasme. C’est donc résignés mais patients que nous avons attendu la sortie définitive. Ce ne fut toutefois pas la fin de nos problèmes. Car par la suite, les bugs et plantages se sont multipliés, faisant crasher le jeu avec retour Windows à la moindre sauvegarde auto, faisant disparaître les armes et équipements durement gagnés du deuxième joueur à la moindre occasion… A l’arrivée, on a du recommencer l’aventure à trois reprises avant d’avoir droit à plus de stabilité. Cela a fini par émousser notre motivation, pourtant déjà pas mal malmenée par une progression pour le moins curieuse et délicate à appréhender.

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Vous ne serez pas trop de quatre pour mener vos quêtes à bien
Car, si on excepte la première grotte tutorielle, nous n’avons pas vu l’ombre d’un combat digne de ce nom avant de longues, très longues heures de jeu. L’essentiel de notre aventure fut constituée d’incessants allers/retours, d’éternels dialogues et de minutieuses fouilles (avec moult vols à la clé) dans les moindres recoins de la ville portuaire de Cyseal. Nos rares excursions en dehors de la cité, se soldaient généralement par une extermination dans les règles de l’art de nos preux héros, durement élevés au rang 3 ou 4, par des sangliers, loups, squelettes ou encore orcs de niveau 6 ou 7. Frustrant, très frustrant. D’autant plus frustrant que pour progresser en niveau, il nous a fallu passer une éternité à enquêter sur la mort de je ne sais qui, inspectant chaque coffre, chaque étagère, et interrogeant quiconque croisait notre chemin, comme si nous jouions en coopération à un Point & Click des années 90. Pour un RPG, c’est un peu dommage… Mais avec beaucoup de patience et de persévérance, Divinty: Original Sin dévoile toutes ses qualités, des valeurs qui n’ont plus cure dans cette industrie depuis longtemps. Car contrairement à la majorité, la grande majorité des développeurs d’aujourd’hui, Larian a bossé sur son jeu en gardant à l’esprit qu’il était dédié à être joué… Oui je sais, dit comme ça c’est un peu bête, mais réfléchissez-y deux minutes. Depuis combien de temps n’avez-vous pas vu un jeu destiné à être joué, plutôt qu’à être regardé en tapotant nerveusement deux, trois boutons de temps à autre ? Depuis combien de temps n’avez-vous pas vu un jeu destiné à être joué plutôt qu’à faire gagner de l’argent à ses auteurs avec des solos amputés et des multi rachitiques pour les compléter via des DLC ? Alors certes, ils n’ont pas toujours été très adroits dans leurs méthodes, mais l’intention est là.

Jeu de mains, jeu de vilain

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Sachez-le, le jeu est bavard, très bavard
Il est vrai que le début d’aventures est un peu poussif, voire déstabilisant. Mais même ainsi, le jeu se joue sans déplaisir, grâce à un visuel accrocheur et des dialogues savoureux remplis de bons mots et de références en tous genres. De plus, la coopération apporte un avantage certains à ce RPG, même si les combats se déroulent en tour par tour. Il est ainsi délectable de pouvoir se rendre à deux endroits opposés l’un de l’autre, surtout dans ce début d’aventures où vous serez amenés à interroger bon nombre de personnages. De plus, il n’est pas rare qu’au cours d’un dialogue ou à la suite d’une action bien spécifique, vos deux héros s’interpellent, proposant alors des réponses à choix multiples qui définiront leur personnalité, d’où découleront des bonus de compétences en tous genres. Cet aspect du jeu se retrouve d’ailleurs également sur les mercenaires que vous pourrez recruter afin qu’ils se battent à vos côtés (jusqu’à 2), influant sur vos relations et donc sur votre efficacité en combat. Il faut dire aussi que le jeu est bavard, très bavard. Habituellement, ça ne me gêne pas outre mesure. Mais il est vrai que lorsque l’on joue à deux en coopération, on n’a guère le temps de se perdre dans la lecture du 1er tome de Guerre et Paix. On a déjà du mal à se trouver un créneau pour jouer ensemble, ce n’est certainement pas pour passer la moitié du temps qui nous est imparti à lire tout ce que peut baragouiner le moindre péon qui croise notre route. Non, à partir du moment où tu joues à plusieurs, tu dois aller à l’essentiel !

