Bioshock, le FPS tombe à l’eau

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Bioshock est sorti en août 2007, à l’époque je me demandais vraiment pourquoi les développeurs s’entêtaient à nous construire toujours les même univers pour leurs FPS. Hé ben j’ai su, c’était pour permettre à Irrational Games de produire l’un des univers les plus originaux et tripant de l’histoire du jeu de tir à la première personne (et peut-être même de l’histoire du jeu tout court, allez hop). Oui ma bonne dame.

Plouf

Sans vouloir vous spoiler l’histoire de la ville sous marine de Rapture, puisque vous allez la découvrir en jouant, précisons tout de même que c’est en 1946 que le riche Andrew Ryan lui fit ouvrir ses portes. Il souhaitait, en parallèle au trauma de la guerre, construire un endroit où l’homme serait son propre Dieu, son propre président, sans avoir à subir les décisions ou l’influence de qui que ce soit. Une ville secrète et élitiste placée au fin fond des abysses où artistes, scientifiques et autres industriels vivraient pour eux même et pour personne d’autres.

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En 1960 vous survolez l’océan Atlantique avant de vous crasher en plein milieu de la flotte et de nulle part. Seul un phare est visible non loin, vous y nagez, vous y découvrez une bathysphère dans laquelle vous ne pouvez que vous y engouffrer… Bienvenu à Rapture. Sauf que là on est bien loin de la société idyllique imaginée par l’autre mégalo de service, c’est parti en couille entre deux. On comprend en jouant qu’à un moment donné tout ça devait être en bel état avec des gens relativement normaux, même si tout ce que l’on croise maintenant n’en sont que les restes composés d’étranges hommes et femmes très agressifs, des débris un peu partout et des caméras de surveillance. Et ce n’est pas tout puisque ces tarés semblent n’avoir d’autres choix de survie que de s’injecter une étrange drogue qui modifie leurs gènes dont on peut voir des affiches publicitaires au sein de la ville, à moins que ce ne soit cette came qui les ait mis dans cet état ? Toujours est-il que les « Petites Sœurs » font office de dealeuses. Ou plutôt récupèrent la fameuse substance, l’ADAM, sur les cadavres avant de fuir, sous l’œil bienveillant (malveillant ?) de puissants et résistants « Protecteurs ». Voir une petite fille à l’allure très zombiesque piquer des cadavres avec une énorme seringue sous la protection d’un énorme « type » en scaphandre customisé façon barbare, le tout sous l’œil de fous en manque au fin fond d’une ville sous marine dévastée, ça met tout de suite dans l’ambiance…

Comme un livre

003-50.jpgDès les premiers instants de jeu on se pose irrémédiablement des questions sur la ville et sur ce qu’elle est devenue. Pourquoi ? Comment ? Sous quelles circonstances ? Autant de questions qui trouvent réponses au fur et à mesure de notre progression, ce qui rend Bioshock d’autant plus passionnant. Une sorte de scénario à suspense où le joueur soulève de lui-même toutes sortes d’hypothèses avant de lui-même trouver les réponses ici et là. On veut savoir ! On dévore l’histoire comme on dévorerait celle d’un bon roman. Et c’est sans aucun doute que l’originalité de l’univers décuple cette sensation d’immersion rarement atteinte, on se plonge (si j’puis dire ahahahah) tout de suite dans l’ambiance pour la simple et bonne raison que c’est inédit, jamais vu. Une originalité qui ne touche pas seulement le jeu vidéo d’ailleurs, ce background de science fiction est totalement à revers de ce qui se fait actuellement dans le domaine que ça soit au cinéma ou dans les séries télé, la littérature ou la BD.
En fait ça rappelle surtout les récits de science fiction d’après guerre (voir avant) ce qui colle parfaitement à l’époque où a été construite Rapture. Quant à l’idée de gens uniquement motivés par leurs intérêts personnels et refusant le reste, c’est une référence directe à la philosophie objectiviste qui existe réellement (bien que peu répandue chez nous, en France). Interrogé à ce sujet, l’objectivisme, Ken Levine (le grand chef créateur derrière Bioshock) dira d’ailleurs que son jeu n’en est pas une critique ni une éloge, il souhaitait plus généralement montrer les problèmes que peuvent rencontrer les gens qui suivent une doctrine aveuglément… Tu m’étonnes simone que dans ton jeu y en a qu’on eu des problèmes…

