Autopsie d’un héros mort

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Mario, Sonic, Lara Croft ou encore Masterchief, l’histoire du jeu vidéo est émaillée des noms de ces héros indémodables. Pourtant aujourd’hui, à l’heure de la relève, plus personne ne semble taillé pour porter l’industrie sur ses épaules. A qui la faute ?

Aux éditeurs

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Dans le jeu vidéo, un mec un peu bad boy, c’est un mec mal rasé et chauve
Le point commun de la plupart des grands héros du jeu vidéo, c’est qu’ils possèdent tous un physique hors norme. Que ça soit Mario avec sa salopette rouge ou Lara et son petit cul dans son short moulant, ils sont reconnaissables entre mille. Seulement de nos jours, les éditeurs ont perdu leur mojo, leur créativité frise le néant et le plagiat du voisin est devenu une pratique récurrente. Souvenez-vous, il y a encore peu de temps on voyait fleurir des personnages copiés/collés, des mecs bodybuildés aux crânes rasés qui se la jouait bad guys. Ça a commencé avec Sam Fisher dans Double Agent, puis les copies ont suivies : Cole, d’Infamous, Sheppard de Mass Effect ou encore Max Payne, du troisième opus éponyme… Même Niko Bellic de GTA IV n’y a pas échappé. Encore aujourd’hui, où les éditeurs se disent que finalement les cheveux ce n’est pas si mal, les héros de jeu vidéo ont du mal à imposer un look, une gueule. La plupart ont autant de charisme qu’un geek a de partenaires sexuels et les clichés se multiplient plus vite que les morbacks dans les poils pubiens de Nabilla. Prenez les grands jeux de l’année passée par exemple : The Last of Us, met en scène un ersatz d’Ellen Page, qu’on retrouvait également (mais de manière officielle cette fois) dans Beyond two souls. Dans Black Flag, le joueur incarne une sorte de beau-gosse-surfeur-rebelle à la con, le genre de look qui fait craquer les midinettes mais qui s’avère être aux antipodes de l’idée qu’on se fait d’un pirate (Sans parler d’Arno, le héros d’Unity et sa gueule passe-partout). Et si quelqu’un a une idée d’à quand remonte la dernière héroïne charismatique, qu’il me fasse signe. A une époque où les suites font l’essentiel de la production vidéoludique, c’est quand même paradoxal de ne plus trouver un seul héros capable d’en imposer. Il faut dire que lorsqu’on veut créer un personnage de toutes pièces, la clé de voute, plus encore que le charadesign, c’est l’écriture. Et des studios qui savent écrire, c’est un peu comme les ovnis : Tout le monde pense en avoir déjà vu, mais en réalité ça n’existe pas.

A la société

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Quand on voit que la mode masculine c’est ça, faut pas s’étonner que les héros aient disparu…
Cette déchéance de l’individualité dans le jeu vidéo, est aussi le reflet de la société d’aujourd’hui. Il suffit d’ailleurs de mettre le nez dehors pour s’en apercevoir. Les clones se répandent en ville comme une trainée de poudre, tous habillés de la même façon, avec leur look de hipster à la con : Coupe Vivel Dop sur le crâne, casques Beats sur les oreilles et Candy Crush sur leur iPhone. Qu’il s’agisse de l’école, des politiques ou des grandes corporations qui façonnent notre monde, tous se sont appliqués à réduire le libre arbitre à peau de chagrin. Résultat, qu’est-ce qui différencie deux individus du même âge et du même sexe ? La couleur de ses Nike (et encore) ! Le problème, c’est qu’avec la technologie actuelle et le jeu vidéo qui tend à se rapprocher du photoréalisme, les développeurs ont une fâcheuse tendance à nous pondre des héros au look d’acteurs de pub. Il n’y a qu’à voir le personnage d’Infamous : Second Son, avec sa tronche de Justin Bieber qu’on a envie de claquer. C’est ça qui fait rêver les jeunes de nos jours : La bogossitude version télé-réalité, où l‘intellect d’un homme est inversement proportionnel à ses tablettes de chocolat (marche aussi avec les femmes et la taille de leur bonnet). C’est malheureux, c’est lamentable même, mais c’est ainsi. La société est devenue un kleenex, qu’on use et qu’on jette immédiatement après, et le jeu vidéo suit son exemple. Assassin’s Creed change de héros chaque année (voire deux fois par an), Borderlands a revu l’intégralité de son casting, Battlefield et Call of Duty font preuve d’une impersonnalité propre au corps militaire qui les fait vivre et même Nathan Drake (Uncharted) a du mal à se séparer de son image de John Mc Clane vidéoludique. Quand on voit que les héros de ce monde moderne s’appellent Steve Jobs ou Mark Zuckerberg, faut pas s’étonner que nos avatars vidéoludiques ne ressemblent plus à rien.

Aux joueurs

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Avant de retrouver une héroïne de cette trempe, le réchauffement climatique aura anéanti toutes formes de civilisation
Et si finalement, la faute en incombait aux joueurs ? Car c’est bien beau de râler (et dieu sait que le joueur est un râleur), mais le seul qui a son mot à dire dans tout cela, c’est bel et bien le joueur. C’est lui décide de ce qui marche et ce qui ne marche pas. Il serait peut-être temps qu’il se responsabilise. En effet, pour gueuler sur la recrudescence du DLC, des Season Pass et de la microtransaction y a du monde, mais si c’est pour pécho en scred le dernier Map Pack Callof ou des costumes sexy pour (dés)habiller Chun-li, ça ne sert plus à rien. Il en va de même pour les univers qu’on nous propose. Ça va souffler dans les chaumières du trop-plein de nazis dans les FPS ou de la surabondance des zombies dans les jeux d’action. Mais dès qu’on nous propose un univers un tant soit peu original, de la SF sans aliens stéréotypés ou de l’Heroic-Fantasy sans orcs et elfes, plus personne n’est prompt à investir ses deniers. On leur préfère les valeurs sûres et indémodables, tout comme on préfèrera un bon Mc Do rabougri à un burger fait-maison, avec ses vrais oignons, sa véritable salade et son steack haché à base de viande. De la même manière que les standards chez les jeunes d’aujourd’hui sont ces facsimilés d’humanité qu’on nous vend dans les magazines people, le héros de jeu vidéo est devenu lisse et ringard au possible, multipliant les clichés à son encontre : L’héroïne aux gros nichons, le bad boy à la barbe naissante ou encore le gros orc à la peau vert pré et aux abdos en mythril… Pire encore, au-delà de toutes considérations esthétiques, les héros perdent peu à peu leur humanité. Les premières victimes dans tout cela, ce sont les protagonistes de FPS, qu’on ne voit pour ainsi dire jamais compte tenu de leur représentation à la première personne. Les Gordon Freeman et autres Cate Archer de naguère ne sont désormais plus que de simples bras tenant un flingue (pour la plupart, dépourvus de jambes d’ailleurs). Et ce n’est sans doute pas avec la propension des éditeurs à nous coller du coop’ et du multi à toutes les sauces que ça va s’arranger. Définitivement, le héros tel qu’on le connaissait est mort et enterré !

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