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Avec la compétence appropriée, vous pouvez même parler aux animaux
Je pesterai également sur cette absurdité qu’est la résolution de quêtes intimement liées à un simple chifoumi. Comprenez par-là que vous vous emmerdez à suivre une quête du début à la fin, interrogez les bonnes personnes, donnez les bonnes réponses, réalisez les bonnes actions, tout cela au bon moment. Pourtant, à l’arrivée, c’est une épreuve de Pierre-Feuille-Ciseaux qui va déterminer votre réussite ou votre échec. Frustrant, inutile, stupide ! Alors certes, on peut influer sur les points gagnés à chaque manche grâce à nos talents d’intimidation, de ruse ou autres, mais qu’importe. Comment une telle énormité a pu passer l’épreuve de l’alpha testing ? Ça vous flingue une motivation ! Heureusement, toutes les quêtes ne se terminent pas de cette façon, et nombre d’entre elles passeront par l’inévitable poutrage de gueule, à grand renfort d’épée à deux mains et de sorts meurtriers. Et de ce côté-là, rien à redire. Le panel de compétences à notre disposition est particulièrement large et les mécaniques de gameplay, plutôt rodées et efficaces : On sélectionne sa compétence (offensive, défensive, soutien…), on sélectionne sa cible, et vogue la galère ! Bien sûr, c’est du tour par tour, et certains (suivez mon regard) ne peuvent pas le voir en peinture. Mais pour moi, convaincu du bien-fondé de ce système par rapport au temps réel trop bourrin, je ne boude pas mon plaisir.

Le prix de la liberté

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L’inventaire est un peu bordélique
Il faut dire que rarement nous aurons eu droit à un tour par tour aussi élaboré. Au-delà des aspects classiques et habituels (l’ordre des tours de jeu, l’utilisation de compétences, la conservation des points d’action, etc.), on retrouve un système intimement lié aux éléments et à la physique/chimie. Ainsi, rien de tel qu’un ruisseau ou une averse pour calmer les brûlures (et par extension, les élémentaires de feu) ou rien de tel qu’un combo eau/électricité pour griller tout le monde, un peu de pétrole et vous voilà fin prêt pour un joli feu de joie… bref, vous avez compris le principe. Rien ne vous empêche non plus d’approcher l’ennemi furtivement, afin de trouver le moment idéal pour l’affronter… voire carrément d’éviter l’affrontement. Les possibilités semblent légion et donnent à réfléchir quant au meilleur moyen d’envoyer l’adversaire ad patres. Le problème étant toujours le même : Qu’importe votre stratégie, vous n’irez pas bien loin face à un ennemi plus coriace que vous. C’est un peu le leitmotiv de Divinity d’ailleurs : Un sentiment de liberté absolu mêlé à une frustration qui vous renvoie systématiquement à vos propres faiblesses. De plus, cette liberté d’action et de déplacement fait qu’on se retrouve constamment à se demander ce qu’on doit faire. Nous avons tellement été pris par la main ces dernières années dans le jeu vidéo, que lorsqu’on nous laisse seul maitre à bord, on se retrouve perdu, incapable d’avancer autrement qu’en tâtonnant. Comme un animal sauvage domestiqué qui en aurait perdu ses instincts.

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Avant d’affronter le moindre ennemi, assurez-vous d’être bien préparé et d’un niveau suffisant
Alors résultat, on finit par faire un peu tout et n’importe quoi. On accepte les quêtes les unes après les autres, s’en trop s’en soucier, en se disant « on verra bien ». On parle à tout le monde en évoquant tous les sujets possibles. On fouille tous les recoins de la ville, vole tout ce qu’on peut voler, tente tout ce qu’on peut tenter. Et parfois on retombe sur nos pieds, un peu par hasard, un peu par conviction, un peu par curiosité. En définitive, Divinity est peut-être plus qu’un jeu, c’est une expérience de vie qui bouscule nos habitudes de gamers blasés jouant en mode auto-pilot depuis bien trop longtemps. Tour à tour jouissif, énervant, frustrant, passionnant, drôle et rébarbatif, Divinity est une véritable ode au jeu vidéo d’antan, celui que les moins de trente ans ne peuvent pas connaitre, celui qui a fait de nous des passionnés, ces Baldur’s Gate, Planescape Torment et autres Icewind Dale qui nous ont fait rêver, bien avant Tolkien (du moins, avant d’avoir le courage de lire les pavés de Tolkien), aux elfes, orcs, anges, démons et sorciers en tous genres.

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