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Bref, toujours est-il que tout ça relève d’un gros travail de recherche de la part d’Irrational (enfin 2k Boston), un boulot qui se ressent autant dans le scénario que le design et la musique. Art déco des années 50, tourne disque qui diffuse des chansons d’époques, affiches et petits films publicitaires totalement dans le ton… Rien n’est laissé au hasard. Ajoutez à cela un moteur physique impeccable et un rendu graphique magnifique avec notamment des effets d’eau imposant un nouveau standard de qualité, des bruitages hyper bien fait, des animations sublimes (principalement pour les Petites Sœurs et les Big Daddy) et un doublage français très bon (si ce n’est pour quelques rares traductions un peu discutables comme le chaleureux et impressionnant « Big Daddy » en VO qui devient un froid « Protecteur » en VF). Bioshock fait définitivement parti de ces jeux où l’ambiance (souvent oppressante et toujours passionnante) est primordiale dans la lignée d’un Condemned, même si ici on reste tout de même un minimum dans un esprit shooter.

Enfermé mais libre

004-48.jpgUn shooter ok mais pas un shooter à la Doom, Quake ou autre Painkiller, que les choses soient claires. On avance pas à pas, fouillant les moindres recoins dans le but de ne pas échapper à des détails qui pourraient nous en dire plus sur la ville, sur son histoire (comme des bandes audio par exemple, superbement doublées d’ailleurs, ou des conversations entre PNJ que l’on surprend…). Une conjugaison parfaite entre la narration et son interactivité, qui nous fait véritablement réfléchir sur ce que le jeu raconte, encore une fois. Et qui plus est qui ne donne pas l’impression de nous mâcher le travail (comme dans la plupart des jeux actuels) puisque à ce sujet, rien n’est obligatoire ni même indiqué, fouinez si ça vous chante. Ceci dit même les plus bourrins d’entre nous y trouveront leur salut, ne serait-ce que pour obtenir plus de balles…
Si le scénario prend de l’ampleur au fil de la vingtaine d’heures de jeu, le gameplay en fait de même. Les armes conventionnelles, dont le panel est convenable, deviennent toutes upgradables au bout d’un certain temps et disposent toutes de différents types de munitions (balles explosives, perforantes et ce genre de chose).
Ainsi, d’une petite pétoire toute pourrie on peut passer à un putain de magnum à te faire chier dans son froc l’inspecteur Harry… Mais Bioshock repose surtout sur la modification génétique, ayant lieu en s’injectant l’inévitable came dont je vous parle un peu plus haut. Grâce à elle on peut faire évoluer les capacités de notre avatar que ça soit pour ce qui est de ses skills « normaux » (à savoir la manufacture, la résistance physique, la force) mais aussi utiliser et faire évoluer les plasmides, sortes de « pouvoirs magiques » divers et variés que l’on ramasse ou achète et qui apportent énormément au gameplay.

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013-24.jpgParfaitement intégrés au jeu, ces plasmides sont assez jubilatoires à utiliser, pour la plupart en tout cas. Par exemple il est super amusant d’enflammer un ennemi à l’aide du pouvoir adéquat, de le voir se jeter dans une fontaine alentour dans l’espoir de survivre et en conséquence de l’électrocuter en balançant un coup de jus dans l’eau grâce au plasmide arc électrique… La télékinésie m’amuse aussi terriblement, ça reprend le principe du gravity gun d’Half-Life 2 où l’on peut jeter des objets à distance à la gueule des gens, par exemple voir une grenade qui arrive droit sur nous, l’arrêter en plein vol et la retourner contre son envoyeur… c’est jouissif. Le sort pour faire d’un Big Daddy (j’arrive pas à me faire au mot « Protecteur ») son allié vaut également son pesant d’or… Et y en a une dizaine comme ça… A ce sujet les solutions pour se sortir de telle ou telle situation semblent infinies tant il existe mille et une façons de parvenir à ses fins entre les plasmides, leurs combinaisons possibles avec l’environnement, les flingues et bien entendu le piratage de tourelles et autres robots de sécurités, sans même parler du corps à corps (avec une clé à molette), tout est possible mais rien n’est obligatoire… Ca donne un petit côté puzzle aux affrontements et surtout la sensation d’être libre de ses actes, une chose trop rare dans le jeu vidéo, surtout pour un FPS.
Le plaisir de jeu, déjà assez élevé dès la première heure, monte graduellement au fur et à mesure des nouvelles perspectives qu’ouvrent les upgrades et leurs choix mis à disposition, les plasmides et autres joyeusetés. Comme par exemple celles qu’offrent le fait de prendre des photos de ses ennemis pour en apprendre plus sur eux et gagner des bonus ou encore de pouvoir fabriquer ses propres objets (des munitions le plus souvent) à l’aide d’une machine et d’ingrédients ramassés. Oui, on peut faire ça.

Une Petite Sœur pas faite pour votre petit frère

Ajoutez à cela d’autres facteurs de choix, concernant le scénario cette fois et toujours parfaitement conjugués au gameplay, et tournant autour de ses fameuses Petites Sœurs et leur Big Daddy. Sachant qu’une Petite Sœur renferme une grosse quantité d’ADAM et que la substance vous permet d’obtenir toujours plus de pouvoirs et de les faire évoluer. Sachant aussi que les Petites Sœurs sont des fillettes d’à peine une dizaine d’années, certes presque plus humaines, mais qu’il est possible de sauver et d’en obtenir une récompense. Et enfin sachant que de toutes façons approcher une de ces gamines vous fera inévitablement affronter leur Big Daddy (et que ça induit d’en chier grave, vous allez mourir, beaucoup). Qu’allez-vous faire ? Les éviter, les sauver ou les tuer ? Votre choix influera directement sur la fin du jeu en tout cas… La classe. On peut également se réjouir d’avoir un titre qui s’adresse plus que jamais aux adultes, ce choix cornélien en est le fer de lance.

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Bioshock un jeu sans défaut ? Non. Il reste toujours des choses à redire, mais qui paraissent bien minimes, des broutilles pour chercher la petite bête en fait. Par exemple on ne voit pas le bas du héros, ni pieds ni jambes. C’est un peu étonnant de faire des bruits de pas hyper réalistes et de ne pas avoir de… pieds, ça donne la sensation de n’être qu’une caméra qui flotte dans l’air. Ok l’ambiance est tellement forte qu’on oublie ce détail très vite mais quand même, ce défaut m’a toujours choqué dans les FPS, c’est la première chose que je vois à chaque fois.
Dans le même genre de subtilités, au tout début du jeu notre personnage s’injecte directement et automatiquement de la dope après en avoir découvert… ça vous semble logique vous de vous planter une méga seringue dans le bras d’entrée, en sachant à peine ce qu’il y a dedans ? Aucune explication n’accompagne cet acte, dans un jeu tellement bien scénarisé ça fait un peu tâche même si encore une fois on oublie.

015-18.jpgMême s’ils sont très rares et à peu près anodins j’ai aussi rencontré quelques bugs, notamment une musique accompagnant l’arrivée d’un PNJ important qui ne s’arrêtait plus alors qu’elle aurait dû (ce qui fait qu’elle était mélangé avec une autre musique s’étant enclenchée plus loin, un bordel inaudible pas possible) ou encore un Big Daddy coincé inexplicablement en plein milieu d’un escalier (comme ça j’ai pu le fumer sans mal ceci dit). Bon pas de quoi s’alarmer ceci dit hein, ce sont des bugs clairement aléatoires, si ça se trouve avec ma veine je suis le seul à les avoir rencontré sur la planète… A noter quand même un vrai bug commun à toutes les versions et qui aurait largement pu être évité : l’audio des dialogues décalés par rapport aux mouvement des lèvres (il arrive régulièrement que le dialogue soit fini alors que le perso en face de nous continue à bouger les lèvres… ça fait tâche).
Niveau jouabilité en elle-même la seule chose à dire vient du switch entre les différentes armes et celui entre les différents plasmides, ce n’est pas extrêmement instinctif une fois qu’il y en a vraiment plusieurs, même si on s’adapte. D’ailleurs transporter 50 000 armes en même temps ce n’est pas très réaliste… et puis intégrer la possibilité de mettre des coups de crosse n’aurait pas été de trop. Je cherche la petite bête hein ? Faut bien parce qu’à part ça c’est du grand art, vraiment. L’absence d’un mode multijoueurs n’est même pas un reproche à faire tant le solo est plein de maîtrise, j’en ai même rien à branler qu’il n’y ait pas de mode multi…

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Du coop’ à deux aurait peut-être pu être sympa mais c’est typiquement le style d’aventure qui se joue en solo. Rien à faire, impossible de trouver un vrai gros défaut à Bioshock.

Au final tout cet ensemble d’idées ne donne pas quelque chose de révolutionnaire, puisque tout a déjà été approché à droite à gauche dans divers autres jeux, mais un titre regroupant toutes ces idées avec la qualité au rendez-vous pour chaque, ça se compte sur les doigts d’une main, sincèrement.

Bioshock est immersif, ambiancé, passionnant, beau, libre, intelligent, en un mot, culte. Adoptez-le (c’est mieux qu’un chaton mignon ou qu’un chiot, et ça fait moins caca en plus. Et puis ça bouffe pas les pieds de chaises).

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